«Le meurtre des enfants est une situation que la conscience humaine ne peut pas admettre. Au niveau de la religion, l’Islam avait prévu cette situation depuis très longtemps. Dans le Coran, Dieu se demande pourquoi on tue les enfants ? Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Quel péché ont-ils commis pour être ainsi sacrifiés ? Dieu a aussi dit dans le Coran: «... Tu ne connais pas quelle utilité l’enfant pourrait avoir pour la société. Qu’est-ce qu’il va devenir ?».
Selon imam Pape Kane de la grande mosquée des HLMs, «Dieu s’est aussi interrogé sur le pourquoi de ces actes. Qu’est-ce qui peut pousser les hommes à sacrifier des enfants ? A couper la relation de ce dernier avec le monde pour des besoins personnels, pour des vœux dont tu ne sais pas si elles vont se réaliser ou pas ? Dieu s’est posé cette question de nombreuses fois dans le Coran.» Et de poursuivre: «là, l’être humain a commis de graves péchés que Dieu a eu à lui pardonner».
Mais, pour ces cas d’enfants tués l’Islam condamne fermement. De l’avis d’oustaz Kane, dans le Coran Dieu dit à l’endroit de ces commanditaires de meurtre que le châtiment qui les attend est incommensurable. «Vous recevrez un châtiment que vous-mêmes vous n’imaginerez jamais». C’est pour dire, en l’en croire, que tout acte allant dans le sens d’ôter la vie de quelqu’un (sans aucun fondement légal) est sévèrement puni par Dieu. Cependant la lecture que fait oustaz Kane de ces événements est la suivante: «il reste aujourd’hui que ces gens qui le font ne pensent qu’à acheter le paradis sur terre et avec n’importe quel moyen, sans se soucier du lendemain. S’ils doivent tuer, ils le font, s’ils doivent couper un membre de la personne, ils le feront parce que leur seul objectif, c’est leur existence sur terre, tout en oubliant qu’il y a une vie à l’au-delà. C’est un phénomène devenu récurrent qu’il faut combattre».
MONSEIGNEUR BENJAMIN NDIAYE, ARCHEVEQUE DE DAKAR : «Rien ne peut justifier ces actes»
Dans la Bible, Dieu dit à travers les dix commandements: «tu ne tueras point». Aujourd’hui, le constat est tout autre sur le terrain. Au Sénégal, les meurtres, surtout des enfants, hantent le sommeil des parents. Monseigneur Benjamin Ndiaye, archevêque de Dakar, lors de la célébration des Journées mondiales de la Jeunesse catholique , à MBodiène, a condamné fermement les rapts d’enfants, les sacrifices rituels. Selon son Eminence, aucune ambition politique ou des appétits de richesses ne sauraient les justifier. Son Eminence a ainsi exhorté les fidèles au changement de comportements et au retour à Dieu. D’autres voix de l’Eglise catholique ont aussi versé dans la condamnation. Ainsi, au-delà de la Bible qui est très claire sur la vie humaine à savoir : «seul Dieu a le droit de prendre la vie», l’Eglise appelle les parents à la vigilance.
SERIGNE MOR MBAYE, PSYCHOLOGUE, SUR L’ENLEVEMENT D’ENFANTS : «La responsabilité de l’Etat est entière dans cette affaire»
«Je pense que nous sommes dans un contexte d’une société en crises économique, sociale, culturelle. Les filets de protection à l’endroit des enfants sont complètement effrités. Les enfants, la majeure partie de notre société, c’est sur eux que normalement nous devrons compter pour élaborer notre structure. Mais, aujourd’hui, on dirait que les enfants sont livrés à eux-mêmes… Nous comptons presque 200 mille enfants dans la rue, nous comptons des millions d’enfants qui ne sont pas inscrits à l’Etat-civil et qui ne sont même pas des citoyens après 60 ans d’indépendance. Alors, lorsqu’on nous dit que l’Afrique a une jeune génération, elle a un dividende démographique, je dis que c’est une opportunité, ce dividende démographique, s’il est bien utilisé. Au cas contraire, il devient une bombe à retardement. Aujourd’hui, si vous avez des millions d’enfants livrés à eux-mêmes dans la rue, sous exploités par la mendicité, violés, tués, mais en quoi cette jeunesse là que nous avons et qui constitue 60% de la population peut constituer un dividende démographique ? »
Pratiques fétichistes
On est en face d’une « crise sociale, crise culturelle, crise politique. Lorsqu’on dit démocratie, cela signifie qu’on parle de majorité. Nos ressources devraient aller vers la protection de nos enfants pour qu’ils aillent à l’école, pour qu’ils deviennent savants. Ce n’est pas une question d’or, de pétrole, ça c’est de l’escroquerie. Si tu n’as pas de ressources humaines qualitatives, tu ne peux pas émerger, ni te développer, ce n’est pas possible. Ce sont des pratiques fétichistes. Certains disent que ce sont des rites et des rituels qui conduisent des gens qui sont à la recherche de pouvoir à recourir à ces pratiques pour des bénéfices secondaires. Là aussi, ça montre qu’il y a une crise de valeurs morales, de valeurs spirituelles ».
L’Etat indexé
« La responsabilité de l’Etat, elle est entière dans cette affaire. L’Etat, au-delà de tout, s’il existe, je me le demande, a ratifié toutes les Conventions relatives aux droits de l’enfant. Quelle est la part du budget national que l’Etat accorde à la protection des enfants ? L’éducation ne marche pas, nos enfants sont dans la rue, il y a des grèves interminables et qui jettent même ceux qui sont scolarisés dans la rue. Il y a l’éternel retour d’une vieille rengaine. Lorsque les enfants sortent de l’école, ils sont dans la rue. C’est aussi des facteurs de risques et des parents engagés dans les pratiques de survies économiques n’ont plus le temps pour les enfants. Quand on parle de protection des enfants; regardez le budget qui lui est alloué et vous comprendrez…»