Son ami cherchait à le sauver en espérant ébranler ses accusateurs. Malheureusement pour Karim Wade, c’est Bibo Bourgi qui a été laissé sans voix devant les preuves de ses accusateurs.
La confrontation tant demandée par Ibrahim Khalil «Bibo» Bourgi, dans l’espoir de confondre ses accusateurs, ne s’est pas terminée comme le souhaitait l’ami et associé de Karim Wade. En effet, Le Quotidien a appris que la séance d’avant-hier lundi, qui a tiré en longueur, allant de 9h à 4h du matin, n’a en aucun moment permis à Bibo Bourgi d’ébranler aucun des témoins.
Le premier à être mis devant lui a été Ely Manel Diop. Celui qui a été le premier dirigeant de la société de maintenance aéroportuaire Ahs a déclaré devant les magistrats de la Commission d’instruction, qu’il n’a connu Bibo Bourgi qu’après avoir été embauché à Ahs comme directeur. Selon lui, c’est Karim Wade qui a assuré son embauche, de même que c’est grâce au même Karim Wade qu’il a rencontré, chez M. Wade au Point E, le ministre de l’Equipement et des Infrastructures de l’époque, M. Mamadou Seck, pour étudier les modalités d’installation d’Ahs sur la plateforme aéroportuaire de Dakar, afin de commencer à travailler.
On se rappelle que la semaine dernière (voir Le Quotidien n°3355 du jeudi 3 avril dernier), Bibo Bourgi avait tenté d’exonérer son ami Karim Wade de toute responsabilité dans la gestion des établissements pour lesquels il est poursuivi. Il avait voulu faire croire qu’il était seul propriétaire des actions attribuées à Karim par certains témoins. En déclarant que c’est au seul Karim qu’il a jamais eu affaire, Ely Manel Diop a démontré que le rôle de ce dernier n’était pas aussi mineur dans Ahs, car pour lui, c’était lui son véritable patron.
Cette affirmation a d’ailleurs été renforcée par la notaire Me Patricia Lake Diop. Cette dernière est revenue déclarer que pour la création d’Ahs, c’est Karim Wade qui l’avait sollicitée, lui donnant le nom, la raison sociale, le siège, ainsi que les noms et identités des personnes devant faire partie des actionnaires de ladite entreprise. Mme Diop a également affirmé que, dans la mise en place, elle n’a jamais vu ni eu affaire avec Bibo Bourgi. Il semble donc évident que c’est par la suite que Bibo Bourgi et Karim Wade, après avoir brouillé les pistes, ont «racheté» des actions à leurs hommes-liges, après avoir domicilié l’entreprise dans des paradis fiscaux.
L’autre témoin du jour a été Bara Tall, impliqué dans l’affaire du fait de son association avec les inculpés à travers la société Dahilia, propriétaire du terrain de 33 000 m². Dans cette entreprise où Karim Wade et Bibo Bourgi se sont fait représenter par l’un des employés de Bibo Bourgi, Souleymane Sy, Bara Tall a pu apporter des documents qui montrent que Karim Wade a des intérêts évidents sur ce terrain.
Ainsi, après lui avoir affirmé que son ami Bibo Bourgi et lui seraient représentés dans leur société commune par M. Sy et un autre comparse, Karim Wade a quasiment dicté le Pv de constitution de la société Dahilia, sur la copie duquel il a fait des annotations, et que Bara Tall a montré aux magistrats. D’autres annotations de la main de Karim Wade ont été montrées par Bara Tall sur les plans de construction du terrain. Toutes ces évidences ont fini par laisser Bibo Bourgi sans voix, sans doute à la recherche d’une autre stratégie de défense.
A la question des magistrats, pour savoir si Bara Tall ne donnait pas toutes ces preuves dans l’intention de se venger et nuire à des personnes qui lui auraient fait tant de mal, M. Tall, très calme, aurait répondu : «Je ne cherche pas à me venger ; j’ai juste répondu à vos questions. Si je cherchais à me venger et à faire mal, j’aurais dit tout ce que je sais, et qui est beaucoup plus grave.»