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Appel au dialogue du président de la République: L’opposition et la société civile parlent de supercherie
Publié le mardi 24 avril 2018  |  Enquête Plus
Présidentielle
© aDakar.com par SB
Présidentielle 2019 - L`opposition en rang de bataille
Dakar, le 6 mars 2018 - Les partis les plus représentatifs de l`opposition sénégalais ont fait face à la presse pour se prononcer sur le fichier électoral à moins d`un an de la présidentielle de 2019. L`opposition prévoit de tenir un sit-in devant le ministère de l`Intérieur, ce vendredi.
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Derrière l’appel au dialogue lancé par le président Macky Sall, après le vote de la loi sur le parrainage, l’opposition et la société décèlent une supercherie visant à légitimer une réforme déjà rejetée par le peuple.

Pouvoir et opposition jouent les prolongations de la bataille sur le parrainage. Et la main tendue du président de la République n’est pas pour arranger les choses. Au contraire, elle semble exacerber la tension née d’avant le vote de cette loi. En effet, de Paris où il se trouvait après le vote de la loi sur le parrainage, le président Macky Sall a invité l’opposition à un dialogue autour des modalités pratiques de cette nouvelle disposition introduite dans la Constitution sénégalaise. ‘’Toute personne qui veut la paix dans ce pays et qui se soucie de la vitalité de notre démocratie ne doit pas cautionner la prolifération des listes et des candidatures. Puisqu’on n’a pas encore voté le Code électoral, je réitère ma main tendue aux leaders de l’opposition. S’ils veulent des éclairages et des garanties sur cette loi, nous sommes ouverts pour le dialogue. Nos députés ont déjà fait un amendement en proposant une fourchette de 0.8 % minimum et 1 % au maximum. Nous pouvons discuter de toutes les questions liées à cette réforme’’, a déclaré le chef de l’Etat dans un ton euphorique et après avoir jubilé avec ses militants de l’Hexagone.

Processus mal engagé

Cette énième main tendue du chef de l’Etat fait l’objet d’un rejet global de l’opposition et même de la société civile sénégalaise. Même si, en soi, le secrétaire exécutif de la Plateforme des acteurs de la société civile pour la transparence des élections (Pacte) pense que cet appel n’est pas mauvais, il estime toutefois que cela risque de ne pas se traduire par une acceptation de la part des membres de l’opposition, de prendre part au dialogue, à partir du moment où le projet de révision constitutionnel a étalé ses tares jusqu’aux modalités du parrainage. Par conséquent, cet appel au dialogue n’a plus d’objet. ‘’Le champ du dialogue et de la concertation, en ce qui concerne le parrainage, est déjà verrouillé au niveau du projet de révision constitutionnelle. Cela signifie, à contrario, que si le projet de révision constitutionnelle s’était limité simplement au principe de la généralisation du parrainage, en laissant les modalités de son application au projet de révision du Code électoral, peut-être qu’à ce moment des discussions pourraient se faire. Encore que, pour l’opposition, il ne s’agit pas de discuter des modalités pratiques du parrainage tel qu’il est réglé dans le projet de révision constitutionnelle, mais plutôt des modalités de réalisation du système même de parrainage’’, analyse-t-il. Avant d’ajouter que ‘’l’approche est tellement différente que, telles que les choses sont parties, la question du dialogue et de la concertation sur les modalités du parrainage est assez mal engagée’’.

Supercherie politique

Au-delà des différences notées dans les approches des uns et des autres, l’ancien député, Me Abdoulaye Babou, pense que la main tendue du président Sall à l'opposition n'est pas sincère et relève de la supercherie. C’est d’ailleurs pourquoi le député Cheikh Bamba Dièye refuse d’accorder du crédit à ce qu’il considère comme une mascarade. ‘’Il faut qu’on soit sérieux avec nous-mêmes, avec notre pays et que nous soyons tous dans une dynamique de bien faire’’, fulmine le leader du Front pour socialisme et la démocratie/Benno Jubël. Selon lui, si le président de la République ne s’est pas gêné de poser des actes terriblement préjudiciables pour notre démocratie, de tuer la démocratie sénégalaise, de refuser le dialogue quand il était important’’, l’opposition ne doit pas s’embarrasser de ne pas répondre. ‘’Non seulement, il n’a pas voulu donner cours à ce dialogue avec les acteurs politiques, mais il n’a pas donné suite à la volonté de tous les facilitateurs qui sont intervenus dans ce processus pour que l’irréparable ne se produise pas’’, regrette-t-il amèrement.

Mépris des Sénégalais

Pour sa part, Pape Saër Guèye dénonce, à travers cet appel, un mépris des Sénégalais et de l’opposition. ‘’On n’a jamais vu quelqu’un demander à dialoguer, surtout un chef d’Etat, autour d’articles du Code électoral. Ça, c’est du jamais vu’’, s’exclame le responsable du Parti démocratique sénégalais (Pds). Selon lui, le dialogue auquel appelle le président de la République est inédit, dans l’histoire politique du pays. ‘’On discute du processus électoral, des questions majeures comme la Constitution, mais non des articles du Code électoral’’, rumine l’ancien ambassadeur, qui déplore ainsi l’attitude du président de la République. ‘’Il a fait un forcing, empêché les députés de discuter, la mission que leur a confiée le peuple souverainement, aux citoyens de se rendre à l’Assemblée nationale et même dans les quartiers, donné des instructions pour que le peuple soit matraqué. Il est ensuite sorti du pays pour se cacher à Paris. Après toutes ces forfaitures, prétendre appeler au dialogue, c’est un mépris de la classe politique et de l’esprit démocratique’’, fustige-t-il.

Le dialogue comme alibi pour valider le parrainage

Une telle attitude du chef de l’Etat, selon le député non-inscrit Cheikh Bamba Dièye, doit amener les Sénégalais à savoir à qui ils ont affaire. ‘’Nous avons affaire à quelqu’un qui, quand il a une envie de faire quelque chose, appelle à un dialogue hypocrite. Il pose le dialogue comme alibi pour valider ses actes antidémocratiques qui ne sont pas conformes avec l’esprit et l’idéal républicain et démocratique pour lequel nous sommes tous là’’, dénonce l’ancien maire de Saint-Louis.

Ce qui amène Pape Saër Guèye à soutenir qu’il n’y a pas place au dialogue dans le contexte actuel du pays. ‘’Pour nous, il a fait faire à des députés ce qu’il voulait faire. Le dialogue, c’est l’écoute, un processus permanent qui prend son temps, qui donne la possibilité à toutes les parties prenantes d’épuiser leurs argumentaires dans les réunions préparatoires et dans les commissions techniques. Mais on ne peut pas toucher à la Constitution dans ces conditions et demander un dialogue. C’est une mascarade démocratique à laquelle appelle le président de la République’’, estime-t-il.

Devant les calculs politiques et autres stratagèmes du régime pour légitimer sa réforme constitutionnelle, Cheikh Bamba Dièye appelle l’opposition, dans son ensemble, à prendre ses responsabilités et à en tirer toutes les conséquences. ‘’Tous ces articles qui doivent valider une propension, une volonté à dialoguer avec quelqu’un n’existent pas avec Macky Sall. C’est cela le problème de fond et ça, il faut que tous les Sénégalais le comprennent et que tous ensemble, la seule motivation que nous devons avoir, c’est comment se débarrasser de cette plaie qui est en train de tuer notre démocratie’’, déclare-t-il.

Pour ce faire, Pape Saër Guèye appelle à la mise en place d’un plan d’action commun. ‘’L’opposition n’a qu’à s’orienter vers la mise en place d’un plan d’action. J’interpelle toutes les parties prenantes du processus démocratique, les partis politiques, la société civile, les leaders d’opinion, les forces démocratiques et les partenaires du Sénégal, pour qu’on arrête cette tyrannie et cette dictature qui ne passera pas’’, argue-t-il.
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