Interpellé par le substitut du procureur de la République, Aly Ciré Ndiaye, sur ce qu’il pense de l’instauration de la Charia au Sénégal, imam Alioune Badara Ndao s’est dit favorable à cette loi islamique, en précisant cependant que si cela doit se faire, il faudrait des concertations et des discussions avec les constitutionnalistes, comme le recommande l’Islam. «Ceux qui ne seront pas d’accord avec cette idée ne sont pas mes ennemis, je ne peux pas tenir un tel raisonnement parce que je pense que toute personne a le droit, tout comme moi, de choisir autre chose», fait-il remarquer.
Avant d’ajouter: «je connais bien les libertés protégées par la Constitution, pour avoir traduit en langue arabe, depuis 2000, la Charte nationale qui est enseignée dans mon Daara. Je puis dire que cette Constitution ne garantit pas aux musulmans de pratiquer leur culte qui ne peut être assuré que par l’Etat musulman». Interpellé, par ailleurs, toujours par le procureur Aly Ciré Ndiaye qui lui a demandé son avis sur l’entrainement militaire des enfants, imam Alioune Ndao, citant les recommandations du Prophète (PSL) a déclaré que s’il était président de la République, il allait former tous les enfants aux techniques de maniement des armes.
IMAM NDAO S’EXPLIQUE SUR SES CRITIQUES VIS-A-VIS DES CONFRERIES RELIGIEUSES
SENEGALAISES
Par ailleurs, le prédicateur nie avoir critiqué, dans ses pêches, une famille religieuse au Sénégal, non sans préciser qu’il est pour la cohabitation pacifique des religions, dans le respect mutuel. «J'ai préféré être un sunnite. Mais, dans mes prêches, j'ai toujours demandé aux fidèles, tidjanes, mourides... de se conformer aux recommandations de leurs guides respectifs. De mon point de vue, c'est ce qui favorisera notre unité à tous», fait-il savoir en relevant, tout de même, ne pas être d’accord avec les musulmans qui formulent des prières sur les tombes de leurs marabouts. «Le Prophète Mohamed (PSL) recommande de se recueillir sur une sépulture. Seulement, l'on doit prier pour le défunt et non le solliciter dans des prières», fait remarquer imam Alioune Badara Ndao qui réfute également avoir hébergé dans son daara quelqu’un qui vient de la Libye. «Lors de la perquisition chez-moi, les gendarmes ont trouvé des jeunes talibés, mais pas de djihadistes. Ils ont trouvé seulement des documents dans ma chambre. A part ça, rien n’a été trouvé, aussi bien chez-moi que dans mon champ».
PISTOLET TROUVE CHEZ IMAM ALIOUNE BADARA NDAO : La défense sollicite une expertise, le parquet s’y oppose
A la reprise de l’audience sur l’apologie du terrorisme devant la Chambre criminelle spéciale de Dakar, en début d’après-midi hier lundi 7 mais, 16e jour de procès, les avocats de la défense ont demandé la parole pour solliciter du tribunal la présentation du pistolet trouvé chez l’imam Aliou Ndao par les éléments du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (Gign), lors de la perquisition effectuée chez l’accusé et la désignation d’un expert pour examiner cette arme. En effet, ils estiment que ce pistolet n’est pas fonctionnel, donc une arme factrice.
Interpellé sur cette demande de la défense, le substitut du procureur, Aly Ciré Ndiaye, s’est opposé en indiquant que le caractère non fonctionnel de cette arme ne fait pas l’ombre d’un doute en ce sens que les gendarmes l’ont déjà mentionné dans leur rapport d’enquête. «Je ne vois pas l’opportunité de designer un expert pour nous dire ce que nous savons déjà de ce pistolet. Je dois aussi dire qu’une arme reste une arme, même si elle ne fonctionne pas. Le parquet s’oppose donc à cette demande».
Prenant à nouveau la parole, la défense réaffirme sa position en soulignant qu’en «matière de crime, tous les objets mis sous scellés doivent être présenté pour la manifestation» de la vérité. «Le parquet n’est jamais opposé à la présentation des scellés, mais s’agissant de l’expertise, nous maintenons notre position de rejet», réplique encore le représentant du parquet.
À la suite, le juge Samba Sall, président de la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance de Dakar a pris la parole pour trancher. «Le tribunal avisera demain (aujourd’hui, ndlr), le jour où aura lieu la présentation des scellés, le temps de voir avec le greffe. Pour ce qui est de la désignation d’un expert, le tribunal rejette la demande parce qu’à partir du moment où le caractère non fonctionnel n’est pas contesté, le tribunal ne voit pas l’intérêt de faire l’expertise de cette arme».
IMAM ALIOU NDAO SUR LES VIDEOS TROUVEES DANS SON ORDINATEUR : «C’est pour ma propre connaissance et ma culture»
Interpellés par les avocats de la défense sur les vidéos trouvées dans son ordinateur, dont la plupart portait sur les mouvements djihadiste, à l’image de l’Etat islamique, Al-Qaïda ou encore Boko Haram, Imam Alioune Badara Ndao a indiqué qu’il a gardé ces fichiers dans le cadre de ses recherches sur les mouvements islamiques en vue de pouvoir apporter des réponses aux multiples sollicitations dont il fait objet lors de ses conférences. Loin de s’en tenir là, l’accusé, précisant qu’il a téléchargé la plus part de ces images dans Google, a également affirmé qu’il y en a des plus horribles dont certaines montrant des personnes tuées et mangées ensuite en Afrique. «Je garde des vidéos dans ma machine pour ma propre connaissance», insiste-t-il.
Ces vidéos concernaient l’Etat islamique et l’armée irakienne. «Les entraînements font partie de l’évolution sur tous les plans des membres du mouvement Etat islamique. J’ai vu en eux la détermination. C’est pourquoi je disais que le problème du terrorisme ne peut pas se régler par la force», soutient le prédicateur, aujourd’hui au banc des accusés. Avant d’ajouter: «j’ai des vidéos plus horribles que celles que le tribunal a projetées. Il y a des vidéos où on tue des personnes et après ont les mange. Et elles concernent beaucoup de pays comme la Birmanie, Centrafrique... C’est pour vous montrer que je fais des recherches partout. Et, pour ma propre connaissance et ma culture, j’ai gardé ces vidéos dans ma machine».
Par ailleurs, réfutant toutes les accusations concernant ses liens supposés avec les mouvements djihadistes, imam Alioune Badara Ndao a exprimé ses doutes sur ce sujet. «Je pense que le terrorisme est un prétexte pour abattre l’Islam. Car, malgré ce qui est dit et la force utilisée dans les bombardements, cela n’a pas empêché les mouvements terroristes de rester débout».