Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Économie
Article
Économie

Crise secteur BTP: L’Etat doit plus de 75 milliards à des entreprises
Publié le vendredi 8 juin 2018  |  Enquête Plus
Le
© aDakar.com par SB
Le ministre visite les chantiers du quai de pêche Soumbédioune
Dakar, le 23 novembre 2017 - Le ministre de la pêche et de l`économie maritime a visité les chantiers du quai de pêche Soumbédioune. L`infrastructure est financée par le Royaume du Maroc.
Comment


Avant que leurs employeurs ne montent au créneau, les travailleurs le font car se sentant menacés. L’Etat doit plus de 75 milliards à des entreprises sénégalaises de construction. Ce qui les met en difficulté. Pour attirer l’attention des gouvernants, du Chef de l’Etat en particulier, le syndicat national des bâtiments du bois et TP-Privés du Sénégal a fait face à la presse, hier au siège de la CNTS.

Plus de 75 milliards, c’est le montant que l’Etat du Sénégal doit à des entreprises de Bâtiment et de travaux publics (Btp) du Sénégal. ‘’Des états financiers et comptables de ces entreprises, il ressort une situation financière délicate avec une dette de l’Etat du Sénégal évaluée à plusieurs dizaines de milliards de F CFA. Rien que pour les trois grandes entreprises majors que sont CSE, Eiffage Sénégal et C.D.E (…)’’, a révélé hier le secrétaire général du syndicat national des travailleurs de la Construction (SNTC / BTP/ CNTS), Alassane Diarraf Ndao. Cette ‘’situation plombe nos entreprises et compromet dangereusement leurs plans de développement’’, a-t-il regretté au cours d’une conférence de presse tenue au siège de la CNTS.

Lui et ses collègues exigent l’apurement total de cette dette, car elle risque d’avoir des conséquences fâcheuses, le cas contraire. D’ailleurs, les syndicalistes ont tenu à attirer l’attention des gouvernants, du président de la République en particulier, sur ces dernières. En effet, si la situation perdure, les chantiers pourraient être arrêtés. Les entreprises ne pourraient plus payer leurs employés. Déjà que beaucoup sont licenciés à cause de ce retard de paiement, tandis que d’autres sont mis en chômage technique. Ainsi, c’est au minimum entre 3 000 et 4 000 travailleurs qui sont menacés, selon Diarraf Ndao.

Les petites entreprises sont également dans la tourmente, car les contrats de sous-traitance signés avec les grandes entreprises sont suspendus au moment où les fournisseurs rechignent à envoyer encore du matériel. Que de problèmes donc ! Encore que ce n’est pas tout. Il y a des difficultés avec ‘’les transporteurs qui retirent leurs camions’’. Tout cela mène à ‘’une fermeture programmée de certaines sociétés du secteur’’, car il y a, en sus, ‘’le support de frais financiers non prévus’’. ‘’C’est dire que la remise en question de l’équilibre financier de nos entreprises constitue un danger et une source de turbulence sociale que nous nous devons d’éviter à notre pays. S’y ajoute que le secteur des BTP est au cœur du PSE et de tous les programmes phares de monsieur le président de la République, d’où une bonne prise en compte de tout ce qui pourrait éviter ainsi de briser l’élan d’un secteur leader de notre économie’’, selon Diarraf Ndao.

Inaugurer sans avoir payé

Ce que lui et ses camarades conçoivent mal est le fait que l’Etat se permette d’inaugurer en grandes pompes certaines infrastructures déjà livrées, alors qu’il n’a pas encore payé. ‘’Ce qui a été déboursé pour ces inaugurations pouvait permettre de payer certaines entreprises’’, se désole le syndicaliste. D’autant plus que ‘’le secteur du BTP joue un rôle capital dans le développement national et constitue l’un des meilleurs éléments porteurs de croissance de notre économie. Son impact est visible et réel dans la création de richesse et d’emplois’’, tel que rappelé par le secrétaire général du syndicat.

En outre, si l’Etat ne procède pas à l’épurement intégral de cette dette intérieure, le syndicat national des travailleurs de la construction, bâtiments du bois et TP- privés du Sénégal compte sévir. ‘’Cette conférence de presse est une première alerte. Si l’Etat ne réagit pas, on va se retrouver et échanger pour établir un plan d’action. On pourrait aller protester, lors des cérémonies d’inauguration, en arborant des brassards rouges. C’est une proposition autour de laquelle on va échanger’’, annonce M. Ndao.

3 QUESTIONS A ALASSANE DIARRAF NDAO

‘’A mon avis, le Président ne sait pas ce qui se passe’’

L’Etat doit aux entreprises plus de 75 milliards, est-ce une situation inédite ?

Vu le montant de la dette, on peut dire que c’est une situation inédite. L’Etat a toujours dû de l’argent aux entreprises BTP. Aujourd’hui, l’ampleur de la dette pose problème. Rien qu’aux entreprises majors, Eiffage, CSE, CDE, l’Etat doit plus de 75 milliards. On pourrait comprendre qu’il leur doive moins que cela, mais ce montant est exorbitant. Ce qui fait que toutes ces entreprises ont aujourd’hui des difficultés et il y a plusieurs chantiers qui sont arrêtés et cela signifie le licenciement des travailleurs. D’autres qui ont des chantiers en cours, le personnel a été mis au chômage technique.

Ce qui est catastrophique. Le travailleur qui avait 8h par jour, s’il se retrouve avec 4h de labeur pendant 2 à 4 mois, cela pose problème. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes dit qu’il est temps d’alerter l’opinion publique nationale et internationale et de voir si le président de la République est au courant de ce qui se passe dans le secteur du BTP. A mon avis, le Président ne sait pas ce qui se passe. On ne peut pas comprendre que le ministre du Budget dise : ‘’nous avons les caisses pleines’’, alors que l’Etat doit de l’argent à plusieurs entités. Cela pose problème. C’est la raison pour laquelle nous avons dit qu’il est temps d’alerter pour que la situation soit réglée, parce que c’est nous qui allons en pâtir. Cette dette concerne même des chantiers déjà livrés comme la route Passy-Sokone. Il y a des chantiers en cours où les entreprises ont travaillé pendant 2 ans avec des décomptes qui n’ont pas été pris en compte.

Croyez-vous réellement que les caisses de l’Etat sont pleines ? Et cette dette, concerne-t-elle les entreprises étrangères qui interviennent dans des chantiers de l’Etat ?

C’est le ministre lui-même qui le dit. Je ne suis pas détenteur des secrets de la caisse de l’Etat. Pour nous, quand on nous dit que les caisses de l’Etat sont pleines, pour que cela soit réel ou objectif, il faut que, dès demain, on nous appelle pour nous dire que les entreprises ont été payées ou au plus tard la semaine prochaine. Toutes les entreprises chinoises qui sont ici sont coiffées par Eximbank (banque chinoise). Que l’Etat paie ou ne paie pas, ce n’est pas leur problème.

Le problème que nous avons avec ces multinationales est qu’elles ne respectent pas la convention collective et le code du travail. Dans toutes ces entreprises, la convention 87 n’est pas respectée. Il n’y a pas de délégué du personnel ni de bulletin de salaire. Il y a eu beaucoup de morts depuis l’entame du chantier ‘’Ila Touba’’. Et personne ne dit rien. Nous voulons, concernant ces entreprises, que l’Etat ouvre les yeux et voit ce qui s’y passe. Nous acceptons la globalisation. Nous acceptons que ces entreprises viennent, mais quand elles viennent, qu’elles respectent au moins les lois et règlements de ce pays. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

Mais est-ce à vous d’exiger ce paiement vu que les contrats lient l’Etat du Sénégal aux entreprises ? N’est-ce pas au patronat d’engager d’abord le combat et n’avez-vous pas peur que l’Etat se tourne vers le privé étranger ?

Les entreprises ont leurs stratégies. Il ne faut pas oublier que les différentes directions ont leurs syndicats. Il y a le syndicat du patronat, qu’il soit affilié au CNP ou à la CNES. Je reste sûr qu’eux aussi essaient de mener le combat de leur côté. Les chefs d’entreprises déroulent leur programme et nous, en tant que salariés, les plus mal lotis dans cette histoire, nous avons notre plan d’action que nous menons. Au finish, l’objectif est le même : être payé. Ces entreprises ne peuvent donc pas ne pas nous soutenir dans notre combat. Nous avons une autonomie d’actions. Nous voyons ce qui se passe au sein de nos entreprises. Concernant les travaux publics, si l’Etat se tourne vers le privé étranger, il serait dans ce cas irresponsable. Je ne pense pas que l’Etat puisse faire cela. Il est vrai que les entreprises internationales sont là, mais notre économie nationale est portée par les nationaux.
Commentaires