La quantité d’antibiotiques utilisés dans l’élevage au Sénégal est passée de 11 435 kg en 2015 à 14 547 kg en 2017, soit une hausse de près de 3,112 tonnes. Cette révélation faite hier lors d’un atelier sur le sujet inquiète les spécialistes, d’autant plus que ces produits peuvent avoir des conséquences sanitaires sur l’être humain.
Au Sénégal, on note ces dernières années une augmentation croissante d’agents antimicrobiens, notamment dans le secteur de l’Elevage. ‘’L’utilisation d’antibiotiques dans l’élevage, pour ce qui est contrôlé, est passée de 11 435 kg en 2015 à 14 547 kg en 2017, soit une hausse de près de 3 112 kg. Cette évolution croissante d’agents antimicrobiens nécessite une prise de conscience quant à leur utilisation prudente, responsable et rationnelle afin d’éviter le développement de bactéries multi-résistantes’’, a indiqué hier le Conseiller technique du ministre de l’Elevage et des Productions animales, Khadim Guèye. Il s’exprimait lors de la cérémonie d’ouverture d’un atelier de formation et de sensibilisation des vétérinaires praticiens et para-vétérinaires sur la résistance aux antimicrobiens (Ram). Pour gérer la problématique, le représentant d’Aminata Mbengue Ndiaye a estimé que les stratégies d’intervention doivent être intégrées dans le cadre de l’approche ouverte ‘’One health’’ (une santé), en associant les décideurs, les prescripteurs, les utilisateurs et les bénéficiaires.
Dans cette optique, M. Guèye a rappelé que le Sénégal s’est doté d’un plan d’action national multisectoriel qui est en instance d’amendement et d’adoption. ‘’Il prévoit le renforcement de capacités des laboratoires, du personnel et un vaste programme d’information et de sensibilisation des populations sur les méfaits de la résistance aux antimicrobiens afin de venir à bout de ce fléau’’, a-t-il ajouté. Pour faire face à ce phénomène, il est donc important pour les acteurs de mettre en place des mesures visant à réduire l’impact de cette résistance et à en limiter la propagation. Il s’agit notamment de l’amélioration du diagnostic et du traitement des maladies animales, la surveillance des agents pathogènes et de résistance aux antimicrobiens dans les domaines de la santé animale, de l’hygiène des aliments et de l’environnement. C’est aussi le contrôle de la qualité et de l’usage des antimicrobiens, et celui des résidus dans les produits alimentaires.
Dans le cadre de la lutte contre la vente illicite de médicaments, relève le président de l’Inter-ordre des professionnels de la santé du Sénégal, il est constaté que certains tradipraticiens utilisent des médicaments vétérinaires ou de la santé humaine qu’ils ‘’diluent dans les portions pour les administrer’’ à leurs clients. ‘’Ce qui est très grave’’, d’autant plus que, prévient Mouhamadou Sow, avec les antibiotiques, le non-respect des doses prescrites et de la durée du traitement peut générer les antibio-résistances. ‘’Aujourd’hui, il est très clairement établi qu’avec les animaux, les doses ne sont pas respectées, de même que la durée d’élimination des antibiotiques’’, fait-il remarquer.
‘’Si rien n’est fait d’ici 2025, il y aura 700 000 décès en Afrique’’
En effet, poursuit M. Sow, lorsqu’on administre ces antibiotiques à l’animal, il faut attendre au moins un mois avant d’abattre la bête. Autrement dit, sa viande ne doit être consommée que si l’antibiotique est totalement disparu de la chair. ‘’Malheureusement, ceci n’est pas le cas et ces produits ont un impact réel, déjà vécu. Nous constatons aujourd’hui, dans les laboratoires, beaucoup de résistance par rapport à des microbes. Ces derniers sont de jour en jour plus résistants. Ce qui réduit la possibilité de traitement pour les populations. Si rien n’est fait par rapport à la prescription, les études ont démontré que d’ici 2025, il y aura 700 000 décès en Afrique et 25 millions à travers le monde. Le sous-dosage est également un élément important qui explique l’antibio-résistance’’, a-t-il alerté.
Dès lors, le président de l’Inter-Ordre a appelé les services vétérinaires à jouer un rôle de contrôle. Il admet toutefois que le ‘’grand problème’’ reste l’abattage clandestin ‘’très développé’’. Une pratique qui pose une question de santé publique. ‘’Lorsqu’un animal est abattu dans ces conditions, cela veut dire qu’il n’a pas été vérifié et contrôlé par un médecin vétérinaire. D’où un risque réel pour ceux qui vont le consommer’’, s’inquiète-t-il. Même si la médecine humaine, vétérinaire, la pharmacie, la chirurgie dentiste sont des professions libérales, M. Sow soutient que cela demande de la compétence. Aujourd’hui, il est important pour lui de combattre les praticiens qui exercent cette profession sans diplôme reconnu et qui n’ont pas intégré l’Ordre qui régit leur corps.