Pendant son interrogatoire à la barre de la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, l’accusé imam Aliou Ndao a soutenu n’avoir jamais échangé avec Makhtar Diokhané pour l’installation d’une base djihadiste dans le Sud du pays. Makhtar Diokhané ne lui a pas non plus dit qu’il était la personne choisie pour guider les Sénégalais de retour du Nigeria. Imam Aliou Ndao a fait face aux juges de la Chambre criminelle spéciale hier, jeudi 3 mai, au 15e jour du procès pour apologie du terrorisme.
«Je n’ai jamais parlé avec Makhtar Diokhané de l’installation d’une base djihadiste au Sénégal. On n’a pas non plus planifié un projet quelconque.» L’imam Aliou Ndao a ainsi réfuté les accusations portées contre sa personne relatives à l’installation d’une base terroriste au Sud du pays. Mieux, à la barre de la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, l’Imam Aliou Ndao a soutenu tout ignorer des activités de Makhtar Diokhané depuis que ce dernier a quitté Kaolack, après ses études secondaires. Il a juste entendu, à un moment, que ce dernier était parti en Mauritanie, a-t-il soutenu. Makhtar Diokhané ne l’a, en aucun moment, informé du choix de sa personne pour guider les Sénégalais ayant séjourné dans le fief de Boko Haram. Imam Aliou Ndao a soutenu également n’avoir jamais reçu de l’argent venant de ce dernier.
Selon le prévenu, l’enfant de la troisième épouse de Makhtar Diokhané, Maimouna Ly, qui séjourne dans son daara est considéré comme cas social car, pour l’imam Aliou Ndao, Makhtar Diokhané n’avait pas d’importantes ressources financières. Lors de son interrogatoire devant la Chambre criminelle spéciale, Makhtar Diokhané avait dit qu’au retour du Nigéria, il était de passage chez imam Ndao à Kaolack, occasion à laquelle il n’a pas pu le rencontrer. Interpellé sur cette affirmation, l’imam Aliou Ndao a soutenu que la période coïncidait avec la fin du mois de Ramadan. Et, d’- habitude, il est très pris par ses conférences religieuses à ces instants. On l’a juste informé de cette visite et Makhtar Diokhané ne l’a pas prévenu non plus. C’est pourquoi, avoue-t-il, il ne l’a pas attendu le jour suivant.
Concernant un livre de Makhtar Diokhané signalé dans la procédure, imam Aliou Ndao a révélé que Makhtar Diokhané l’a joint au téléphone une fois pour lui en faire part. Et c’est Ibrahima Diallo qui l’a récupéré pour le compte de ce dernier. Et de rappeler que Makhtar Diokhané a fré- quenté son daara quand il était au collège. Pour ce qui est de l’affiche de Makhtar Diokhané trouvé chez lui, imam Aliou Ndao dit l’avoir reçu lors d’un rassemblement au stade Amadou Barry de Guédiawaye, au même titre que tous les autres participants à cette rencontre.
«MA CONCEPTION DU JIHAD EST CE QUE J’AI APPRIS DE LA RELIGION»
«Je n’ai pas de conception particulière du jihad, à par ce que j’ai appris du Coran et de la Sunna. Le jihad consiste, sur ces deux bases, à faire des efforts. Ils peuvent être de plusieurs formes. Le jihad est la recherche de la connaissance et l’application de cette connaissance à sa propre vie afin de se conformer aux enseignements du Coran. On peut faire le jihad avec son argent et sa force c'est-à-dire la main. Aider et dispenser l’enseignement, c’est un jihad personnel, tandis que le jihad par la force revient à un Etat». C’est cette définition qu’a donné l’inculpé, imam Aliou Ndao, au juge Samba Kane qui l’a interpellé sur sa conception du jihad. Revenant à la charge, le président du tribunal a demandé au prévenu s’il était donc consentant pour le départ en Libye de certains Séné- galais. En répondant, Imam Aliou Ndao a dit qu’en Libye, il y a la guerre. Et, en pareille situation, l’Islam recommande d’essayer de trouver une solution par la parole, ce que les Etats peuvent faire en association.
Venant aux cas des Sénégalais ayant séjourné dans les rangs de Boko Haram, imam Aliou Ndao a trouvé que leur voyage dans cette partie du Nigé- ria peut se justifier par leur degré d’interprétation des textes (de l’Islam). Et, ils se sont trompés en la matière, fait-il savoir. C’est dans ce sens, dit-il, qu’il a dissuadé Saliou Ndiaye dit Baye Zale de son voyage en Afghanistan. Supposé être le guide moral des candidats au jihad, l’imam Aliou Ndao a indiqué que s’il en était le cas, il serait le premier à être pré- sent sur les théâtres d’opérations. Sa conception de la Charia est qu’elle est une loi Divine et devrait être appliquée. Cependant, fait remarquer imam Aliou Ndao, elle ne devrait pas l’être si la population ne manifeste pas le souhait de son application. «Il n’y pas de contrainte en matière de religion. Nous avons appris de la religion que quiconque veut une application de sa religion, il n’a qu’à aller à sa recherche, le cas contraire, on doit le laisser avec son choix».
S’agissant d’une démarche de l’application de la Charia proche de celle d’Al Qaida, imam Ndao a signifié que Makhtar Diokhané ne s’est pas trompé en parlant ainsi. Mais il a tenu à préciser, toutefois, que la démarche de ce groupe terroriste est différente de sa vision. «J’ai dit aux enquêteurs que je suis un jihadiste pur et dur. J’aime le jihad que je connais, mais ce n’est pas le jihad comme le trouvent les occidentaux», s’est-il défendu, en réponse à la question du juge Samba Kane.
CHARGE ET DECHARGE DE L’IMAM ALIOU NDAO - Le procès orienté vers une guerre de vidéos
Des vidéos montrant des images de combats et de décapitations de l’Etat islamique ont été trouvées dans l’ordinateur de l’imam Aliou Ndao. Le juge Samba Kane a tenu à préciser, cependant, que les vidéos ne font pas parties du dossier, elles n’ont été diffusées que pour avoir l’avis de l’accusé sur leur détention. Le pré- venu a reconnu la paternité des vidéos, en précisant même qu’elles ne sont pas une trentaine comme mentionné dans l’ordonnance de renvoi, mais elles sont une centaine. En justifiant les vidéos, imam Aliou Ndao a dit qu’il est un chercheur intéressé par tout ce qui se passe dans le monde musulman et, audelà, le monde entier. Les images trouvées dans son ordinateur ne concernent uniquement pas des combats de l’Etat islamique, mais il détient des vidéos filmées dans plusieurs autres parties du globe. C’est un devoir de chercher à savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde car, selon imam Ndao, le Prophète (PSL) a dit a dit: «quiconque ne se soucis pas des problèmes des musulmans peut être exclus de cette religion». Il fait des recherches aussi pour l’histoire afin d’en tirer des connaissances, sur les questions de l’heure.
Imam Aliou Ndao a dit que ses recherches ne datent pas d’aujourd’hui car, il a commencé à s’intéresser aux questions qui sévissent dans le monde musulman depuis la guerre d’Afghanistan, en 1979. L’avocat de la défense, Me El Hadji Malick Bass, a dit n’avoir jamais eu connaissances de telles vidéos et que les éléments n’ont pas été mis à la disposition de la défense. Et Samba Kane de réfuter la déclaration de la robe noire, tout en estimant que toutes les vidéos ont été mises sous clé USB et remises à la défense. Pour Ay Ciré Ndiaye, il ne s’agit nullement de scellé au greffe et que toutes les vidéos ont été jointes au dossier. Revenant à la charge, la robe noire, après leur visualisation, a indiqué qu’un débat contradictoire n’était pas possible, le contenu étant en arabe. Le substitut du procureur, Aly Ciré Ndiaye a, quant à lui, interpellé imam Aliou Ndao sur des vidéos d’entrainements trouvés dans son ordinateur. Il note que c’est un processus de l’évolution des mouvements islamiques. En réplique, la défense a publié des videos à diffuser des videos d’imam Aliou Ndao faisant la plaidoirie d’un jihad pacifique. Dans ses questions, l’avocat Babacar Cissé a interrogé l’imam Ndao sur d’autres éléments de ses recherches. En ré- ponse à ces interrogations, imam Aliou Ndao a dit qu’il détient même des videos sur la franc-maçonnerie et, en temps que chercheur, il s’inté- resse à tout.