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Bavures policières : Les vérités du commissaire Cheikhna Keïta
Publié le dimanche 20 mai 2018  |  seneWeb
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© Autre presse par DR
Bavures policières : Les vérités du commissaire Cheikhna Keïta
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En 2001, il y a eu Balla Gaye. En 2011, Malick Bâ. En 2012, Mamadou Diop… Et en 2018, Fallou Sène. La longue série des bavures policières inquiète les citoyens et interpelle les spécialistes. Parmi ceux-ci, le commissaire Cheikhna Keïta. Dans cet entretien avec Seneweb, il invite les forces de défense et de l'ordre à revoir leur copie.

Commissaire Keïta, les forces de l'ordre et de sécurité multiplient les bavures ces dernières années. Pourquoi ?
Il faut chercher l'explication dans beaucoup de segments : l'encadrement, l'organisation, la formation, la préparation psychologique, la maîtrise des sites d'intervention et des situations d'intervention. Tout cela fait que nos corps, actuellement, sont en train de traiter un terrain qui n'est pas simple depuis très longtemps et qui se complexifie tous les jours davantage. Il va y en avoir encore, des dégâts. Mais il faut savoir réagir comme il faut pour les limiter.

Justement comment "réagir comme il faut" ?
Il y a de sérieux problèmes dans la formation des hommes, dans la préparation des interventions, dans la maîtrise des situations d'intervention, dans la maîtrise des moyens d'intervention, dans le respect de la loi. Parce qu'on se réfugie toujours derrière la loi : ont-ils le droit de faire ceci, ont-ils le droit de faire cela ? Quand est-ce qu'il faut utiliser les armes ? Ce n'est pas cela. Le maintien de l'ordre est un métier. Et quand les coups de feu partent à gauche et à droite, n'importe comment, depuis des années on est assommés par cela. Il faut revenir en arrière et demander à tous les responsables, tous les états-majors, de reprendre les questions d'intervention. Revoir comment les hommes sont préparés depuis leur formation, comment ils sont encadrés, comment ils sont préparés à l'intervention, comment les interventions sont préparées et organisées. Si on fait cela, on limite les dégâts.
Étudiant tué à l'Ugb : "Qu'est-ce qu'on a fait pour que la situation se dégrade ?"

Un de vos anciens collègues, commissaire Sadio, a déclaré que l'utilisation de balles réelles est légale lors des opérations de maintien de l'ordre. Vous confirmez ?
Du point de vue de la loi, l'utilisation des balles réelles répond à des situations telles que la légitime défense, la défense du lieu dont on a la garde, telle que la défense d'une personne en situation de danger du fait d'une agression qui est là, réelle et présente. Mais tout cela c'est la loi et son application sur le terrain. Avant cela il y a la responsabilité. Qu'est-ce qu'on a fait pour que la situation se dégrade ? Parce qu'un texte de loi qui règle l'utilisation des armes ne règle pas une situation de maintien de l'ordre. Moi je crois que c'est là qu'il faut voir.

Soyez plus précis.
On sait que les officiers, les sous-officiers sont équipés en permanence d'armes de poing fournies en balles réelles. Mais ces gens-là qui visent d'autres gens, doivent organiser les interventions de sorte qu'ils ne soient pas obligés de perdre leur sang-froid et d'en arriver à utiliser des armes qui n'auraient pas dû intervenir là. Parce que dans une situation de maintien de l'ordre, si on en arrive à utiliser une arme de poing fournie en armes réelles, cela veut dire que la situation est dégradée au point que les responsables et les hommes pouvaient se retrouver dans une situation de danger, donc dans une situation de perte de maîtrise de la situation. Et quand on perd la maîtrise de la situation, on s'affole.
Mort de Fallou Sène : "On fait du dilatoire, on noie le poisson, on fait oublier, on crée le désordre de telle sorte que les gens se lassent, et on sabote l'enquête."

Une enquête est ouverte pour situer les responsabilités dans la mort de l'étudiant de l'Ugb au cours d'une intervention des forces de sécurité. D'aucuns estiment que ces types d'enquête ne sont pas crédibles. Partagez-vous ce point de vue ?
Il y a deux aspects. D'abord la volonté de se protéger, de protéger l'institution au nom de la solidarité entre l'Etat et ces corps-là. On fait du dilatoire, on noie le poisson, on fait oublier, on crée le désordre de telle sorte que les gens se lassent et que l'attention n'est plus portée dessus et on sabote l'enquête. L'autre aspect des choses c'est qu'il y a un flou tel dans la succession des évènements qui précèdent l'accident que quand il faut traiter d'une cartouche on ne sait pas d'où elle est partie. Si on doit traiter d'une balle on ne sait pas d'où elle est partie, s'il faut traiter d'un fonctionnaire on ne connait pas sa position de départ et on ne sait pas à quel moment la balle est partie et comment il faut faire. Vraiment il y a des actes préalables de préparation d'une intervention qui sont extrêmement importants telles que les procédures standards. Il n'y a pas de standard de gestion des armes, de distribution des armes, de préparation d'une intervention, de positionnement des hommes. C'est cela qui fait qu'on est dans de l'amateurisme pur.

Quelles solutions proposez-vous ?
Qu'on le veuille ou non, ça doit devenir plus sérieux. Nous avons une grande gendarmerie, qui se prévaut d'être une des meilleures du continent, une grande police qui se prévaut d'être une des meilleures du continent mais ça pèche à des endroits où on ne les attend pas. Là où ils doivent être le plus efficaces, c'est là qu'il y a le plus de laxisme. Les gens soignent les façades ailleurs, mais ne soignent pas à l'intérieur. Ils ne soignent pas les rapports aux problèmes, les rapports aux interventions, le rapport aux moyens dans leur utilisation sur le terrain, le rapport avec les sites d'intervention.

Qui sont les responsables de cette situation ?
Je n'accuse pas tel ou tel. Je ne critique pas, non plus. C'est une analyse technique et implacable. Nous devons tous nous dire la vérité. Ceux qui commandent les troupes, les unités et les corps doivent s'arrêter, prendre la mesure de toutes les questions, de la formation aux interventions en passant par l'encadrement et la préparation des interventions. Et je pense qu'on pourra corriger beaucoup de choses et on fera moins de bavures.

Youssouf SANÉ
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