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Souleymane Téliko, président de l’UMS: ‘’Il y aurait un impact fort si le Président quittait le CSM’’
Publié le mardi 1 mai 2018  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par MC
Table ronde sur la situation de la Justice au Sénégal
Dakar, le 29 mars 2018 - Une table ronde sur: "La justice au Sénégal: état des lieux et réformes", s`est tenue à Dakar. Des juristes, des magistrats, des avocats et des acteurs de la société civile ont pris part à cette importante rencontre d`échanges. Photo: Souleymane Téliko, président de l’Ums
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Le débat sur l’indépendance de la justice a été agité samedi par l’Association nationale des chroniqueurs judiciaires (ANCJ) qui a organisé un panel, en collaboration avec la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH). Le président de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), Souleymane Téliko, réclame plus que jamais le départ de l’Exécutif du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), même si le secrétaire général dudit Conseil considère cette présence symbolique.

‘’L’indépendance de la Justice : Quelles réformes pour le Conseil supérieur de la magistrature et pour le Parquet ?’’ C’est le thème du panel organisé, samedi dernier, au siège de la Fondation Friedrich Ebert par l’Association nationale des chroniqueurs judiciaires (ANCJ), en collaboration avec la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH). Le premier sous-thème a été animé par le président de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), Souleymane Téliko qui, une fois de plus, a réclamé le départ de l’Exécutif du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Pour lui, c’est de cette manière qu’on arrivera à une indépendance effective de la justice.

D’ailleurs, à propos de cette indépendance, le magistrat a souligné que ce n’est pas une question corporatiste, mais une demande sociale. ‘’Quand on mène ce genre de débat, il y a toujours une tentative de récupération ou d’instrumentalisation. Il est important que nous sachions que ce n’est pas pour nous les magistrats. C’est d’abord une posture citoyenne. Pas une posture politique. Pour nous, c’est une demande citoyenne. Les magistrats ne sont ni les serviteurs ni les instruments de qui que ce soit. Il faut qu’on clarifie ce débat-là, sinon il peut y avoir des tentatives d’instrumentaliser d’un côté comme de l’autre’’, a précisé le président de l’UMS. Poursuivant, il a ajouté que le débat sur l’indépendance de la justice transcende tous les régimes. Et c’est pour jeter une pierre dans le jardin de l’opposition. Car, dit-il, ‘’ceux qui sont dans l’opposition ont une part de responsabilité, car ils n’ont rien fait lorsqu’ils étaient au pouvoir’’.

Ces précisions faites, M. Téliko de soutenir qu’il y a une nécessité de procéder à des réformes, mais surtout de comprendre la question de l’indépendance qui ne saurait se réduire à un problème de personne, mais plutôt d’institution. En d’autres termes, il estime qu’il faut se battre pour l’indépendance de la justice et non des magistrats. L’une des réformes souhaitées, c’est le fonctionnement du CSM pour que la gestion de la carrière des magistrats ne soit plus un enjeu de pouvoir.

D’après son argumentaire, lorsque l’Exécutif gère la carrière d’un magistrat, il peut y avoir un sentiment de redevabilité ou une sorte de soumission. Pour éviter cette situation ‘’préjudiciable à l’indépendance et au respect des droits et libertés des magistrats’’, le panéliste préconise la gestion de leur carrière par un organe indépendant. ‘’C’est important de faire de telle sorte qu’on change de paradigme pour que la gestion des carrières se fasse sur la base de la transparence et de l’objectivité’’, souligne-t-il tout en plaidant pour le modèle réformiste ou autonomiste. Avec celui-ci, explique-t-il, la présidence du CSM est assurée non pas par le Chef de l’Etat mais par une autre personnalité choisie de préférence par les membres du Conseil. C’est un modèle dans lequel on garantit la transparence.

99,9% des mesures prises n’intéressent pas le Président

Représentant le ministre de la Justice à cette rencontre, Mademba Guèye, secrétaire du CSM, a laissé entendre qu’il n’entend pas apporter la contradiction à son collègue. Parce que, dans l’actuel système, il y a toujours des personnes qui gardent leur indépendance ; et dans le système réformiste, des magistrats sont sanctionnés pour corruption. Mieux, il indique que la présence du président de la République en tant que chef du CSM est symbolique, car il ne connaît pas les magistrats. ‘’99,9% des mesures prises ne l’intéressent pas. Il n’interfère pas dans les débats. Lorsqu’un seul membre fait une objection, il demande qu’elle soit retenue. Cela s’est passé sous Wade et sous l’actuel Président’’, soutient M. Guèye. Mais pour son co-débatteur, cette présence ne donne pas une bonne perception, dans la mesure où c’est un pouvoir qui vient présider un autre. ‘’C’est un mauvais symbole et il y aura un impact fort, si le Président venait à quitter la présidence’’, a insisté Souleymane Téliko.

‘’Le principe d’inamovibilité n’a jamais été respecté depuis plus de 20 ans’’

Par ailleurs, le président de l’UMS a dénoncé le non-respect du principe de l’inamovibilité. Celui-ci interdit l’affectation d’un juge sans son consentement. ‘’C’est un principe constitutionnel, mais dans la mise en œuvre, on tient compte de la mobilité professionnelle, car lorsqu’on crée une juridiction, il faut qu’on y affecte quelqu’un, d’où l’argument de la nécessité de service’’, précise le juge. Toutefois, il se désole que l’argument de la nécessité de service, qui doit être une exception, soit érigée en règle. Parce que tout simplement la loi ne l’explicite pas et c’est l’autorité de nomination qui fait l’appréciation. C’est pourquoi l’UMS propose sa caractérisation, mais également, qu’il soit mis fin à la pratique de l’intérim. En fait, un magistrat est nommé intérimaire lorsqu’il est affecté à un emploi supérieur à son grade. ‘’Il perd le bénéfice de l’inamovibilité. Dans la pratique, on applique l’intérim à tous les magistrats, mêmes ceux qui ont le grade’’, fulmine M. Téliko tout en soulignant que cette pratique viole la Constitution.

Me Assane Dioma Ndiaye estime pour sa part que le lien ombilical entre le Parquet et l’Exécutif est un obstacle à l’indépendance de la Justice. Le président de la Lsdh, qui animait le second sous-thème, juge ‘’exorbitants’’ les pouvoirs du maître des poursuites et plaide pour leur réduction, afin d’éviter moins de placement sous mandat de dépôt. A ce propos, il préconise un certain nombre de réformes dans le sens de limiter les pouvoirs du Parquet, surtout par rapport au juge de fond. Car, avec le caractère suspensif de l’appel du Parquet, des justiciables sont obligés de rester en prison lorsqu’ils bénéficient d’une liberté provisoire ou sont libérés par une décision de jugement. Dans le même ordre d’idées, le défenseur des droits de l’Homme propose l’instauration de la comparution immédiate en matière de flagrant délit. Car, renseigne-t-il, ‘’avec la nouvelle carte judiciaire, il n’y a plus beaucoup de déferrements au TGI de Dakar’’. Pour les dossiers qui vont à l’instruction, Me Ndiaye milite pour l’institution d’un juge de la détention qui jugera de la nécessité ou non d’envoyer une personne en prison.

Toujours est-il que, selon Mademba Guèye, l’Etat a compris l’appel des magistrats et des acteurs de la justice. A ce propos, il a rappelé la mise sur pied par le Garde des Sceaux du comité de concertation sur les réformes. C’est pour répondre à la volonté du Chef de l’Etat qui, lors de l’audience solennelle de rentrée des Cours et tribunaux, disait être prêt à aller le plus loin possible. ‘’Pour l’heure, le comité a bouclé son rapport et il sera bientôt transmis au Président’’, révèle-t-il. A l’en croire, l’esprit de consensus a prévalu et à la surprise de tout le monde, les travaux sont allés très vite. ‘’C’est un signe d’espoir. On peut espérer qu’on va aller vers des réformes qui vont prendre en compte les préoccupations de la population et des acteurs de la justice’’, se réjouit-il.
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