’Quelle humanité pour demain ?’’ C’est le sujet autour duquel se sont penchés divers experts hier, au cours d’une table ronde initiée dans la cadre de l’exposition sur la même thématique de l’artiste Abdoulaye Diallo. Elle s’est tenue dans un hôtel de Dakar.
La science n’exclut pas l’art. C’est dans cette perspective que l’artiste-peintre Abdoulaye Diallo a invité hier, dans un hôtel de la place, à une réflexion sur le devenir de l’humanité au moment où la science prend de plus en plus de place dans la vie de l’être humain. La table ronde a réuni d’éminents professeurs, des chercheurs, des scientifiques autour du thème : ‘’Quelle humanité pour demain ?’’ En effet, dans le cadre du ‘’off’’ de la 13ème édition de la biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’Art), ‘’Le berger de l’île de Ngor’’ expose certaines de ses œuvres à la bibliothèque de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’exposition est ouverte jusqu’au 2 juin et le vernissage est prévu le 5 mai.
En outre, pour le commissaire de l’exposition, l’éminent Pr Maguèye Kassé, s’interroger sur l’humanité à venir, à façonner sur des bases autres, revient à se poser des questions à la fois essentielles et existentielles. Pour ‘’Le berger de l’île de Ngor’’, la question qu’il faut se poser sur le devenir du monde est : ‘’Doit-on laisser les générations futures payer le coût de nos turpitudes ?’’ Dans le même sens, il serait pertinent de se demander s’il faut choisir de rester humains et de vivre en humains, s’il faut continuer à transférer une certaine intelligence ou connaissance aux machines ? Quatre forces commandent la terre, selon le peintre. Il s’agit de ‘’la mondialisation’’, ‘’la technologie’’, ‘’l’intelligence artificielle’’, ‘’le changement climatique’’. ‘’Ces quatre forces connaissent, du fait de la loi Moore, une croissance exponentielle et une accélération simultanée pendant que nous, humains, vivons dans un monde linéaire où temps, espace et vitesse sont sur des trajectoires linéaires’’, explique l’artiste.
Venu présider la cérémonie, le Pr Hamidou Kassé estime que cette nouvelle humanité, si on ne la pose pas comme possibilité, la vie ne vaudra rien. ‘’Pour vivre la vraie vie, il faut être dans le temps de l’espoir, de l’espérance, se dire qu’il est possible que l’humanité entre dans une nouvelle cité, voire une cité réconciliée avec elle-même. Cette cité de connivence, de confiance où nous pouvons vivre avec plus de liberté, de paix, de joie et de bonheur’’, a-t-il indiqué. A son avis, cela reste parfaitement possible. Car, a-t-il avancé, ‘’la puissance évocatrice et créatrice de l’art, c’est d’inviter l’être humain à cette possibilité. Egalement, les pousser à agir et à transformer ce qui se passe autour d’eux en un nouvel espace qui permet à chacun de vivre décemment et dignement’’.
‘’L’humanité est dans les mains des esclaves’’
Par ailleurs, pour le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop, Ibrahima Thioub, l’avenir de l’humanité est dans les mains des esclaves et non dans celles des maîtres. ‘’Si nous devons être des artistes avec l’imagination créatrice, comme disait Bachelard, nous serons capables de créer plus que des choses, des êtres. Nous serons capables de créer de la vie nouvelle et dans cette création, l’Afrique prend part, non parce qu’elle a plus fait que les autres, mais peut-être parce qu’elle a la responsabilité de voir naître l’homo sapiens-sapiens il y a 6 millions d’années’’.
Le recteur reste persuadé que si l’on veut construire une humanité pour demain, il faut une lutte contre toutes les certitudes et tous les esclavages puisqu’à son avis, il n’y a aucun système d'esclavage qui passe par la déshumanisation de l’humain. ‘’Seuls les esclaves peuvent se sauver et sauver les maîtres donc, l’avenir de l’humanité est dans les mains des esclaves. Ils sont capables de mettre en péril leur vie, de risquer leur vie et c’est en cela qu’ils ont gardé leur humanité et ont la capacité de servir. Cet avenir est dans chaque acte que nous posons’’, rappelle le recteur.
Pour M. Thioub, nul ne peut avoir la réponse présentement du devenir de l’humanité. Seulement, de l’avis du Pr, la seule certitude est qu’en la matière, il n’y a pas de fatalité. Notre humanité sera, selon M. Thioub, le résultat de leurs choix, de leurs combats contre les porteurs de projets mortifères qui n’ont cure du destin humain de leurs sociétés. Le Recteur indique que le risque d’autodestruction n’a jamais été aussi sérieux que maintenant. ‘’Il nous rappelle à nos responsabilités d’artistes, de femmes et d’hommes de culture ayant obligation de faire face, de s’engager à mobiliser toutes nos forces pour aller vers toujours plus d’humanité’’, a-t-il soutenu.