Bobigny - Ils courraient de station de métro en station de métro pour vendre des "cailloux" de crack, la "drogue du pauvre" qui fait des ravages dans le nord-est de Paris: trois trafiquants ont été condamnés
vendredi à Bobigny à des peines de deux ans et demi à six ans de prison.
"Vous êtes à Saint-Lazare à midi, à Noisy-le-Sec à midi 40, Olympiades à 14H40, Pigalle à 14H55, Madeleine à 15H15, Cour Saint-Emilion à 15H55. A 19H c'est Vincennes, puis Max-Dormoy et à nouveau Saint-Lazare. Vous êtes très actif !", lance la juge à l'un des prévenus, un Sénégalais de 35 ans.
Ce sans-papier, père de deux jeunes enfants, était chargé de la vente au détail: il livrait, notamment dans le métro parisien, les "cailloux" ou "galettes" de crack, un dérivé de la cocaïne.
Il transportait ces doses individuelles, vendues 15 euros en moyenne, dans sa bouche. "Chaque jour, j'amène 10 galettes, quand j'ai fini je rentre", explique-t-il à la barre, assisté par un traducteur.
Comme lui, l'autre vendeur, un Gabonais de 27 ans et le fournisseur du réseau, un Sénégalais de 27 ans, eux-aussi sans-papiers, reconnaissent les faits, mais minimisent les profits engendrés.
L'un d'eux assure même qu'il envisageait de reprendre son activité de vendeur de brochettes à la sauvette: "vu les risques qu'on prend, c'était mieux de vendre des brochettes", assure-t-il dans le box.
Pourtant, le 5 juin, 385 grammes de crack ont été retrouvés dans leurs logements respectifs en Seine-Saint-Denis. "Soit 2.500 doses, donc 25.000 euros environ à la revente", estime la procureure, Pauline Bonnecarrère.
Une prise rarissime: "nous n'avions jamais vu une telle quantité saisie", précise la magistrate. Selon une source proche de l'enquête, "l'essentiel des saisies de crack tourne autour de cinq grammes".
Dans son réquisitoire la magistrate a rappelé les conséquences de la vente de ce produit à la "dangerosité exceptionnelle", qui créé une "dépendance immédiate" et transforme les consommateurs en "zombies".
Le phénomène des fumeurs de crack dans le métro, qui se concentre surtout dans certaines stations du nord de la capitale, est visible depuis plusieurs années. Leur présence a amené la police à annoncer en janvier un renforcement des forces de l'ordre.
"Il y a des périodes et des stations où les métros ne s'arrêtent pas du fait de la présence des consommateurs", rappelle la procureure, en décrivant des toxicomanes qui "urinent, se changent au milieu des passants, dorment sur les trottoirs, ne se nourrissent plus".
"Voilà l'argent qu'ils récoltent", a-t-elle encore dit à propos des prévenus, dont deux étaient en état de récidive légale, "l'argent de la misère".
"Ils sont arrivés avec un grand rêve, améliorer leur situation en France, mais ils se sont retrouvés dans un circuit", regrette leur avocate, Louisa Ibazatene.
En plus des peines d'emprisonnement avec mandat de dépôt, le tribunal de Bobigny a prononcé une interdiction de séjour définitive à leur encontre et des peines de 5.000 à 40.000 euros d'amende.