Ainsi donc, à Dakar, Adama BARROW, Président élu de la Gambie a pris fonction dans l’ambassade de son pays ! Une première, pour ne pas dire une incongruité sur laquelle, les écoles de sciences politiques vont, sans doute, cogiter encore longtemps.
Au-delà du caractère insolite de l’évènement, ce qui s’est passé ce 19 janvier 2016, sous nos yeux, nous interpelle tous sur le sens et la valeur des institutions de nos Etats ; mais aussi sur notre rapport à la République et à la démocratie.
L’échec de la dévolution du pouvoir en Gambie, c’est aussi et surtout, l’échec de la CEDEAO, organisation inter Etats de l’Afrique de l’Ouest dont on se pose encore la question de l’utilité et de l’efficacité après plus de trois décennies d’existence.
Un « flash back » du déroulement de l’élection présidentielle en Gambie permet de comprendre que, sans avoir besoin de recourir à la force militaire – qui de toute façon fera des victimes innocentes- , ni d’organiser un simulacre d’investiture en terre étrangère, fut-il dans l’ambassade de Gambie à Dakar – ce qui a déjà fait de nous (Africains) la risée du monde, Yaya Jammeh pouvait être contraint à céder pacifiquement le pouvoir sans effusion de sang.
Si on peut toujours épiloguer sur la légitimité de l’attitude de « Babaly Mansa », il faut admettre que les actes qu’il a posés pour contester les élections ne sont pas entachés d’illégalité. En effet, après avoir félicité son challenger sur la foi des résultats provisoires- nous soulignons- publiés par la Commission électorale, Jammeh s’est rétracté après que cette même commission électorale se soit déclarée, elle-même, trompée sur le décompte des voix pour réduire l’écart qui le séparait de Barrow, même si ce dernier était toujours reconnu vainqueur.
Le coup de fil de l’homme de Kanilai à son concurrent que certains invoquent pour justifier la chute définitive de Jammeh n’a aucun caractère constitutionnel, ni légal malgré son symbolisme incontestable en démocratie moderne.
Dès lors que, donc, Yaya Jammeh, légitimement, a douté des résultats provisoires de la commission électorale, il était parfaitement et conformément à la constitution gambienne, en droit d’introduire un recours auprès de la Cour Suprême dans les délais impartis par la loi.
Si, justement, cette cour n’existe pas ou est incomplète pour statuer valablement, la CEDEAO devrait avoir pour rôle d’aider à la constituer d’autant plus que les juges viennent de ses pays membres et à l’amener à se prononcer sur le contentieux électoral avant cette date fatidique du 19 Janvier qui marque la fin de mandature de Yaya Jammeh.
Et, si la cour reconstituée confirme les résultats provisoires de la commission électorale, la CEDEAO pourrait contraindre Jammeh légalement et légitimement par la force, au besoin, à quitter le pouvoir. Et cela nous aurait évité cette pièce de théâtre jouée à Dakar mais surtout cela nous éviterait une intervention militaire avec son cortège de morts inéluctables. Sur ce coup encore la CEDEAO est passée à côté.