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Emmanuel Nahshon (porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères) - ‘’Nous avons besoin du soutien politique de l’Afrique’’
Publié le vendredi 22 juin 2018  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Emmanuel Nahshon (porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères)
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Israël veut sa place en Afrique. L’Etat hébreux compte apporter sa technologie au continent, en contrepartie d’un soutien politique des pays africains. Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères se prononce sans langue de bois. Emmanuel Nahshon donne ici ce qu’il pense être la condition nécessaire pour une paix avec la Palestine.



Le transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem avait provoqué des heurts et même des pertes en vie humaine. Le gouvernement israélien est-il en train de mener des démarches pour le retour au calme dans la zone ?

Il faut dire que ces manifestations qui ont eu lieu dans la bande de Gaza ont été planifiées bien avant que les Etats-Unis ne décident de changer la place de leur ambassade pour ainsi reconnaitre Jérusalem. Nous disons que ces manifestations sont préméditées bien longtemps parce qu’elles coïncident avec le 70e anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. C’est la raison pour laquelle le Hamas, qui est une organisation terroriste et qui dirige la bande de Gaza, a décidé d’orchestrer ces manifestations. Il y a un élément de supercherie avec ce qui s’est passé dans la bande de Gaza, dans la mesure où le Hamas a fait croire qu’il s’agissait d’un mouvement civil et spontané, alors qu’en réalité tout a été bien organisé par cette organisation dont le but, très clair, est de franchir la frontière israélienne pour commettre des violences sur notre territoire. Nous avons empêché cela. Malheureusement, il y a eu des morts côté palestinien. C’est quelque chose que nous déplorons, mais nous n’avons pas eu d’autre choix d’autant plus que la nature violente de ce mouvement est évidente.

Ne craignez-vous pas un pourrissement de l’environnement politique et sécuritaire avec le monde arabe de manière générale, au regard de ce qui s’est passé dans la bande de Gaza ?

La réalité démontre que les événements ayant eu lieu dans la bande de Gaza sont des événements tout à fait limités. Et lorsqu’on observe les réactions de certains pays arabes voisins tels que l’Egypte où la Jordanie, on s’aperçoit bien que ces pays n’ont pas rappelé leurs ambassadeurs, le contact n’est pas coupé avec ces pays et les relations diplomatiques continuent même avec l’autorité palestinienne qui siège à Ramallah, en Cisjordanie. Je pense que même dans le monde arabe, on comprend parfaitement que ce qui s’est passé est une provocation délibérée du Hamas. Cela ne représente pas véritablement un mouvement populaire palestinien et donc on comprend qu’il s’agit d’une supercherie et la réaction a été à la mesure de la provocation. Nous avons, avec le monde arabe, des relations solides. Nous ne sommes pas d’accord sur tout. Evidemment, il y a une très grande différence d’opinions sur toutes les questions, mais il y a un dialogue sérieux sur les questions de sécurité régionale, de coopération économique entre Israël et les pays arabes qui sont bénéfiques pour nous tous. Et ce dialogue continuera bien évidemment.

Beaucoup d’observateurs pensent que la réaction de l’armée israélienne était disproportionnée, au regard de la manifestation que vous avez évoquée ci-haut. Ne pensez-vous pas que l’armée aurait pu réagir autrement que ce qui a été servi aux manifestants ?

L’armée israélienne a utilisé les moyens qu’elle a utilisés après en avoir essayé d’autres. Notre politique n’est pas certainement de tuer des personnes. Notre politique et stratégie ne consistent pas à tirer pour tuer des gens de l’autre côté de la frontière. Nous avons commencé par des moyens non violentes, en envoyant des tracts pour demander aux populations de ne pas participer à ces manifestations parce qu’elles étaient de nature violente. Nous avons essayé d’utiliser des moyens de dispersion de manifestants non létaux, mais malheureusement, l’armée avait en face d’elle des personnes équipées d’armes blanches, d’explosifs et de cocktails Molotov, dans le seul but d’entrer dans le territoire israélien et d’y commettre des violences. Je pense que n’importe quel autre pays sérieux au monde aurait exactement réagi de la même manière.

En quoi il est si important pour Israël que les Etats-Unis reconnaissent Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreux ?

C’est une reconnaissance symbolique d’une réalité qui était la nôtre depuis toujours. Nous autres Israéliens savons pertinemment que notre capitale est à Jérusalem. Le fait qu’un pays comme les Etats-Unis reconnaissent cela a une valeur très importante pour nous. Mieux, après les Etats-Unis, il y a d’autres pays qui ont reconnu Jérusalem comme notre capitale dont le Guatemala, le Paraguay et d’autres pays avec lesquels on est en pourparlers et nous espérons encore en 2018 le transfert d’autres ambassades dans la vieille ville. Il n’y a aucune raison que nous soyons l’otage de la bonne volonté palestinienne quant à la reconnaissance de notre capitale. Quand on dit que Jérusalem est la capitale d’Israël, cela ne signifie pas que nous ne pouvons plus négocier avec les Palestiniens. Vous savez que le but des négociations, c’est la création d’un Etat palestinien indépendant aux côtés de l’Etat d’Israël. Mais où se trouvera la capitale de cet Etat palestinien ? C’est une question qu’il faut résoudre dans le cadre des négociations.

Est-ce que la nouvelle tournure que prennent les événements ne peut pas avoir des incidences sur vos rapports avec les pays africains ?

Non ! Nous pensons et espérons avoir une bonne base, à savoir que notre coopération avec les pays africains est solide. Cette coopération est à l’avantage aussi bien des pays africains que des Israéliens. Il est vrai que dans le cadre du dialogue, il y a parfois des critiques émanant de certains pays africains. L’exemple du Sénégal, par exemple, et d’autres pays encore qui se sont montrés critiques à l’encontre de la politique israélienne. Mais tout cela, c’est dans le cadre d’un dialogue solide et sérieux qui continuera, j’en suis certain.

Quelles sont les nouvelles perspectives qu’ouvre cette reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël ?

Les réalités de la région sont en train de changer. Pendant très longtemps, des pays arabes refusaient d’avoir des contacts avec Israël. Aujourd’hui, ils commencent à changer. Pendant très longtemps, on disait que la solution entre Israéliens et Palestiniens était la pierre angulaire de la paix sur Terre. On disait que le jour où le conflit israélo-palestinien serait résolu, il y aurait partout la paix sur la planète. Mais nous savons pertinemment que cela n’est pas le cas. Nous savons que la paix entre Israéliens et Palestiniens ne mettra pas forcément fin à la guerre civile en Syrie. Donc, beaucoup d’idées reçues se révèlent fausses.

Qu’est-ce qui est concrètement fait par Israël pour qu’il y ait la paix définitive entre vous et la Palestine ?

Nous faisons beaucoup et voulons encore faire plus. Malheureusement, l’obstacle est du côté palestinien. Israël a toujours souhaité et démontré sa volonté à faire la paix à maintes reprises. Lorsque nous avons signé un accord de paix avec l’Egypte, nous avons rendu la péninsule du Sinaï à l’Egypte. Lorsque nous avons signé un accord avec la Jordanie, nous avons réglé tous les contentieux qui existaient entre Israël et la Jordanie. Une large majorité d’Israéliens est prête à un compromis. Il n’y a pas meilleur que de vivre en paix ; et les Israéliens le savent pertinemment. Ils sont prêts à faire énormément d’efforts pour vivre en paix avec leurs voisins. Mais pour cela, il faut un partenaire. Malheureusement, les Palestiniens, jusqu’à maintenant, refusent d’accepter la légitimité de l’existence de l’Etat d’Israël. Ils refusent d’accepter notre droit de vivre dans cette région de même qu’ils en ont le droit de vivre ici. Et c’est seulement lorsqu’ils reconnaitront et accepteront que notre présence ici est légitime, que nous pourrons enfin arriver à la paix entre les deux peuples.

Comment Israël a interprété le fait qu’il n’y avait qu’une douzaine de pays africains présents à l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem ?

Je pense que cette réticence reflète une vieille logique : la logique des blocs. Il y a 20, 30 ans, on appartenait soit au bloc soviétique, soit à celui occidental. A l’époque, les pays africains avaient certaines relations avec le monde arabe. Donc, on peut dire que les pays africains sont encore un peu sous l’influence des pays arabes. Mais c’est quelque chose qui change. On voit aujourd’hui que la logique internationale est en pleine mutation et que les pays s’identifient maintenant de manière différente les uns les autres. C’est ce qui explique notre ouverture vers l’Afrique, avec le rétablissement de nos relations diplomatiques avec la Guinée rompues il y a fort longtemps. Mais aussi de rétablir le dialogue avec certains pays africains avec lesquels nous n’avons pas encore des relations diplomatiques. Cette coopération est avantageuse pour les deux parties. Regardez ce que l’expertise d’Israël apporte par exemple dans le domaine agricole, dans le domaine de l’eau, de la lutte contre la désertification, de la lutte contre le terrorisme. J’ai eu l’honneur d’accompagner notre Premier ministre, Benjamin Netanyahu au Sommet de Monrovia (Liberia) en 2017, j’ai vu à quel point le dialogue entre l’Afrique et l’Israël est essentiel et répond à des attentes véritables qui vont au-delà d’anciens clivages idéologiques qui sont en train de s’effriter.

Dans votre discours, vous parlez d’une histoire presque commune avec l’Afrique. Mais Israël ne s’intéresse-t-elle pas au continent, parce que tout simplement il y a une ruée des grandes puissances vers l’Afrique ?

Le message que nous adressons à l’Afrique est spécifique. Pour cela, il est utile de revisiter l’histoire des relations israélo-africaines. Dans les années 50 et 60, nos relations étaient extraordinaires. Israël a suivi la marche de pays africains vers l’indépendance et nous savons que nous étions, à ces années-là, un pays pauvre et démuni. Je crois que nous avons fait énormément de choses dans le domaine de la coopération. Nous avons vécu une blessure véritable, lorsque les pays africains ont rompu leurs relations avec Israël en 1967 et par la suite en 1973, suite à une pression émanant du monde arabe. Je pense que c’est une occasion pour nous de réparer ces blessures. Notre retour en Afrique est quelque chose de tout à fait normal et naturel. Ce qui est spécifique dans cette volonté israélienne, c’est qu’elle ne provient pas d’une volonté de réparer le passé. Nous n’avons aucun passé colonialiste. Nous n’avons jamais eu de colonie en Afrique. Nous ne revenons pas en Afrique parce que nous avons des sentiments de culpabilité. Tout le contraire de ce que nous voyons avec tant de pays européens qui investissent pour atténuer leur culpabilité. Nous venons avec les mains propres, en disant que nous sommes des partenaires. Nous avons toujours envisagé nos relations avec l’Afrique d’un point de vue pas paternaliste, mais dans un état d’esprit de partenariat. Nous savons que nous avons beaucoup à donner à l’Afrique et beaucoup à recevoir de l’Afrique. Ce que nous voulons, ce n’est pas de vendre des produits à l’Afrique, mais d’établir un partenariat à long terme.

Sur le plan de la sécurité, Israël, semble-t-il, a des réponses aux problèmes qui se posent à l’Afrique, notamment le terrorisme. Est-ce qu’il y a une spécificité entre Israël et les pays africains ?

Israël est malheureusement une victime du terrorisme depuis près de 70 ans. Le fait que nous ayons fait face à cette violence pendant très longtemps a créé une expertise dans le domaine. Mais c’est une expertise qui va au-delà de la technologie. Il ne s’agit pas simplement des renseignements ou des moyens pour suivre les terroristes. Ça va au-delà. C’est un état d’esprit. Parce qu’ici en Israël, tous les citoyens, d’une manière ou d’une autre, sont vigilants. Ils font attention à tout et savent reconnaître les dangers. Face à n’importe quel danger, nous réagissons de manière active. Si nous voyons quelqu’un commettre de la violence dans la rue, au lieu de nous enfuir, nous l’attaquerons afin de protéger d’autres personnes. L’autre aspect, c’est la prévention et l’éducation. Car pour lutter contre le terrorisme, il ne sert à rien de tuer les terroristes, il faut comprendre l’origine et les raisons du phénomène. Un autre point qui est absolument essentiel, c’est de faire une nette distinction entre le terrorisme et la religion. C’est une erreur fatale que d’assimiler l’islam au terrorisme. La plupart des musulmans sont des personnes aussi formidables que les gens d’autres religions. La religion ne saurait être un vecteur de violence. Ce qu’il faudrait faire, c’est d’isoler cette violence et de la rendre illégitime.

Qu’est-ce que Israël a concrètement à mettre sur la table pour convaincre l’Afrique de son expertise dans ce domaine de la lutte contre le terrorisme ?

Nous sommes un petit pays de près de 9 millions d’habitants et entouré de 350 millions d’Arabes vivant dans beaucoup de pays officiellement hostiles à nous. Nous avons déjà subi plusieurs attaques et guerres que nous avons toutes gagnées. Nous avons réussi à surmonter cette violence que nous subissions au quotidien ici. Nous sommes loin d’être parfaits, mais nous avons de réelles capacités à faire face au terrorisme et que nous sommes prêts à partager avec d’autres pays.

Dans le domaine agricole, qu’est-ce que l’irrigation goutte-à-goutte, tant vantée, peut apporter aux Africains ?

Nous vivons dans un monde où le changement climatique est dramatique. Ces changements climatiques ont un impact direct sur la vie des populations, sur le monde économique et social. La désertification détruit la société, elle décime des villages et crée des exodes vers les grandes villes. Dans ces conditions, chaque goutte d’eau devient précieuse. Ce que nous faisions ici, étant donné que la moitié de notre pays est désertique, c’est que nous travaillons depuis très longtemps sur des techniques qui permettent d’utiliser l’eau de la meilleure manière qu’il soit. Cette technique d’irrigation goutte-à-goutte permet, d’une part, d’avoir un rendement maximal avec un minimum d’eau. D’autre part, elle favorise le développement de plantes qui ont besoin de moins d’eau. On cherche des types de plantes qui demandent moins d’eau et qui s’adaptent à nos conditions climatiques. L’autre chose, c’est le traitement des eaux sales.

Comprenez-vous désormais la prudence des pays africains qui ont connu, il y a 50 ans, des expériences de certains pays qui disaient venir avec l’expertise, la solution toute faite et l’aide publique au développement pour l’Afrique ?

Il y a une différence fondamentale entre Israël et d’autres pays occidentaux. Tout d’abord, il faut rappeler que ce n’est pas en 2018 que nous venons pour la première fois en Afrique. Nous avons toujours été là dans les années 50, 60. Nous ne sommes pas là pour vendre des produits finis à l’Afrique. La différence, c’est un peu à l’image de quelqu’un qui veut vous vendre une machine tout faite et un autre qui vous propose de développer ensemble cette machine. Il n’y a pas de secret. La technologie, on la partage. L’Afrique est un continent qui n’est pas loin d’Israël. Notre état d’esprit est un état d’esprit d’ouverture et de partenariat franc. Nous comprenons que le monde change et que l’Afrique d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a 20 ans, et l’Afrique d’aujourd’hui ne sera pas l’Afrique de demain. Nous ne sommes pas une super puissance. Nous sommes un petit pays de 9 millions d’habitants. Il n’y a aucun doute que l’Afrique est un continent en plein essor. C’est une raison qui va bien au-delà du lucratif, du commercial.

Et puisqu’on parle de partenariat, ça doit être du ‘’win-win’’. Dans ce cas, qu’attendez-vous concrètement de l’Afrique ?

Il y a un ‘’win-win’’ total. Pour nous, et nous ne le cachons pas, nous avons besoin du soutien politique de l’Afrique. L’Afrique est un acteur incontournable sur la scène mondiale. L’un de nos objectifs, à court terme, par exemple, c’est d’obtenir le statut d’observateur à l’Union africaine (Ua). C’est très important pour nous, car ça nous positionne en tant qu’acteur mondial. Nous avons besoin de ce soutien diplomatique dans les organisations internationales. Cela fait partie de notre stratégie.

Pas intéressé par le sous-sol africain ?

Nous sommes trop petits pour cela. Vous savez, en Israël, on n’est pas connu pour ces grandes compagnies minières. S’il y a des Israéliens qui investissent dans ce genre de projets, c’est tout à fait légitime. Mais nous n’avons aucune industrie minière ici. Nous n’avons aucune ressource naturelle sous terre.

Donc autant en avoir en Afrique ?

Non ! Ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne. On est loin des temps où un pays vient s’installer dans un autre pays pour piller ses ressources naturelles. Nous n’avons aucun passé, ni aucune vocation impérialiste.

Parlant du secteur privé, est-ce que des hommes d’affaires israéliens sont aujourd’hui prêts à aller investir en Afrique ?

Evidemment ! Il y a des hommes d’affaires israéliens qui investissent un peu partout dans le monde et pourquoi pas en Afrique. Nous, en tant que gouvernement, on a la sagesse de ne pas trop se mêler de ce que font les hommes d’affaires. Car vous savez que le secteur privé s’autorégule. Le rôle d’un gouvernement moderne, en 2018, c’est de créer le moins d’obstacles possibles entre secteurs privés.

Propos recueillis par Mamadou Yaya Baldé
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