Si l’Etat du Sénégal veut en finir dans les plus brefs délais avec le procès en appel de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, ce n’est pas le cas pour la défense.
Il ne reste que 8 mois pour la tenue du scrutin présidentiel. Et les choses semblent se compliquer pour Khalifa Sall avec l’ouverture de ce procès devant la Cour d’appel de Dakar. En effet, à la suite de sa condamnation, à 5 ans de prison et à payer une amende de 5 millions de F CFA pour escroquerie portant sur des deniers publics par le tribunal correctionnel de Dakar, le 30 mars dernier, l’édile de la capitale a interjeté appel. Tant qu’il n’y a pas une condamnation définitive (tribunal, cour d’appel et cour suprême), le prévenu est présumé innocent, étant donné que l’appel est suspensif. Du coup, Khalifa Sall peut toujours déposer sa candidature.
Mais à la vitesse où vont les choses, le détenu risque de passer devant toutes les juridictions compétentes avant l’élection présidentielle de février 2019. Et une confirmation de la décision rendue en première instance ne l’arrangerait pas, encore moins un rejet de son pourvoi en cassation.
Hier, après le renvoi dudit procès à la demande des avocats de la défense, les conseils de l’Etat ont tenu à réagir. Me Baboucar Cissé considère que la requête de la défense est en réalité du dilatoire. ‘’Il faudrait qu’on évacue ce dossier’’, plaide-t-il. Moussa Félix Sow ne dit pas autre chose et confie que ce report sous-entend le fait de vouloir prolonger les débats pour faire de sorte que la Cour ne puisse pas juger Khalifa Sall avant qu’il ne puisse déclarer sa candidature à la Présidentielle. ‘’C’est ça l’astuce qui est recherché. Vous verrez au cours du procès énormément d’exceptions qui seront soulevées pour d’avantage le retarder. Quand on accuse quelqu’un d’une infraction, la moindre des choses, c’est de veiller à ce que cette personne soit lavée de toute accusation, d’accepter que ce procès ait lieu’’, a-t-il raillé.
‘’En fin de compte, l’objectif politique sera atteint’’
Mais, avec Me Seydou Diagne, constitué pour le maire de Dakar, il a trouvé à qui parler. ‘’On constate que Dame justice est très pressée et on s’interroge sur les garanties minimales d’un procès équitable’’, a-t-il d’emblée lancé. Poursuivant, sur un ton tout aussi incisif, il a martelé : ‘’On ne comprend pas pourquoi la justice sénégalaise est aussi pressée d’expédier cette affaire Khalifa Sall, alors qu’il y a des millions de Sénégalais qui sont condamnés en première instance et qui doivent être jugés par la Cour d’appel. Il y en a qui font la grève de la faim, car ils sont en détention depuis 5 ou 6 ans.’’
Me Diagne d’ajouter : ‘’Pour Khalifa Sall, ça ne fait même pas deux mois et on accélère. Pour être plus précis, ce n’est pas quelque chose de rassurant pour nous. Mais quand on entend les déclarations des avocats de l’Etat, on comprend que l’Etat a un calendrier clair, net et précis d’éliminer le maximum de candidats à l’élection présidentielle, en utilisant la justice. Ce que nous n’acceptons pas et que nous dénonçons.’’
Son confrère Me Ciré Clédor Ly de renchérir : ‘’Ceux qui ont été dans la salle ont pu constater qu’il y a une justice menée à la baguette. La défense n’a pas été informée de cette audience. Si les prévenus ont reçu des citations, ils les ont reçues dans des délais étriqués qui ne leur ont pas permis d’informer leurs avocats, de se concerter avec et de permettre aux avocats eux-mêmes de se réunir pour prendre connaissance de l’ensemble du dossier d’appel et bâtir une stratégie de défense.’’ L’avocat de conclure : ‘’Ce procès doit être un procès comme tous les autres où les droits de la défense et des prévenus sont respectés. Nous avons eu la preuve, aujourd’hui (hier), que nous n’aurons jamais un procès équitable dans l’affaire Khalifa Sall. Il sera escamoté, un procès marathon où aucun droit ne sera respecté. En fin de compte, l’objectif politique sera atteint.’’
ME OUSSEYNOU GAYE (AVOCAT DE LA VILLE DE DAKAR)
‘’Nous savions à l’avance que…’’
‘’Nous savions tous qu’il allait mettre le pied sur l’accélérateur pour enrôler cette affaire et la juger rapidement. Il y a un agenda pour éliminer Khalifa Sall à l’élection présidentielle de 2019. Ce n’est pas étonnant que le rapport d’appel ait été décisif. Dans un mois, quelles que soient les exceptions évoquées par les avocats de la défense, l’affaire sera retenue.
Nous savions à l’avance que les choses allaient se faire dans la précipitation. Nous avons régularisé notre constitution de partie civile. Les avocats de l’Etat persistent à rester dans le procès. Mais ils sont moins confiants. Ils sont là comme des touristes. Le tribunal de première instance leur avait donné leur bon de sortie, cependant, ils s’entêtent à rester. On les laisse profiter de l’ambiance.’’