Une bande d’agresseurs qui opérait à hauteur de l’échangeur Patte d’oie entre 2012 et 2013 a été attraite, mardi, à la barre de la Chambre criminelle de Dakar. A l’issue des débats, le Parquet a requis les travaux forcés à perpétuité contre Boubacar Bangoura et ses acolytes qui, après agression, violaient leurs victimes femmes.
‘’Wooy ! wooy ! ... Je ne vais plus revoir ma mère !’’ Ce cri de désespoir venu du banc réservé aux accusés a troublé le calme qui régnait dans la salle 4 mardi, lorsque Me Sayba Danfakha plaidait devant les juges de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar. L’auteur du cri, Amadou Baldé alias Boy Poulho, exprimait là toute sa détresse, à la suite du réquisitoire du Parquet qui venait de demander les travaux forcés à la perpétuité. ‘’Calmez-vous Baldé ! Il fallait y penser avant !’’ lui a lancé le président Seydi d’un ton calme.
Aussi grande que soit sa douleur, elle ne saurait rivaliser avec celle des victimes, surtout des femmes qui ont été, non seulement dépouillées de leurs biens, mais abusées sexuellement. La preuve, aucune d’entre elles n’a comparu. Seul un homme, un certain Boubacar Seck, s’est présenté à la barre. Il est revenu sur les circonstances de son agression survenue au Pont Sénégal 92 devenu Pont de l’Emergence. Alors que cette infrastructure était en chantier, la bande à Boubacar Bangoura dit Ndiol composée de Mouhamed Keita alias (Bilo), Mansour Dièye, Boy Poulho et Galass Niang y faisait régner la terreur. Une fois la nuit tombée, tous ceux qui passaient dans la zone étaient livrés à leur merci.
Revenant de Thiès, le sieur Seck avait été pris à partie par la bande. Lorsqu’il a tenté de s’enfuir, il est tombé et s’est retrouvé assailli par huit personnes qui l’ont dépouillé de ses biens sous la menace d’un couteau. Abreuvé d’injures, il n’a dû son salut qu’à un bus qui passait et dans lequel il s’est engouffré. Face aux juges, la victime a désigné Bangoura, Boy Poulho et Galass comme étant ses agresseurs. Pour la réparation, elle réclame des dommages et intérêts de 1,5 million F CFA. Contrairement à Boubacar Seck, la dame S. Keita et sa fille M. Diop n’ont pas été uniquement victimes de vol, dans la nuit du 6 janvier 2013. Dans une plainte déposée le lendemain au Commissariat des Parcelles Assainies, la mère disait qu’en plus des faits de vol avec violences survenus à hauteur de l’Echangeur de la Patte D’Oie, sa fille avait été violée. Elle y expliquait que les agresseurs avaient pris leurs téléphones portables ainsi que la somme de 12 000 F CFA sur sa fille. Ensuite, ils s’étaient relayés sur elle sous ses yeux. La maman avait fait le portrait-robot de l’un des agresseurs, qu’elle a décrit comme élancé et de teint clair. Celui-ci s’est révélé être Boubacar Bangoura.
Le chef de gang avoue et charge ses lieutenants
Mais face aux juges de la Chambre criminelle, Ndiol a contesté les viols multiples. ‘’Nous avons commis des agressions, mais nous n’avons violé aucune des victimes’’, a déclaré l’accusé, battant en brèche les dénégations de ses acolytes. Tout au long de l’instruction d’audiences, les co-accusés de Ndiol ont clamé leur innocence, soutenant qu’ils ne se connaissent même pas. Or, la bande a été démantelée avec les aveux de Galass car, après l’agression de la mère et de la fille, l’accusé avait offert le téléphone de cette dernière à sa copine. Lorsque celle-ci y a mis sa puce, elle a été localisée. Interpellée, elle a indiqué aux policiers la provenance du téléphone. Appréhendé, Galass était passé aux aveux, en révélant aux enquêteurs que l’appareil provenait d’une agression commise avec ses co-accusés.
A la barre, il a allégué qu’il ne les connaissait pas, avant d’être démenti par le chef de bande. ‘’Au départ, c’était Galass et moi. Bilo a rejoint notre gang plus tard. Galass nous avait hébergés. Il était jardinier et arrosait les fleurs à la place de l’Indépendance. Au début, nous opérions sur la Corniche. Par la suite, nous sommes allés à la Patte d’oie où nous avons retrouvé Mansour Dièye. Boy Poulho nous a rejoint quand il a remarqué que nous avions de l’argent’’, a confessé Ndiol. Interpellés sur les aveux de leur ex-chef, Galass a soutenu que Ndiol a parlé sous le coup de la colère, tandis que Bilo a laissé entendre que leur co-accusé raconte des contrevérités. Idem pour Poulho.
Mais Ndiol a persisté dans sa déclaration, précisant qu’il partageait une chambre avec le dernier nommé. Dans la même dynamique, il a disculpé Hamdy Moustapha Diouf, en confiant lui avoir vendu un téléphone, une seule fois. Il a ajouté que l’acheteur, qui a contesté avoir gardé les armes des malfaiteurs, ignorait l’origine de l’appareil. Quant à Mouhamed Kaïré, arrêté avec un téléphone issu d’une agression, Ndiol a soutenu l’avoir connu à la police et qu’il ne l’a jamais vu avec Mansour Dièye.
‘’Vermine’’ et ‘’gangrène’’
Pour le substitut Saliou Ngom, rien n’indique que Kaïré est membre de la bande ou qu’il a participé aux faits. Toutefois, compte tenu du fait qu’il détenait un téléphone issu d’un vol avec violence commis au préjudice d’Aminata Ndiaye, il mérite 5 ans ferme. A son avis, Amdy Moustapha Diouf est aussi dangereux que Bangoura et autres et doit être condamné à 20 ans de travaux forcés. Très furieux contre Bangoura, Poulho, Bilo, Mansour Dièye et Galass Niang, le parquetier dira que s’il lui était permis, il les traiterait de ‘’vermine et de gangrène’’. ‘’Comment violer une personne devant sa mère et à tour de rôle ? Ce sont des faits immoraux. Je suis meurtri. Leurs auteurs méritent la guillotine à défaut de la pendaison’’, a-t-il martelé avec dépit. Et de requérir les travaux forcés.
En revanche, il a demandé l’acquittement de Khadim Diouf, frère d’Amdy, au motif que c’est de bonne foi qu’il a acheté un téléphone auprès de Bangoura.
La défense a plaidé entre acquittement et clémence, dans l’espoir de voir ses clients recouvrer la liberté, le 17 juillet prochain, date du délibéré.