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Début des plaidoiries dans le procès Imam Ndao et cie: La défense plaide l’acquittement pour Mouhamed Ndiaye, Ibrahima Diallo et Coumba Niang
Publié le samedi 19 mai 2018  |  Enquête Plus
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© Autre presse par DR
Imam Aliou Ndao, poursuivi pour terrorisme
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Après deux jours de suspension, le procès d’imam Alioune Ndao a repris hier, avec le démarrage des plaidoiries de la défense. Les conseils de Mouhamed Ndiaye, Ibrahima Diallo et Coumba Niang ont plaidé l’acquittement, tandis que les conseils de Saliou Ndiaye veulent le renvoi des fins de la poursuite de leur client.

Ouvert le 9 avril dernier, le procès Imam Alioune Ndao et ses 28 co-accusés, inculpés pour des faits liés au terrorisme, se poursuit avec les plaidoiries de la défense. Etant donné que celles-ci se font selon l’ordre de passage des accusés durant l’instruction d’audience, les avocats de Mouhamed Ndiaye alias Abou Youssouf ont été les premiers à défiler à la barre. Pendant près de deux tours d’horloge, Mes Mamadou Guèye et Ndéné Ndiaye ont cherché à convaincre de l’innocence de leur client qui risque les travaux forcés à perpétuité. Car, d’après le premier, ‘’dans cette affaire, il ne s’agit pas de terroristes, mais de passionnés de la religion’’. Ainsi, il n’y a rien de péjoratif au pseudonyme que porte leur client. Contrairement à l’argumentaire du substitut Aly Ciré Ndiaye, le surnom d’Abu Youssouf affublé à Mouhamed Ndiaye n’a rien à voir avec le célèbre terroriste égyptien, spécialiste en explosif. ‘’Le procureur est un passionné de Google qui, après recherches, a fait un tri sélectif pour choisir le terroriste égyptien Abu Youssouf, expert en explosifs, alors qu’il y en a d’autres’’, a avancé la robe noire qui a écarté les aveux mentionnés dans le procès-verbal, arguant que les auditions à l’enquête se font avec ‘’des méthodes qui frisent la torture’’. Il a soutenu qu’il n’y a aucun témoin pour confirmer que Mouhamed Ndiaye a combattu aux côtés de Boko Haram. Pire, a-t-il ajouté, tout ce qu’il a fait au Nigeria, notamment les entraînements militaires, c’était sous la contrainte, car l’accusé était parti pour vivre pleinement sa religion.

Son confrère Me Ndéné Ndiaye s’est évertué à décrire la personnalité de Mouhamed Ndiaye, rapatrié du Gabon à 2 ans et confié à son grand-père qui n’avait aucun moyen de subsistance. Il a aussi présenté ce père de famille comme ‘’un instable’’ au plan patriotique, scolaire et professionnel, pour avoir changé de pays, quitté l’école française au profit de l’école coranique et embrassé tour à tour les métiers d’apprenti mécanicien, de maçon et de pêcheur. A l’en croire, cette instabilité est le profil recherché par les recruteurs qui ont réussi à enrôler leur client. ‘’Aboubacar Guèye l’a incité à partir, mais une désillusion l’a habité et il a décidé de rentrer, avant d’être arrêté 5 mois après son retour. Il a été le plus prolixe, mais il n’a jamais parlé de l’implantation d’une cellule djihadiste au Sénégal. Donc, dire qu’il y a acte de terrorisme et le condamner sur cette base n’est pas juste’’, a plaidé Me Ndiaye. A son avis, ‘’rentrer en voie de condamnation serait une erreur. Donc, Mouhamed Ndiaye doit être acquitté’’. A défaut, il mérite ‘’l’application mesurée’’ de la loi, dans la mesure où il s’est amendé en reconnaissant avoir commis une erreur en se rendant au Nigeria.

‘’Vous êtes dans un mois de réserve, de pitié. Ne condamnez un accusé que si votre intime conviction vous dit qu’il est coupable’’, dira Me Ngoné Thiam à l’endroit du président Samba Kane et de ses assesseurs, pour éviter qu’Ibrahima Diallo alias Abu Oumar ne soit pas condamné à la perpétuité. L’avocat est d’avis que son client n’est pas coupable, car en quittant le Sénégal, il pensait qu’on appliquait la Charia au Nigeria. ‘’Dans le système islamique, il n’y a pas de pauvres, parce qu’on exige aux riches de partager et il voulait gagner sa vie. Mais sur place, lui et ses co-accusés ne partageaient pas l’idéologie de Boko Haram’’, a expliqué Me Thiam. Selon son argumentaire, c’est compte tenu de cette divergence que les accusés sont revenus ensemble, mais ne sont affiliés à aucun groupe terroriste.

Coumba Niang, victime de son rôle d’épouse

Quant à Me Diène Ndiaye, il est persuadé que Coumba Niang est victime de sa qualité d’épouse, en ayant gardé l’argent que lui avait confié son époux Makhtar Diokané. Par conséquent, elle n’a rien fait de mal pour mériter 5 ans et 10 ans ferme, surtout qu’elle ignorait l’origine des fonds. Aussi, en tant qu’épouse et élève, il est normal qu’elle utilise l’argent pour acheter un téléphone. Le conseil a justifié l’installation ‘’telegramm’’ pour bénéficier de la gratuité de la communication et non pour éviter leur traçabilité. Pour finir, Me Ndiaye estime que sa cliente ne peut pas être pénalement responsable pour financement du terrorisme, vu que c’est une personne physique. Ni pour association de malfaiteurs étant donné que Makhtar Diokhané est son époux.

Les avocats de Abou Akim plaident la démence et /ou une expertise psychiatrique

Me Ousmane Thiam a jugé, pour sa part, que les faits n’ont pas été articulés à l’endroit de Abou Akim Mbacké Bao qui, a-t-il déploré, ‘’n’est pas une lumière, alors qu’il est dépeint comme un expert en explosifs’’. Aussi, a-t-il sollicité son acquittement pour absence de preuves, même si l’ex-combattant a avoué à la barre qu’il a été initié à la confection des explosifs, des gilets kamikazes… Me Thiam a avancé comme argument la contrainte qui aurait poussé l’accusé à combattre aux côtés des djihadistes d’Aqmi du Nord Mali. ‘’S’il avait été consentant, il n’aurait pas tenté de fuir. Dès son arrivée au Mali, il a été menotté et emprisonné durant un mois. Il a été remis en prison pour avoir tenté de fuir’’, a renchéri Me El Hadj Basse.

Outre la contrainte, le défenseur a plaidé la démence, en déclarant qu’Abou Akim a un trouble du comportement. ‘’Abdou Hakim Mbacké Bao est un cas spécial dans ce procès. Il ne communique avec personne ici. Vous avez vu son attitude. Il a porté une seule tenue pendant 15 jours. Vous-même, M. le président, vous avez remarqué le comportement anormal de mon client au moment de son interrogatoire’’, a déclaré Me Bass. D’après lui, l’accusé est bel et bien malade, puisqu’il était même interné au Pavillon spécial. Cependant, ils se sont heurtés à un refus pour obtenir le dossier médical de leur client. Cela n’empêche, l’avocat a lancé à la chambre criminelle spéciale qu’elle ne peut pas condamner l’accusé à la perpétuité, sans expertise psychiatrique. Selon son argumentaire, un homme normal n’aurait pas agi comme l’accusé l’a fait, en se rendant au Mali où on lui a fait croire qu’il pouvait bénéficier de financement pour des projets. Par ailleurs, les deux avocats ont demandé que la prévention de financement du terrorisme soit écartée, puisque leur client n’a reçu que 200 000 dollars en sus d’un montant de 10 000 F CFA remis à lui par Saliou Ndiaye, lors de son départ au Mali.

D’ailleurs, c’est fort de cette remise que le ministère public a demandé que ce dernier soit déclaré coupable de financement du terrorisme. ‘’Depuis quand finance-t-on le terrorisme avec 10 000 F CFA dévalués ?’’ s’est interrogé Me Ababacar Cissé. Abondant dans le même sens, Me Etienne Ndione, brandissant un billet de 10 000 F CFA, d’asséner : ‘’Avec 16 Euros, peut-on faire trembler la République ?’’ Et de lancer à l’endroit du parquetier : ‘’Je vous donne ce billet et je vous précède au Mali. Je suis sûr que vous dépasserez à peine Tambacounda.’’

Les avocats de Saliou Ndiaye plaident le renvoi des fins de la poursuite

Au regard de ces arguments, Me Ndione a laissé entendre que Saliou Ndiaye n’est pas coupable de financement du terrorisme. Idem pour l’apologie du terrorisme, dès lors que les mails qu’il a envoyés à l’imam Alioune Ndao relèvent du cadre privé. ‘’Le mail n’est pas un moyen de diffusion publique. C’est strictement personnel. S’il avait envoyé le fichier sur Facebook, je n’aurais rien dit, car c’est du domaine public. S’il y a quelqu’un qui doit être poursuivi, c’est bien le procureur pour avoir téléchargé une vidéo sur Youtube qu’il a diffusée ici’’, a-t-il fulminé. Le conseil de relever que le fait que Saliou Ndiaye ait envoyé un document sur Ben Laden ne constitue pas une apologie. Ni le fait qu’il ait essayé d’aller en Afghanistan et en Syrie ne constitue un acte de terrorisme. Car il reste convaincu que si leur client voulait partir faire le djihad, il l’aurait fait par voie terrestre, en se rendant au Nigeria, ou au Mali ou en Libye où il n’a pas besoin de visa. ‘’On lui reproche d’avoir vu et regardé une vidéo de Ben Laden. Moi, en tant que chrétien, j’ai regardé et lu le Coran, pourtant cela ne fait pas de moi un musulman’’, a ajouté Me Ndione qui a suscité une grande admiration du public, lorsqu’il s’est mis à lister un certain nombre de versets du Coran.

Par rapport à l’association de malfaiteurs, le conseil a laissé entendre que le terme est galvaudé par le Parquet qui retient ce délit, dès qu’il y a deux personnes. Me Cissé a abondé dans le même sens, en reprochant au ministère public ‘’d’avoir mis tous les accusés dans le même sac, alors que la responsabilité pénale est individuelle’’. Et d’ajouter que ‘’leur client est accusé de s’être associé à un certain Moussa Massoul or, ce dernier ne fait même pas partie du dossier’’. Compte tenu de ces arguments, Mes Ndiaye et Cissé ont demandé que Saliou Ndiaye soit tout simplement renvoyé des fins de la poursuite, plutôt que d’être condamné à 20 ans de travaux forcés. Surtout qu’à l’image de leurs confrères, il n’y a pas de base légale de certaines poursuites.

En fait, selon la défense, le Doyen des juges a visé la nouvelle loi de 2016 relative au terrorisme or les faits reprochés aux accusés remontent à 2015. ‘’Le procureur dit qu’il poursuit sur la base de la loi 2007 qui a été abrogée et remplacée par la loi de 2016. C’est une loi pénale de fond très sévère qui a ajouté des récriminations plus sévères qui n’existaient pas. Elle est une loi pénale plus sévère or celle-ci ne rétroagit pas.’’

L’Etat aussi en a pris pour son grade, car accusé d’avoir monté ce dossier sur commande de la France. ‘’Je me demande quand est-ce que nous Africains serons libres. Ce procès est commandité par la France qui est contre l’Islam. Bientôt on va interdire les Hadiya ou nous dire de justifier les fonds qu’on donne à nos guides religieux’’, a fulminé Me Ngoné Thiam. Son confrère Me Cissé d’enfoncer le clou : ‘’Ce procès est un bilan dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, puisque le Sénégal a reçu beaucoup de milliards.’’

Les plaidoiries se poursuivent aujourd’hui.
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