La prééminence des instances politiques sur celles académiques empêche le CAMES d’être efficace. Les propos sont de l’universitaire ivoirien Chikouna Cissé qui a présenté, samedi à l’UCAD, un ouvrage publié à l’occasion des 50 ans de l’institution.
A l’occasion de la célébration de son cinquantenaire, le Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur a commandité la rédaction d’un ouvrage qui allait retracer l’histoire de l’institution au cours de ces 5 dernières décennies. C’est ainsi que le maître de conférences en histoire, Chikouna Cissé de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, a été retenu pour la production du livre : ‘’Le CAMES (1968-2018) : ½ siècle au service de l’enseignement supérieur et de la recherche en Afrique’’. La présentation de ce document a eu lieu ce week-end à l’Université Cheikh Anta Diop, dans un contexte universitaire marqué par les récents événements survenus à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et la grève des personnels administratifs, techniques et de services (PATS).
L’auteur, à travers un diagnostic sans complaisance, note un grand handicap du CAMES: la prééminence des instances politiques sur les instances académiques de l’institution. ‘’En réalité, le politique s’impose sur l’académique au CAMES et les problèmes de l’institution viennent de là. Dans l’histoire du Cames, on a vu très souvent des décisions politiques annihiler des réformes voulues par les instances académiques’’, analyse M. Cissé. Pour cet historien, tant que ce problème de dépendance n’est pas réglé, il faut se garder de tout espoir de voir le CAMES conduire avec efficacité et efficience le débat sur les universités africaines.
Outre ce problème lié à l’autonomie de l’institution, la question du financement est l’autre grand défi à relever car, fait remarquer M. Cissé, dès sa création, le CAMES a toujours vécu sous perfusion de l’aide internationale. Ce qui fait dire au Pr Aboubacry Moussa Lam que la gouvernance des universités est une question problématique en Afrique sur bien des aspects, mais essentiellement sur les moyens. ‘’Pour une gouvernance apaisée, il faut qu’au-delà des moyens, il y ait encore plus de liberté. Comme vous le savez, dans plusieurs pays, ceux qui gèrent les universités sont des gens cooptés par les pouvoirs politiques. Là où ils devraient être élus par leurs pairs pour leur permettre d’avoir plus d’autonomie. Dans l’université sénégalaise, le recteur est toujours choisi par le gouvernement’’, s’est désolé M. Lam.
A l’origine, une initiative politique
50 ans après sa création, admettent les universitaires, le CAMES doit s’atteler à moderniser la gouvernance des universités africaines. Pure création politique, le CAMES a été porté sur les fonts baptismaux en janvier 1968 à Niamey (Niger). Son objectif était d’en finir avec l’université africaine sous la toge académique occidentale. Il fallait faire en sorte que les procédures de collation de grades se fassent en Afrique et non en France. En d’autres termes, il fallait implanter la légitimité savante en Afrique. ‘’Du point de vue de l’émancipation de l’intellectuel africain, et ce n’est que justice de le rappeler, le président Senghor a joué un rôle important en étant le catalyseur de la création du CAMES. En 1966 déjà, on l’oublie très souvent, c’est lui qui, pour la première fois, utilise le mot Cames’’, rappelle le chercheur Chikouna Cissé.
Le CAMES, à vocation politique et académique, est coiffé par le Conseil des ministres, son organe suprême, habilité à prendre des décisions. Le comité des experts est aussi une instance politique. A côté de ces deux, il y a le Comité consultatif général qui est l’assemblée des recteurs et présidents d’universités et centres d’enseignement supérieur, l’instance suprême des pôles académiques.