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Filière avicole sénégalaise : La guerre des poulets
Publié le mardi 10 juillet 2018  |  Enquête Plus
Production
© Autre presse par DR
Production de volailles
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Dans l’aviculture comme dans la jungle, les plus forts écrasent les faibles. Avec l’arrivée des étrangers, certains craignent la mort de toute une filière porteuse d’espoir pour des milliers de familles sénégalaises. ‘’EnQuête’’ s’intéresse à cette guerre imminente entre différents acteurs du secteur, dont Gmd qui s’est liguée aux Marocains de Zalar. Cette alliance, décriée par des nationaux, a reçu hier la bénédiction du ministre de l’Industrie Moustapha Diop.


Aviculteurs du Sénégal, tenez-vous prêts ! Sur le marché de la volaille, arrive le géant Grands Moulins de Dakar. Et la société française vendue aux Américains du groupe Seaboard ne sera pas seule sur ce marché très porteur au Sénégal. Pour s’imposer dans ce domaine qui n’est pas sa zone de prédilection, Gmd s’est liguée à encore plus forte qu’elle, du moins dans ce secteur. C’est Zalar, le numéro 2 au Maroc. Toutes deux entreprennent d’aller à l’assaut du marché national jusque-là contrôlé par Sedima. Et c’est Babacar Ngom, le chantre de ‘’l’équipe nationale’’ de la volaille, qui a du souci à se faire.

A en croire Franck Bavard, directeur général de Grands Moulins, tout le monde est sénégalais. ‘’Il n’y a pas d’étranger qui tienne. Ce qui compte, c’est le savoir-faire. Nous aurons un personnel sénégalais. Nous allons ravitailler le marché sénégalais pour apporter notre contribution à la sécurité alimentaire. Avec 60 ans d’âge au Sénégal, Grands Moulins, qui vient prendre participation dans Zalar Sénégal, est sénégalaise. Tout comme Zalar qui vient investir des milliards dans le pays’’, rétorque M. Bavard aux détracteurs de la Marocaine à qui il a été octroyé des dizaines d’hectares à Sandiara.

Face à un ministre de l’Industrie visiblement séduit par les installations et l’importance de Grands Moulins dans le tissu industriel sénégalais, la Française devenue américaine suite à son rachat en 2018 par Seaboard, s’est présentée sous ses plus beaux atours. Et elle ne compte pas ménager ses moyens pour dominer le marché national de la volaille. N’en déplaise aux acteurs du secteur avicole et à Sedima. ‘’Nous allons investir plus de 10 milliards de francs Cfa. Ce que nous faisons, c’est de l’agro-industrie qui va permettre de recruter plusieurs pères de famille. C’est comme ça qu’on peut développer un pays et nous comptons continuer dans cette dynamique’’.

Il n’empêche, le patron de Grands Moulins s’est voulu on ne peut plus rassurant pour les petits producteurs. ‘’Notre objectif, dit-il, est de renforcer les capacités de production du pays en la matière, en vue de pouvoir faire face, dans le futur, à l’ouverture du marché. Nous n’avons pas pour vocation d’écraser les petits producteurs. Bien au contraire, c’est ensemble que nous allons y arriver’’.

En tout cas, du côté des accouveurs sénégalais, l’on ne parle pas le même langage. Récemment, en conférence de presse, ils ruaient dans les brancards, condamnant fermement l’octroi de ‘’180 hectares’’ aux Marocains. ‘’On a du mal à accepter que l’Etat puisse autoriser à un groupe qui a fait beaucoup de dégâts en Mauritanie (il parle de Solar) de s’installer au Sénégal. Nous demandons que le gouvernement soutienne les 50 000 Sénégalais qui évoluent dans le secteur et non les livrer aux multinationales’’, disait Papis Bakary Coly, président de la Fédération des aviculteurs du Sénégal Faas Jom.

Dans ce combat, qu’ils ne comptent surtout pas sur Moustapha Diop. Le ministre de l’Industrie a, en effet, béni, hier, l’union Gmd-Zalar dans l’aviculture. Dans l’enceinte de l’entreprise, il affirme : ‘’Les Grands Moulins de Dakar constituent un fleuron de l’industrie sénégalaise, voire de la sous-région, avec 300 emplois directs, 200 indirects… Nous vous félicitons non seulement pour l’investissement que vous faites au niveau des Grands Moulins, mais aussi pour avoir pris la décision de diversifier votre investissement dans la filière avicole. Nous vous remercions au nom du chef de l’Etat. Le Sénégal a besoin d’entreprises comme vous, qui investissent et qui font travailler des milliers de Sénégalais.’’

Front contre l’ouverture du marché

Son homologue du Commerce, Aliou Sarr, était quelques jours plus tôt chez l’autre grand accouveur, Sedima de Babacar Ngom. C’était alors pour parler, du moins en public, de la rumeur persistante et têtue de l’ouverture imminente du marché aux poulets et cuisses étrangers. Ce combat, au moins, pourrait servir de trait d’union entre la fédération qui regroupe les petits producteurs, Sedima et Zalar qui prend ses marques. Tous ont intérêt à ce que le marché ne soit pas ouvert de sitôt. Les autorités étatiques, jusque-là, ont fait dans le clair-obscur. Un jour c’est oui, un autre c’est non. La voix du ministre du Commerce étant prépondérante, l’on retient que, pour le moment, le marché ne s’ouvrira pas. Pour certains acteurs, c’est juste pour ne pas mécontenter de potentiels électeurs qui vivent de cette filière. Que l’ouverture serait inéluctable après la présidentielle de 2019.

En attendant cette date, le secteur attire jusqu’en Europe. En effet, selon certaines sources, il n’y a pas que les Marocains qui s’y intéressent. ‘’Des Français seraient également attributaires de plusieurs hectares à Diamniadio’’. Un acteur, très connu dans le milieu, estime d’ailleurs que c’est à cause de cette ruée que Babacar Ngom multiplie les sorties médiatiques et mobilise les industriels de nationalité sénégalaise, prétextant défendre les couleurs sénégalaises dans l’environnement très concurrentiel des affaires. La guerre est ainsi lancée. Et seuls les plus tenaces pourraient survivre. Les plus faibles risquent d’y laisser leurs plumes. Comme des poulets !

Mor Amar
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