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El Hadj Amadou Sall (membre du Comité directeur du Pds): ‘’Nous sommes déjà prêts à tous les sacrifices’’
Publié le mercredi 28 mars 2018  |  Enquête Plus
L`avocat
© aDakar.com par DR
L`avocat de Karim Wade, Me Amadou Sall, poursuivi pour offense au chef de l`État
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Maitre El Hadj Amadou Sall ne lâche pas prise. Malgré l’opiniâtreté de l’adversaire, il maintient son verbe. Fervent défenseur de la cause du ‘’Sopi’’, il reste convaincu que l’étoile libérale, tôt ou tard, scintillera à nouveau sous le ciel bleu de l’avenue Léopold Sédar Senghor. Dans cet entretien avec ‘’EnQuête’’, il revient sur les sujets brûlants de l’actualité. Indépendance de la justice, affaire Karim Wade, parrainage, transhumance… Tout y passe.

Après 6 ans au pouvoir, le chef de l'Etat se dit satisfait de son bilan. Quel commentaire en faites-vous ?

Monsieur Macky Sall se satisfait de si peu. On peut dire qu’il a ‘’les yeux trop petits’’ ! Comment peut-il être satisfait, alors que un million de tonnes d’arachide ne trouvent preneurs, plongeant le monde rural dans l’effroi et les menaces de famine ? Comment peut-il être satisfait alors que nos enfants ne vont plus en classe ? Comment peut-il être satisfait alors que la santé des populations est si précaire ? Non, il ne doit pas être satisfait. Les Sénégalais, en tout cas, ne le sont pas. Ces sorties (celles du président et du Premier ministre, Ndlr) sont marquées par la peur et la volonté de cacher leur décision d’organiser la triche pour s’assurer un improbable second mandat.

Vous parlez de l'élection présidentielle. Avec le recul, ne pensez-vous pas que vous avez fait une erreur en boycottant les concertations sur le processus électoral ?

Une partie de l’opposition avait décidé de discuter avec le pouvoir. Qu’est-ce que cela a donné, sinon la reconnaissance de la mauvaise foi du pouvoir. Avec le recul, tout le monde aura constaté que Macky Sall avait déjà pris les décisions scandaleuses de modification du processus électoral pour s’assurer un improbable second mandat. On n’a donc commis aucune erreur et il ne nous reste qu’à engager le combat politique avec Macky Sall qui est prêt à accomplir tout forfait lui permettant de se maintenir illégalement au pouvoir.

Parmi les mesures issues de ces concertations, laquelle vous dérange le plus ? Le parrainage, le cautionnement ou autre chose ?

Depuis 1992, le processus électoral procède d’un consensus obtenu entre les acteurs politiques, avec la facilitation de la société civile et de nos partenaires étrangers. Ce processus électoral a permis l’élection de trois présidents de la République, tous félicités par leurs adversaires vaincus qui ont reconnu leur défaite. Macky Sall a rompu ce consensus unilatéralement et depuis, il n’organise que des élections contestées et frauduleuses. Au demeurant, les observateurs de l’Union européenne comme les observateurs de l’Union africaine sont unanimes pour reconnaître que les dernières élections législatives ont été particulièrement chaotiques. Dans ces conditions, nous ne nous retrouvons dans aucune des mesures prises par Macky Sall. Nous lui demandons de cesser les tripatouillages, signe de tricherie, et de revenir à une gestion apaisée et consensuelle du processus électoral. Il ne peut pas être ‘’en deçà’’ de Diouf et de Wade.

Avec le parrainage, ne risque-t-on pas le scénario Youssou Ndour et Kéba Keinde, dont les candidatures ont été rejetées en 2012 pour signatures irrégulières ?

Avec le parrainage, on risque surtout l’invalidation des candidats qui gênent, puisqu’il est toujours possible de payer des gens pour qu’ils parrainent plusieurs candidats en même temps pour entraîner leur invalidation. Nous soupçonnons Macky Sall de préparer ce scénario, après qu’il aura été aidé par la justice pour éliminer d’autres adversaires. Il veut, en réalité, choisir personnellement les candidats qu’il veut affronter en 2019.

Malgré vos récriminations, la proposition est validée par le chef de l'Etat. Quelle leçon faut-il en tirer ?

Si Macky Sall persiste, nous l’installerons dans la tourmente et sommes déjà prêts à tous les sacrifices pour que la prochaine présidentielle se déroule dans la transparence et la paix.

Ces derniers temps, il a beaucoup été question de l'indépendance de la justice. L'Ums avait organisé un colloque dans ce sens. A votre avis, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour avoir une justice exemplaire, au-dessus de tout soupçon ?

Une justice au-dessus de tout soupçon est une justice avec des hommes intègres, capables d’assumer leur indépendance. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures. S’il y a une justice soumise au pouvoir politique, c’est d’abord parce qu’il y a des juges qui n’assument pas leur indépendance et qui acceptent d’obéir au pouvoir politique et au pouvoir de l’argent. Maintenant, il est vrai qu’il y a l’importante question du statut et de la gestion des carrières des juges. Mais cette question, toute importante qu’elle est, ne suffit pas pour expliquer la soumission de certains juges au pouvoir politique. J’ai un profond respect pour ces juges qui exercent leur métier comme un sacerdoce et dont la réputation est ternie par ceux parmi leur corporation qui ont succombé aux sirènes du pouvoir politique.

N'est-ce pas trop facile de critiquer le régime ? Pour l'élection à venir, est-ce que le Pds, votre candidat, a réfléchi sur un vrai programme de société ? Au cas échéant, quels en sont les grands axes ?

Je n’imagine pas un seul Sénégalais émettre le moindre doute sur le projet de société de notre parti qui a une vision et un programme libéral dont l’exécution a été arrêtée en 2012 et que Macky Sall tente maladroitement de continuer en faisant preuve d’une incompétence reconnue et dénoncée par tous. Notre candidat fera son offre politique en s’appropriant le programme du Pds et y ajouter sa touche personnelle.

Justement, certains candidats se battent en ce moment sur le terrain. Le vôtre le fait depuis le Qatar au moyen de communiqués de presse. Pensez-vous que c'est suffisant pour conquérir le suffrage des Sénégalais ?

Nous sommes le premier parti de ce pays et nous sommes présents sur le terrain. Nous faisons notre travail en profondeur et au quotidien. Nous avons déjà fait trois tournées nationales et entamerons la quatrième dès la semaine prochaine. Nous faisons ce que nous faisons sans bruit.

Que pensez-vous du débat autour de la validité de la candidature de Karim Wade ? Il y en a qui estiment que, puisqu'il ne peut s'inscrire sur les listes électorales, il ne saurait être candidat.

Karim est le candidat de notre parti, désigné par un congrès. Il défendra nos couleurs et j’ajoute qu’il remplit toutes les conditions prévues par la Constitution. Rien, ni personne ne pourra porter atteinte à la liberté des Sénégalais de choisir leur président de la République. Que Macky Sall et tous ceux qui seront tentés de lui apporter une assistance judiciaire illégale le comprennent et prennent leur responsabilité en se soumettant à la loi. S’ils ne le font pas, on les y soumettra par tous les moyens de notre loi fondamentale, y compris la résistance et le soulèvement contre l’oppression.

Pour ce faire, il doit être au Sénégal. Pouvez-vous nous dire à quelle période il compte rentrer ?

Karim Wade sera de retour pour porter nos couleurs. Le moment venu, nous informerons les Sénégalais qui, majoritairement, n’attendent que cela pour faire exploser leur joie et manifester leur espérance en des lendemains meilleurs.

De quoi a-t-il peur ?

Qui vous a dit qu’il a peur de rentrer au pays ? Nous déciderons, avec lui, du moment où il sera là et nous déroulerons notre calendrier en fonction de nos objectifs et non en fonction des critiques ou de la peur de certains.

La justice française a récemment rendu une décision en votre faveur, dans le cadre de la traque contre les biens de Karim Wade. Quelle lecture en faites-vous ?

La justice française ne reconnaît pas l’infraction d’enrichissement illicite telle qu’elle est appliquée au Sénégal. Au fond comme en la procédure, la façon dont Karim `Wade a été jugé au Sénégal ne correspond pas au droit français et heurte l’ordre public français. C’est pourquoi les juges français ont décidé qu’ils ne peuvent ordonner la saisie des biens de Karim Wade ou de Bibo Bourgi sur la base de la décision de la Crei. Je rappelle que c’est Macky Sall qui a demandé la saisie des biens de Karim Wade en France.

Pour certains avocats de l'Etat, cette décision ne remet pas en cause le jugement de la Crei. Elle traduit simplement que dans la mise en œuvre de la convention de Merida, le Sénégal est en avance sur la France…

Si la décision rendue par la justice française ne remet pas en cause l’arrêt de la Crei, il n’en demeure pas moins vrai que l’arrêt de la Crei va manquer de portée au plan international, puisqu’il est frappé du sceau du soupçon et du manque de légitimité. La justice française confirme ce que nous avons toujours soutenu : l’utilisation illégitime et illégale par Macky Sall d’une justice aux ordres pour un règlement de compte politique.

Certains s'interrogent également sur les raisons qui empêchent M. Wade de se rendre en France où se trouvent pourtant ses filles. Le confirmez-vous ? Au cas échéant, quels sont les obstacles qui s'opposent à son retour dans ce pays ?

Je ne réponds pas à des spéculations sur les relations personnelles et familiales de Karim Wade.

Au Qatar depuis 2016, est-ce qu'il dispose même de titres pour voyager ?

J’ai déjà dit plusieurs fois qu’un passeport lui a été confectionné par les services techniques du ministère des Affaires étrangères qui se sont déplacés jusqu’à la prison pendant qu’il y était encore.

Quelle différence y a-t-il entre les présidents Sall et Wade dans le domaine de la lutte contre la corruption ?

Sous la présidence Wade, les marchés publics étaient sévèrement règlementés et, à partir d’un certain montant, étaient soumis au contrôle de l’institution chargée de réguler et de contrôler les marchés publics. Sous la présidence Sall, les plus gros marchés sont exclus du contrôle de l’Armp. Il en est ainsi notamment de la route Ila-Touba, du Ter et du marché des lampadaires solaires. Je signale que le marché du Ter est de l’ordre de 500 milliards de francs, comme d’ailleurs le marché Ila-Touba. Ceux qui, comme moi, sont sceptiques de nature peuvent soupçonner une gestion à ‘’main longue et cachée’’.

L'école sénégalaise traverse une crise profonde. A la veille de l’élection de 2012, vous aviez vécu une situation quasi similaire, voire pire, avec le blocage de tout le système éducatif. Que vous inspire le retour du blocage à la veille du scrutin de 2019 ?

Votre comparaison est excessive et injuste. Dans tous les cas, je note que les revendications des enseignants portent presque exclusivement sur le respect des engagements du gouvernement. Un gouvernement qui viole sa propre signature ne mérite pas la confiance des citoyens. Cela veut dire que les promesses de Macky Sall n’engagent que ceux qui y croient.

Depuis votre perte du pouvoir en 2012, ils sont nombreux les responsables qui ont quitté le parti. Lequel des départs vous a le plus surpris ? Et comment comptez-vous pallier ces défections ?

L’histoire du Pds est jalonnée par des départs, parfois inattendus et surprenants. Notre parti a toujours su rebondir après tant de crises qui l’ont secoué. En définitive, je peux dire que ce ne sont pas les leaders qui supportent le parti. Ce sont ses militants, toujours plus nombreux, qui entretiennent la sève nourricière et qui permettent au Pds d’être toujours debout.

L'actualité, c'est aussi les enlèvements et assassinats d’enfants. En tant qu'ancien Garde des Sceaux, quel commentaire cela vous inspire ?

Je veux bien être rassuré par les propos et les engagements du commissaire Abdoulaye Diop et de l’inspecteur général Oumar Maal, mais la persistance du phénomène me laisse toujours inquiet. Les Sénégalais sont, avec moi, tout aussi inquiets. Le président de la République semble n’avoir parlé que sous le coup de l’émotion sans proposer des solutions crédibles. Pourtant, les forces de sécurité, spécialisées dans le jalonnement pour les déplacements du président et dans la répression aveugle des manifestations de l’opposition, auraient pu être utilisées pour sécuriser les quartiers et rassurer les pères et mères d’enfants si vulnérables. C’est une des propositions que j’attendais du président et de tous ceux qui sont chargés de la sécurité publique.

Pensez-vous, à l’instar de certains, que cette recrudescence du phénomène est liée à l'approche de la présidentielle ?

D’aucuns le pensent. Certains incriminent des actes de sorcellerie. Pour ce qui me concerne, ma conception de la religion et des phénomènes naturels m’interdit de penser de cette façon.

Quel bilan tirez-vous du meeting de l'Ied jeudi dernier à Pikine ?

Le meeting de Pikine-Guédiawaye nous a donné beaucoup de satisfaction et a répondu à nos attentes. Ce n’est qu’un début et bientôt les Sénégalais, en nombre, manifesteront contre Macky Sall leur désir de démocratie et leur désapprobation d’une politique qui ne favorise que la famille, les amis et le clan.
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