L’inflation des partis politiques prend des proportions inquiétantes au Sénégal. Chiffrés à 299 en 2018, pour une population évaluée à près de 15 millions d’habitants, les formations politiques ne cessent d’émerger à l’approche de la présidentielle. Pour cause, pleinement entré dans les mœurs en 1981, sous Abdou Diouf, le multipartisme qui connait des piques sous les deux dernières alternances crée désordre, si on se réfère aux différentes élections organisées depuis 2014. Seulement, contrairement à Senghor et Diouf, les présidents Wade et Sall n’ont pas levé le plus petit doigt pour endiguer le fléau.
L’échiquier politique national ne cesse de s’agrandir au jour le jour, avec la création tous azimuts de partis politiques. A l’approche de la prochaine présidentielle, les formations politiques poussent comme des champignons. En atteste la mise sur pied des “Forces Démocratiques du Sénégal“ (Fds), ex- “Jeunesse pour la Démocratie et le Socialisme“ (Jds) dirigée par Babacar Diop. Bien avant cet ancien jeune du Parti socialiste (Ps), c’est Me Mamadou Makalou, ancien ministre de la Culture sous l’ère Wade avec “Union sénégalaise pour la démocratie“ (Usd), ou encore l’ancien ministre de la Communication de Wade, Moustapha Guirassy avec “Sénégalais unis pour le développement“ (Sud) en novembre 2017, qui ont lancé leur parti. Sans être exhaustif, il faut aussi inscrire dans ce lot le nouveau parti de Me Abdoulaye Tine, avocat au barreau de Paris, dénommé “l’Union sociale et libérale“ (Usl), sans oublier celui de l’ancien N°2 de Rewmi, Oumar Sarr, notamment le “Parti Africain pour la Renaissance libérale“ (Parel), en mars dernier.
Cette foultitude de nouvelles formations vient s’ajouter à la liste déjà excessive des partis politiques au Sénégal. En effet, le nombre de partis politiques au Sénégal est estimé à 299 à ce jour, pour un pays qui compte plus de 14 millions d’habitants et un fichier électoral de seulement 6 millions de personnes. Instauré en 1974, par le président Léopold Sédar Senghor, le multipartisme a connu un essor fulgurant sous l’ère Diouf. En héritant de 3 partis laissés par Senghor (1960-1980), Abdou Diouf donnera des récépissés à 41 autres formations politiques. Son successeur, Abdoulaye Wade, accélère la distribution des récépissés dès son accession à la magistrature suprême, en 2000. A lui seul, Wade en légalisera au total 143, de 2000 à 2012. Ne faisant pas moins que son prédécesseur, sinon même plus, le président Macky Sall en octroie 111 nouveaux en seulement 6 ans de règne.
Ainsi donc, contrairement à leurs prédécesseurs qui ont, tant soit peu, essayé d’endiguer ce fléau, notamment avec la limitation des courants de partis en 3, à savoir le socialisme démocratique, le libéralisme démocratique, un courant marxiste-léniniste avec Senghor, ou le filtre de la caution exigée aux candidats par Diouf, les présidents Wade et Sall semblent n’avoir rien fait pour stopper l’hémorragie. Durant ces deux alternances, 2000 et 2012, rien n’a canalisé ce mouvement, tellement la création d’un parti politique est aisée pour tout citoyen jouissant de ses droits civiques et politiques. C’est dans ce contexte qu’est d’ailleurs agitée la question du parrainage qui a fini d’installer un malaise au sein de la sphère politique. Un réveil qui, selon les défenseurs dudit système, a été suscité par la pléthore de listes, 47 au total, notée lors des élections législatives dernières.
QUE DE PARTIS HORS LA LOI !
La création d’un parti politique semble aisée au Sénégal, tellement ces derniers pullulent depuis la première alternance. Dénombrés à 299 à ce jour, nombre de formations politiques ne respectent pas la loi n°89-36 du 12 octobre 1989 modifiant celle n°81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques.
Quels sont les partis politiques au Sénégal qui se conforment à la règlementation en vigueur ? Le moins que l’on puisse dire est que ces derniers poussent comme des champignons, même si le multipartisme est consacré dans la réforme constitutionnelle de 24 avril 1981. Le hic est que la plupart de ces formations politiques ne disposent même pas d’adresse réelle, encore moins de siège, voire de ressources à même de survivre dans le champ politique. Qui plus est, ce sont des partis qui ne tiennent jamais congrès. La preuve, lors de son premier face-à-face avec les acteurs politiques, en novembre 2017, le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, avait fait cas des problèmes que ses services ont rencontrés pour distribuer les convocations à prendre part au dialogue politique. Ce qui est sûr et certain, sur les 299 partis politiques que compte le pays à ce jour, peu de formations sont «légalistes» devant une pléthore de hors-la-loi. La majeure partie des formations politiques ne dépose pas de bilan financier à la fin de l’année. Ce qui aurait donné la possibilité aux autorités actuelles de dissoudre administrativement certains partis, comme le prévoit la loi.