La journaliste française Annie Thomas a salué, mardi à Paris, la mémoire du capitaine sénégalais Mbaye Diagne, un observateur militaire de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda tué à Kigali en 1994, alors qu’il sauvait des civils menacés par des génocidaires.
‘’Armé seulement de son courage et de son bagout, Mbaye Diagne a sauvé des dizaines de personnes, dont les enfants du Premier ministre assassiné. Il sera tué par un éclat d'obus le 31 mai, au désespoir des réfugiés de l'hôtel dont il était le héros. Et du mien’’, écrit-elle dans le blog de l’AFP consacré aux commémorations du 20ème anniversaire du génocide rwandais.
Thomas a couvert le génocide du Rwanda, quand elle était en poste à Nairobi. Plus tard, au début des années 2000, elle sera chef du bureau de l’Agence France-Presse (AFP) à Dakar. Actuellement, elle dirige le service des informations générales de l'AFP à Paris.
‘’Je n’ai jamais témoigné nulle part sur cette époque. Sauf très brièvement, en 2004, quand ma collègue Anne Chaon, elle-même sollicitée pour contribuer à une étude pour l’Institut de journalisme de l’Université d’Ottawa sur les médias durant le génocide, m’a appelée (j’étais alors en poste à Dakar). Elle explique, entre autres et en détails, à partir de quel moment et de quelle manière le terme +génocide+ est employé par les médias, AFP comprise’’, précise la journaliste française.
‘’Mark Doyle, journaliste de la BBC, apporte également dans cette étude un témoignage au plus près du terrain, objectif et sans concession sur notre travail à cette époque. Lui était là, un des rares à avoir bien connu le capitaine Diagne’’, souligne-t-elle.
Annie Thomas détaille le contact avec cet officier. ‘’Je suis seule devant l'hôtel (des milles Collines de Kigali) quand un officier belge vient se présenter comme la dernière opportunité pour nous de franchir les lignes et de rallier l'aéroport. (…). Je reste. (…) Jean Hélène est quelque part en ville, en reportage. Je le connais, je sais que lui restera aussi. Des occupants de l'hôtel semblent penser que notre présence bien dérisoire peut dissuader les miliciens de franchir la grille.’’
‘’Et il y a dans l'hôtel deux Casques bleus, un colonel malien et un capitaine sénégalais, Mbaye Diagne. Tant qu'ils sont là, je m'installe près de leurs chambres, au rez-de-chaussée, à l'abri des balles, je laisse ma porte ouverte, s'ils décrochent je décroche. S'ils pensent qu'il faut bouger, je bouge, mais là, tout de suite, je reste.’’
Pour sa part, Jean Hélène sera tué exactement dix ans plus tard, à Abidjan, le 21 octobre 2003, dans une période d’entêtement du régime de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, "à gagner, ou à gagner" pour rester de toute force au pouvoir. La mort du grand-reporter de RFI suscita l’émoi en Afrique et en France.