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Contrôle des politiques publiques par l’Assemblée nationale, sous la 12e législature: Hélène Tine et son ancien collègue Zator Mbaye livrent leurs rapports
Publié le lundi 14 mai 2018  |  Sud Quotidien
Christine
© aDakar.com
Christine Lagarde a tenu un discours devant la Représentation Nationale
Dakar, le 30 Janvier 2015 - La Directrice Générale du Fonds Monétaire International s`est adressée aux députés Sénégalais. Christine Lagarde a été reçue à l`Assemblée nationale par le président Moustapha Niass.
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Interpellés par Sud quotidien, dans le cadre de ce dossier réalisé en partenariat avec Osiwa et dont l’intitulé est: «Place et rôle de l’Assemblée nationale dans le contrôle des politiques: le cas de la 12e législature», l’honorable député Hélène Tine et son ancien collègue Pape Diallo dit Zator Mbaye, tout en admettant que «des efforts notables» ont été effectués par leur législature dans ce domaine, apprécient cependant diversement ce travail.

Deuxième institution de la République du Sénégal, après le président de la République, l’Assemblée nationale incarne le pouvoir législatif. Instituée le 20 août 1960 par la loi n°60-44 du 20 août 1960, cette chambre législative, outre des fonctions de voter les lois à l’initiative des députés (proposition de loi) ou celles transmises par le président de la République et son Gouvernement (projet de loi), exerce également, à l’image de la plupart des parlements au monde, d’autres prérogatives. Dont notamment le pouvoir de contrôle des politiques publiques et de suivi de l’état d’exécution du budget par le gouvernement. Dans la nouvelle Constitution adoptée lors du référendum constitutionnel de mars 2016 dernier, l’on note même l’élargissement de ces pouvoirs de l’Assemblée nationale en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques.

En effet, l’Assemblée nationale du Sénégal, à l’image de la plupart des parlements au monde, dispose également d’autres prérogatives dont le pouvoir d’exercer un contrôle sur toutes les politiques publiques et aussi de faire le suivi de l’état d’exécution du budget par le gouvernement, conformément à la Constitution issue du référendum constitutionnel de mars 2016 dernier. Pour se faire, les députés disposent de plusieurs mécanismes consacrés à cet effet par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui est une loi organique. Il s’agit, entre autres, des questions écrites et orales, des questions d’actualités, des commissions d’enquêtes parlementaires et les auditions des membres du gouvernement pour ne citer que ceux-là.

Cette prérogative de contrôle de l’exécutif est consacrée par l’Article 92 du Chapitre 21, dans le Titre III du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale intitulé Contrôle parlementaire. Cet Article dispose, notamment au sujet de la mission de contrôle de l’exécutif par le parlementaire, que «les députés peuvent poser, aux membres du gouvernement, des questions écrites.» Poursuivant, ce même texte précise qu’ils (membres du gouvernement) «sont tenus d’y répondre». Toujours au sujet de ce contrôle de l’exécutif, cet Article 92 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale indique également que «les députés peuvent poser aux membres du gouvernement, qui sont tenus d’y répondre, des questions d’actualité et des questions orales. Les questions et les réponses qui y sont faites ne sont pas suivies de vote».

Loin de s’en tenir-là, ce texte précise aussi que «pendant la session ordinaire: Une séance par semaine est réservée aux questions orales; Une séance au moins par mois est réservée à des questions d’actualité au gouvernement. La question d’actualité au gouvernement est posée par un député. Une réponse est apportée par le Premier ministre ou un membre du gouvernement. La Conférence des présidents détermine les modalités d’organisation de ces séances.»

DE L’EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’EXECUTIF PAR L’ASSEMBLEE NATIONALE

Cependant, en dépit de cet arsenal juridico-législatif, il s’est toujours posé au Sénégal la question de l’effectivité de cette prérogative constitutionnelle de contrôle de l’exécutif par l’Assemblée nationale. En effet, à tort ou à raison, l’Assemblée est toujours accusée, aussi bien par une partie de l’opinion que par certains députés mêmes, de nourrir une faiblesse vis-à-vis de l’exécutif. Il en est de même sous la douzième (12e) législature (du 30 juillet 2012 au 30 juillet 2017). Pour nombre de sénégalais, l’Assemblée nationale n’a jamais joué son rôle de contrôle de l’exécutif.

À tort ou à raison, l’unique chambre législative aujourd’hui au Sénégal est même accusée, sous cette législature, à l’image des précédentes, d’être une institution à la solde du pouvoir exécutif qu’elle est pourtant censée contrôlée. Ce, en dépit du bilan de son président Moustapha Niasse, qui, lors de la session de clôture de l’exercice, avait indiqué que le gouvernement a fait 6 passages à l’Assemblée au cours desquels 92 questions d’actualité ont été posées. Loin de s’en tenir là, le président Moustapha Niasse avait également informé que 37 questions écrites suivies de 27 réponses et 11 questions orales ont été adressées par les députés de la 12e législature au gouvernement.

Dans le cadre de cet article sur les «Place et rôle de l’Assemblée nationale dans le contrôle des politiques : le cas de la 12e législature» réalisé en partenariat avec Osiwa, nous avons ainsi interpellés l’honorable député Hélène Tine et son ancien collègue Pape Diallo dit Zator Mbaye pour avoir leur appréciation de ce travail de contrôle de l’exécutif exercé par l’Assemblée nationale sous leur législature. Membres de la douzième législature et du groupe de la majorité parlementaire, les deux anciens députés, tout en admettant «des efforts notables» effectués par l’Assemblée nationale lors de leur mandature, en matière de contrôle des politiques publiques, apprécient cependant diversement ce travail.

ZATOR MBAYE, CONFIRME ET APPRECIE LE CONTROLE EFFECTUE PAR LA DOUZIEME LEGISLATURE : «C’est sous notre magistère que les séances de questions d’actualité au gouvernement ont été inaugurées»

Se prononçant sur le bilan de la douzième législature, l’ancien député de l’Alliance des forces du progrès (Afp) du président de l’Assemblée nationale, Pape Diallo dit Zator Mbaye a tout d’abord souligné la nécessité de faire une différence entre le travail de contrôle des politiques publiques du parlement et celui réalisé par les organes de contrôle de l’Etat. «La mission de contrôle de l’Assemblée nationale est différente de celle des corps dédiés à cette tâche notamment l’Inspection générale d’Etat (Ige), la Cour des comptes, entre autres. La mission de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale est physique, elle est effectuée sur le terrain par les députés», a-t-il fait remarqué.

Poursuivant son propos, l’actuel conseiller à la présidence de la République a assuré, par la suite que, la douzième législature a joué pleinement son rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Sous ce rapport, Zator Mbaye cite ainsi plusieurs initiatives dont, entre autres, l’inauguration des séances de question d’actualité, l’implication des députés dans la résolution de plusieurs crises, des missions parlementaires effectués au niveau de plusieurs localités et structures notamment des universités en construction et des prisons pour s’enquérir des conditions de vie carcérale des détenus.

«La douzième législature a joué pleinement son rôle de contrôle de l’action gouvernementale à travers plusieurs missions parlementaires effectués auprès de certaines structures. On a visité notamment le Port autonome de Dakar, l’autoroute à péage, l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd). Certains de nos collègues se sont également impliqués dans les négociations avec les villages qui étaient sur l’emprise de cet aéroport et qui devaient être déplacés pour les besoins des travaux. Nous avons également organisé des visites au niveau des universités en construction et les prisons pour nous enquérir des conditions de vie carcérale des détenus. Et cela nous ont permis de demander et d’obtenir le relèvement de l’allocation journalière pour chaque détenu. Je dois aussi préciser que c’est sous notre magistère que les séances de questions d’actualité au gouvernement ont été inaugurées», souligne Zator Mbaye.

HELENE TINE PARLE D’UN CONTROLE DES POLITIQUES PUBLIQUES EN TROMPE-L’ŒIL : «L’Assemblée, sous la 12e législature, a été vassalisée et pilotée de loin par la mainmise de l’exécutif sur…»

Donnant à son tour son avis sur le rôle joué par la douzième (12e) législature dans le contrôle des politiques publiques mise en œuvres par le gouvernement, Hélène Tine, pour sa part, tout en admettant elle aussi des «efforts consentis» par cette législature notamment à travers de «nombreuses de visites de terrains effectuées par des réseaux de parlementaires auprès de certaines structures», relativise. Selon elle, l’Assemblée nationale, sous la 12e législature, a été vassalisée et pilotée de loin par la mainmise de l’exécutif sur la majorité parlementaire qui n’a pas joué le jeu pour rendre plus crédible ce travail de terrain.

Parlant d’un simulacre de contrôle des politiques publiques, elle indique que l’Assemblée nationale, sous la 12e législature, n’a jamais joué son rôle de contrôle de l’exécutif, mais qu’elle était plutôt à la solde de cet exécutif. Poursuivant son propos, l’honorable député, qui a fini son mandat comme député non-inscrit, indique, pour appuyer ses déclarations au sujet de la visite des prisons, qu’il était question à la fin de cette tournée d’instituer une mission d’enquête parlementaire sur les conditions de la vie carcérale, les longues détentions préventives et la surpopulation des prisons. Mais cela n’a jamais eu lieu.

UN CONTROLE SUR AUTORISATION DE L’EXECUTIF

Toujours dans ce registre de démontrer que la 12e législature cherchait juste à faire du tapage et non le contrôle de l’exécutif, Hélène Tine dénonce également le double jeu du gouvernement, en complicité avec ses anciens collègues et alliés de Benno bokk yaakaar (la majorité) dans la cadre de l’affaire Necotrans. «Quand la presse à parler de l’affaire Necotrans, nous avons organisé une visite au Port autonome de Dakar pour nous imprégner de cette affaire. Après avoir rencontré les organes de contrôle, les sociétés sénégalaises concernées par cette concession du Môle 8, le patronat et étudier les dossiers, nous avions demandé à auditionner le directeur général du Port de l’époque, Cheikh Kanté, pour en avoir le cœur net. Toute la procédure a été effectuée pour faire venir le directeur général du port à l’Assemblée nationale, mais l’exécutif n’a jamais donné son accord. Et, tout s’est arrêté-là. Et, du coté de l’Assemblée nationale, on a jamais voulu user des prérogatives que la loi donne à l’Assemblée nationale pour contraindre le directeur du port à venir répondre à la convocation.» À ses yeux donc, «même si le parlement est parvenu à amener le gouvernement à prendre des mesures pour améliorer les conditions de vie carcérales des détenus à la suite de sa visite dans toutes les prisons du pays», la mainmise de l’exécutif est réelle, à travers la majorité parlementaire.

LES PASSAGES DU GOUVERNEMENT A L’ASSEMBLEE ORGANISES SELON LE BON VOULOIR DE L’EXECUTIF

Poursuivant son propos, l’ancien parlementaire Hélène Tine de déplorer également la façon dont sont organisés les passages du gouvernement à l’Assemblée nationale pour y répondre aux questions d’actualités des députés. «Certes, la douzième a inauguré l’ère des questions d’actualités mensuelles au gouvernement, mais l’organisation de ces rendez-vous pose un véritable problème notamment en ce qui est de la régularité des séances. En effet, la loi dit que le gouvernement doit venir une fois par mois à l’Assemblée nationale, mais on voit plutôt que cela a été fait par intermittence, selon le bon vouloir de l’exécutif. On organisait la plénière des questions d’actualité seulement si le gouvernement sentait le besoin de communiquer sur une question. Ensuite, la façon dont cette séance est organisée laisse à désirer dans le sens où le chef du gouvernement reçoit toujours les questions en avance, avant de venir à l’Assemblée nationale. Je pense qu’il s’agit plutôt des questions commanditées par l’exécutif», souligne Hélène Tine.

CES SUJETS TRAITES PAR L’ASSEMBLEE QUI JUSTIFIENT LE BESOIN DE COMMUNIQUER DU GOUVERNEMENT

«Quand l’affaire de Timis Corporation a éclatée, le gouvernement a voulu communiquer à un moment là-dessus et ils sont venus à l’Assemblée nationale. Il en est de même quand l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar a éclaté, ils sont venus à l’Assemblée nationale, sous le prétexte de ces questions d’actualité. La dernière fois que le gouvernement est allé à l’Assemblée nationale, c’était pour s’expliquer sur les couacs notés dans le processus électoral», ajoute encore l’ancien parlementaire qui assure que l’instrumentalisation des mécanismes de contrôle par le pouvoir exécutif fragilise le rôle de contrôle parlementaire que l’Assemblée nationale doit exercer sur le gouvernement.

DES QUESTIONS ECRITES SANS REPONSES, EN VIOLATION DE LA LOI

Loin de s’en tenir là, Hélène Tine a également déploré le silence du gouvernement sur les questions écrites des députés. En effet, selon elle, beaucoup de questions écrites n’ont pas fait l’objet de réponse de la part du gouvernement. Prend l’exemple de Big Togo, elle déclare: «quand cette affaire a éclaté dans la presse, j’ai personnellement écrit et envoyé moi-même une question au gouvernement. Mais, jusqu’à l’heure où je vous parle, je n’ai jamais reçu de réponse, jamais, alors que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale dit que le gouvernement est tenu de répondre au bout d’un mois. Et, s’il ne le fait pas durant cette période, le ministre est convoqué à l’Assemblée nationale. C’est la loi qui le dit, mais cela n’a jamais été le cas».

Toujours à propos des questions écrites envoyées au gouvernement et qui n’ont pas fait l’objet d’une réponse, elle souligne aussi que lors de la panne de l’appareil de radiothérapie de l’hôpital Aristide Le Dantec, une des collègues du nom de Mame Mbayang Guéye Dione a saisi, en vain, le ministre de la Santé sur cette question. Au regard de tout cela, elle soutient qu’en lieu et place d’un contrôle des politiques publiques, on avait plutôt constaté en réalité une violation des dispositions de la loi par l’exécutif, de façon flagrante, sans pour autant que le parlement ne veuille exiger le respect de la loi.
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