Au vu des découvertes prometteuses dans le bassin sédimentaire sénégalais, le projet de code du pétrolier se réadapte au contexte pour profiter au maximum des retombées de ressources minérales.
Pour le secrétaire général du ministère du Pétrole et des Energies, Adama Diallo, le principe est simple : ‘‘Nous avons voulu anticiper sur l’offre de transparence avant qu’il y ait une demande de transparence.’’ C’est par cet ‘‘aphorisme’’ qu’il a expliqué les dispositions qui ont présidé à la confection du projet de code du pétrole en gestation depuis 2016. Après les législations de 1960, 1986 et 1998, cette nouvelle réglementation introduit beaucoup de nouvelles dispositions qui devraient permettre au Sénégal de profiter au maximum de ses ressources minérales. ‘‘Nous allons introduire le bonus, la redevance (ce qui est rare dans les Cpp), augmenter la taxe superficiaire. On a fixé l’impôt et tous les blocs seront taxés ‘Ring Fencing’. Ce qui va permettre à l’Etat de mieux maîtriser les opérations pétrolières et les revenus issus du pétrole’’, a annoncé le directeur général de la Compagnie nationale de pétrole (Petrosen), Mamadou Faye.
Le code de 1998 était obsolète, au regard des gisements de pétrole et de gaz découverts. Le code a été élaboré dans un contexte de chute du prix du baril, 20 dollars. Les investisseurs n’avaient pas voulu prendre le risque d’explorer le bassin sédimentaire sénégalais pour converger vers des zones au potentiel prouvé comme le Golfe de Guinée. Le Sénégal a dû concéder beaucoup de largesses dans ce code, pour rendre la destination attractive. Ainsi, la convention est supprimée, les procédures administratives allégées, un contrat de recherche partage et production (Crpp) est institué, une commission d’instruction de demandes de permis mise en place. Le bonus de production est non recouvrable, alors que les frais d’inscription de dossier, inexistants dans le code de 1998, sont fixés à 25 mille dollars... non remboursables, non recouvrables. ‘‘Cette architecture permet à l’Etat de gagner assez de ressources de revenus.
Ce qui est important dans le pétrole, c’est le transfert de technologies. Il faut que ce soit les Sénégalais qui s’approprient l’industrie pétrolière pour un maximum de bénéfices. A défaut, on va l’exploiter et dans 20-30 ans, une bonne partie des ressources va disparaître et tout ce qui reste, c’est des revenus qu’on aura gaspillés. Si une bonne partie de ces revenus crée de la valeur locale et permet à une industrie locale de se développer, c’est ce qui va rester’’, a avancé Mamadou Faye.
Les 10 % de l’amalgame
Pour le pétrole, les prévisions de Cairn Energy tablent jusqu’à 125 mille barils/jour pour le champ Sne, selon le bilan semestriel de la junior britannique publié en août dernier. Cairn est opérateur et possède 40 % de participation directe dans les trois blocs situés au large des côtes sénégalaises aux côtés de ses partenaires de joint-venture que sont Woodside (35 %), Far Limited (15 %) et la compagnie pétrolière nationale du Sénégal Petrosen (10 %). Pour ce dernier cas, le pourcentage actuel de 10 % que la compagnie nationale perçoit des opérations d’exploration auxquelles elle ne prend pas part, s’explique facilement. Le Dg, Mamadou Faye, a tenu à lever l’amalgame sur cette part qui n’est pas celle de l’Etat. ‘‘Les 10 % sont une participation de Petrosen durant la phase risquée (exploration). On peut dépenser des milliers de dollars et ne rien trouver. Le projet n’est pas rentable et on perd son argent. Après l’exploration, c’est le développement qui est mis en œuvre que si le gisement est rentable. Et puis il y a l’exploitation. C’est dans cette phase qu’on définit la part de l’Etat. Il va avoir une redevance directe sur la production.
La redevance est perçue comme une taxe sur le chiffre d’affaires. C’est beaucoup plus lourd qu’on le pense. Il y a ensuite le partage du profit, la rente et puis il y a l’impôt sur les sociétés. L’Etat a trois parts dans ce contrat, plus la participation de Petrosen, ce qui fait quatre. La participation de Petrosen, c’est 10 % dans la phase de recherche, car il ne participe pas aux investissements. En cas de découverte commerciale, après le développement, Petrosen peut augmenter sa participation en fonction des projets, entre 10 à 20 ou 30 %. C’est ce qui revient à Petrosen en tant que société. Ce n’est pas la part de l’Etat’’, a-t-il précisé.
Pas de rétroactivité
La rétrocession du bloc de Saint-Louis par Franck Timis à la junior américaine Kosmos, ne devrait pas souffrir de révisionnisme. Le projet de code ne va pas concerner les blocs rétrocédés avant son entrée en vigueur. ‘‘Un code n’est jamais rétroactif. Dans les contrats pétroliers, il y a la clause stabilité qui fait qu’une fois que la compagnie s’engage, les conditions resteront pérennes. Il y a beaucoup de blocs qui sont libres. On définit la recherche par périodes. A la fin d’une période, une compagnie peut partir et laisser un bloc libre. Il sera promis par Petrosen qui se chargera de trouver des investisseurs’’, avance Mamadou Faye.
Ce champ gazier renferme des gisements prometteurs de Tortue et de Yaakaar 1 à la charge de Kosmos/Bp. Pour cette ressource, les évolutions ont fait qu’il est devenu une matière commerciale à part entière. ‘‘Il y a 20 ou 30 ans, on parlait de ‘‘Fatal Gas’’, gaz qu’on brûlait. Aujourd’hui, il est liquéfié et exporté comme le pétrole. Le contexte est que le gaz est rentable, car on peut le liquéfier, mais il faut prévoir tous les mécanismes d’investissement qui y sont liés et l’intégrer dans le nouveau code pétrolier. Il y a un certain nombre de paramètres techniques et économiques qu’il faut définir et structurer en fonction du contexte du pays et des risques liés au bassin’’, estime le directeur général de Petrosen.
Avis au privé national
A l’image d’un Pse décrié pour son ‘’exclusion’’ des privés nationaux, les opérations pétrolières semblent prendre cette trajectoire. En cause, le caractère inédit de cette activité économique et le manque de spécialités locales dans ce secteur. Si l’article 8 du projet de code exclut désormais les personnes physiques au profit des personnes morales et des sociétés de capitaux, une disposition particulière - l’article 58 - adoube la participation des privés nationaux ‘‘aux risques et résultats des opérations pétrolières’’.
‘‘On reste ouvert pour le privé national. Pour le moment, on en est à l’exploration. Mais pour l’exploitation, il y a beaucoup de services qui entrent en jeu. C’est là où les nationaux qui ont des Pme ou Pmi devraient explorer les options possibles et investir dans ce sens’’, a avancé Mamadou Faye. Le Dg de Petrosen a tenu à être clair sur les exigences que requiert ce type d’activité. ‘‘Il y a la normalisation, les compagnies qui investissent dans l’exploration travaillent sur des normes où le risque est réduit au minimum, car les investissements sont énormes. On ne peut pas permettre de mettre des milliards de dollars et que quelqu’un qui a mal géré un boulon puisse détruire tout un ensemble. Les privés sénégalais devront déjà commencer par explorer les options, se mettre aux normes de l’industrie pétrolière, investir en ressources humaines et équipements’’, a-t-il mis en garde.