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Encourant une peine de 2 ans: Barthélemy Dias souhaite rester en prison
Publié le lundi 9 avril 2018  |  Enquête Plus
Barthélemy
© Autre presse par DR
Barthélemy Dias
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Le parquet a requis vendredi une peine de 2 ans ferme contre Barthélemy Dias. Le maire de Mermoz - Sacré-Cœur est poursuivi pour provocation directe à un attroupement non armé, outrage à magistrat et discrédit sur une décision juridictionnelle. Ses avocats ont plaidé la relaxe, mais le fils de Jean-Paul Dias a émis le souhait de rester en prison, à côté de Khalifa Sall.

Ses avocats et ses proches veulent le voir en liberté. Mais Barthélemy Dias a surpris son monde hier, en criant à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar son souhait de rester en prison. Le maire de Mermoz - Sacré-Cœur était jugé pour provocation directe à un attroupement non armé, outrage à des magistrats de l’ordre judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions et discrédit sur une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance. Il est arrêté, depuis le vendredi 30 mars, dans les locaux du site de ‘’Dakaractu’’ où il réagissait sur la condamnation de Khalifa Sall.

Barthélemy Dias, jugeant ‘’injustes’’ les 5 ans infligés au maire de Dakar, a taxé les magistrats de ‘’prostitués’’ et d’‘’hypocrites’’. Hier, à la barre, il a assumé pleinement ses propos. Tout de blanc vêtu, affichant une mine joyeuse, il se dit innocent, mais ne veut laisser Khalifa Sall seul en prison. ‘’Je ne reconnais pas les faits et je suis là pour des raisons politiques, mais je ne souhaite pas rentrer à la maison. Parce que je considère que l'homme qui est devant vous est un acteur politique. Je veux rester auprès de mon grand frère’’, a-t-il déclaré à l’entame de l’instruction d’audience. Poursuivant, il a ajouté avec insistance : ‘’Je ne peux pas laisser Khalifa Sall tout seul là-bas, alors que je suis à l'origine de son ambition présidentielle. Donc, je préfère faire don de ma liberté et je vais lancer le mouvement ‘Khalifa en prison’. Parce que si Khalifa Sall reste en prison, nous allons tous en prison.’’

Ces précisions faites, l’ex-député a clamé son innocence. ‘’Je n'ai jamais jeté de discrédit sur une décision juridictionnelle. C'est une décision injuste qui a jeté le discrédit sur la justice’’, s’est défendu Barthélemy Dias. Il a évoqué son statut d’homme politique qui lui confère le droit de s’exprimer à travers la Constitution. ‘’Je considère que le verdict est injuste. Certains ont réagi en pleurant, d’autres se sont évanouis, mais moi, j’ai utilisé l'image en décriant un comportement, mais je n'ai pas cité de noms de magistrats’’, a déclaré le prévenu.

Toutefois, il a reconnu avoir choqué la conscience des Sénégalais, mais il s’en est excusé, non sans préciser sa pensée. ‘’Certains ont été choqués par le mot ‘prostitution’ qui est une profession légale au Sénégal. Elle aussi est utilisée en politique pour désigner un transhumant. Elle peut être intellectuelle, mais tout magistrat respectueux ne saurait se reconnaître dans mes propos’’, a-t-il soutenu.

‘’Je m’adressais à une certaine haute magistrature’’

Il a également contesté le délit d’outrage, en soutenant que ses propos sont destinés à une certaine ‘’haute magistrature qui refuse même de partir à la retraite’’. ‘’J'ai parlé d'une certaine magistrature. Je considère qu'elle s’est aplatie, car un procès politique ne doit pas être une généralité dans un pays. Tout le monde va en prison, sauf cette haute magistrature. Moi, je refuse de me taire, car cette justice partiale doit cesser’’, a martelé un Barthélemy Dias toute hargne dehors et à la fois taquin.

Par ailleurs, il estime que, s’il doit être arrêté pour avoir commenté cette décision ‘’injuste et lâche’’, tous les Sénégalais doivent l'être, car ils l’ont rejetée.

C’est pourquoi, a-t-il répondu au substitut du procureur, ‘’j’ai dit que ‘verdict bi tekiwoul dara’ (la décision ne vaut rien)’’. Pour finir, le fils de Barthélemy Dias estime qu’il est poursuivi pour avoir dit ce que le magistrat démissionnaire Ibrahima Hamidou Dème et l’Union des magistrats sénégalais (Ums) ont dit dans une autre forme. Il ne comprend pas non plus que le député Moustapha Cissé Lô et le ministre Moustapha Diop aient dit pire sans qu’ils soient inquiétés.

Par rapport au délit de provocation directe à un attroupement non armé, le responsable socialiste a rétorqué qu’il n’a jamais fait d’appel insurrectionnel, car il n’enverrait pas ses propres enfants dans la rue, encore moins des citoyens. Son appel, ce n’est pas pour renverser le pouvoir, mais pour faire reculer un régime qui empêche aux exilés de rentrer, qui refuse tout dialogue avec l’opposition et emprisonne ses adversaires politiques qui veulent être candidats à la présidentielle.

Le parquetier : ‘’Notre honneur et notre dignité ont été largement bafoués’’

Mais le substitut du procureur Lamine Cissé pense le contraire et s’est réjoui que l’appel de Barthélemy Dias ne soit pas suivi d’effet, car il y aurait des dérives. Pour ce représentant du parquet, le prévenu a jeté le discrédit en qualifiant le délibéré de ‘’semblant décision de justice’’. L’outrage, a-t-il dit, ‘’c'est une expression grossière, insolente, adressée à des fonctionnaires’’. De ce point de vue, il considère qu’il ne peut y avoir d'incertitude, voire d'amalgame que c'est toute une corporation qui a été visée. ‘’Notre honneur et notre dignité ont été largement bafoués, même si on ne cite personne’’, s’est indigné le maitre des poursuites qui dit s’être senti outragé. Avant de lancer au tribunal : ‘’Il vous facilite la tâche, en vous disant que son souhait est de rejoindre son grand frère Khalifa Sall plutôt en prison. On ne peut pas être plus royaliste que le roi. Si tant est que la justice a été bafouée dans sa dignité, il nous appartient de la redorer.’’ Aussi, pour la répression, il a requis 2 ans ferme.

Cette peine requise est jugée non fondée par Me Ousseynou Fall qui a dénoncé une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. C’est pourquoi Me Amadou Aly Kane a demandé la relaxe pure et simple, car il estime que les charges ne sont pas articulées. ‘’Ce n'est pas interdit de critiquer une décision. Une critique technique est de l'apanage des professionnels du droit. Or lui, c’est un politique’’, a-t-il plaidé. Me Alioune Cissé et Issa Diop ont abondé dans le même sens, arguant qu’une décision de justice est faite pour être commentée. Concernant l’outrage, Me Kane a indiqué que pour qu’il soit établi, il faut que la personne outragée soit en connaissance de cette infraction. Mieux, il considère que la justice a mieux à faire que de s'occuper des détails, notamment des déclarations des hommes politiques.

Me Sall : ‘’Macky Sall a dit pire’’

D’ailleurs, à propos de déclaration, Me El Hadj Amadou Sall a soutenu que le président Macky Sall a dit pire, lorsqu’il était candidat à la présidentielle de 2012, mais n’avait été poursuivi par le régime de Wade. ‘’Il a fait appel à l'armée nationale pour déloger un président légalement élu’’, rappelle le ministre de la Justice sous Wade. Aussi a-t-il dénoncé la manière dont Barthélemy Dias a été arrêté. ‘’On a envoyé une patrouille avec le Gign et l'Unité de lutte contre la cybercriminalité, alors qu'une simple convocation aurait suffi’’, s’est-il désolé. Il a aussi fustigé la démarche ‘’déloyale’’ du parquet qui, dit-il, a extirpé les journalistes et enlevé le délit d'offense au chef de l’Etat pour mettre les magistrats seuls face au peuple. Sur sa lancée, il a laissé entendre que l'attroupement n'est constitutif d'un délit que si les conditions sont réunies. Car, en l’espèce, c'est un appel général indéfini.

Me El Mamadou Ndiaye pense qu’en réalité, les délits d’opinion sont en train d’être restaurés. Il a souligné que leur client n’a pas désigné nommément de magistrats, mais il s'est plutôt adressé à des magistrats pour dénoncer le comportement de l'Exécutif. Il s’y ajoute que le Code pénal sénégalais parle de délit d’outrage à magistrat et non à la magistrature. Encore que Me El Hadj Diouf est convaincu de l’inexistence de ce délit. Pour lui, les juges doivent être reconnaissants envers Barthélemy Dias, puisqu’il voulait leur rendre service en leur ouvrant les yeux. ‘’Barthélemy, en tant que patriote sincère, invite à la prise de responsabilité, comme l’ont fait l’ex-substitut Dème et le juge Teliko’’, a-t-il soutenu, tout en déclarant que le responsable politique est victime de la dictature du président Sall. ‘’Quiconque lorgne le fauteuil du président va être arrêté par le procureur pour être condamné à 2 ans ou 6 ans. Mais le seul juge Allah va décider’’, a fulminé le conseil.

Quoi qu’il en soit, Me Demba Ciré Bathily considère qu’il est temps que le prétoire ne soit plus le lieu de règlement de comptes politiques. ‘’Les comptes politiques doivent se régler dans l’espace politique’’, a-t-il asséné. ‘’Ne soyez pas les dindons de la farce d’un régime autoritaire, d’un régime terroriste. Vous avez le devoir de restaurer l’ordre en disant le droit, car vous êtes le dernier rempart’’, a abondé Me Fall pour sa part.

FATOU SY
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