Après que l’exportation de l’arachide a montré ses limites, l’Etat se tourne vers des industriels et commerçants pour faire la promotion de l’huile locale, à travers un protocole signé hier. Les exportations seront d’ailleurs adossées à l’achat du produit raffiné qui devrait passer de 5 à 50 % du marché intérieur.
A toute chose malheur est bon, dit l’adage. L’échec de la présente commercialisation de l’arachide aura certainement un effet bénéfique pour la filière. L’Etat veut tout mettre en œuvre pour promouvoir la vente de l’huile d’arachide dans le pays. C’est ce qui justifie le protocole multipartite signé, hier, au ministère du Commerce, entre le gouvernement, les huiliers artisanaux, les industriels et les grands distributeurs, à travers l’Unacois. Les différentes parties, membres de la plateforme mise en place pour cela, s’engagent désormais, chacun dans son domaine, à mettre en avant l’huile locale.
Ainsi, les artisans vont vendre la totalité de leur produit brut aux industriels à 650 F le litre. Après le raffinage, ces derniers vont céder l’intégralité du produit aux grossistes. Mais le prix n’est pas encore fixé. Le directeur du Commerce intérieur, Ousmane Mbaye, a demandé au ministre Alioune Sarr de leur permettre de continuer la discussion. Ces mêmes négociations permettront également de fixer le montant que devra payer le consommateur.
Les Sénégalais consomment, chaque année, 200 000 l d’huile
En attendant, Ousmane Mbaye révèle que les simulations permettent de penser que le prix final du litre d’huile pourra être arrêté à 1 000 F Cfa. Dans tous les cas, le ministre a assuré que ce qui sera retenu sera moins cher que le prix en cours actuellement sur le marché, à savoir 1 400 F le litre. Pour la majorité des Sénégalais, ce sera donc une hausse au moins de 100 F sur le litre, sachant que l’huile de palme, qui occupe 80 % du marché, est aujourd’hui vendue à 900 F/l.
Mais ils gagneront, si l’on en croit Alioune Sarr, en termes de qualité, puisque le liquide obtenu à partir de l’arachide résiste mieux aux fortes températures, donc plus conforme aux méthodes culinaires des Sénégalais. Si tout se passe comme prévu, l’huile d’arachide devra passer de 5 % du marché à 50 %.
En effet, le pays consomme, chaque année, 200 000 litres. Et dans la convention, il est retenu d’arriver à 100 000 tonnes d’huile d’arachide, soit 300 000 tonnes de graines, sachant qu’il faut trois kilogrammes pour un litre d’huile. Une fois le produit fini, les distributeurs ont l’obligation de le commercialiser.
D’ailleurs, le gouvernement ne leur laisse pas le choix, puisque les importations d’huile de palme ou de soja feront non seulement l’objet de régulation, mais aussi, elles seront adossées à l’achat de l’huile locale. Alioune Sarr s’est voulu ferme à ce propos. L’Etat a défini un cap, et les acteurs sont tenus de s’engager, dit-il. ‘’On ne peut pas accepter que certains mettent en avant leurs intérêts personnels. Personne n’est obligé de signer (le protocole), mais si des lois sont fixées, elles s’appliquent à tous’’, avertit-il.
‘’On ne construit pas une mosquée avec de l’huile’’
Cependant, le dispositif devra être suivi, sous peine d’échec. D’abord, que la mesure ne soit pas ponctuelle. Au lieu d’un an comme prévu, les industriels veulent avoir une visibilité sur la politique de l’Etat, afin d’augmenter leurs capacités de collecte et de raffinage, en cas de besoin. Mais pour cela, ils veulent être sûrs qu’il n’y aura pas de rupture de matière première, ce qui plomberait leurs activités. Ibrahima Sy de Fks rappelle qu’en 2010, il y a eu interdiction d’importation de l’huile de palme, mais il n’y a pas eu de suite.
‘’Il faut tout encadrer et clarifier, sinon, il y aura problème’’, prévient le directeur de la Sonacos. Pape Dieng invite l’Etat à définir le stock de sécurité, mais aussi à revoir la politique fiscale, car il estime qu’on n’a pas besoin d’exonération pour les cérémonies religieuses. ‘’On ne construit pas une mosquée avec de l’huile. Si on veut organiser un gamou ou un magal, on doit pouvoir acheter l’huile au prix du marché’’, lance-t-il. L’Unacois, également, dit avoir beaucoup souffert des exonérations.
Ensuite, il est nécessaire de lever la suspicion entre acteurs. Pendant que les industriels demandent à recevoir de l’huile brute de qualité de la part des artisans, les distributeurs aussi réclament du pur jus. Une exigence qui sous-entend que certains industriels mélangent le produit local avec de l’huile importée. Les commerçants demandent également à ne pas être concurrencés par les industriels qui, à l’heure actuelle, sont aussi dans la distribution.
Pour rassurer tout le monde, le ministre a fait savoir qu’il y aura des experts chargés de l’évaluation de la qualité et de la conformité du produit. A propos de la matière première, il soutient que les 1,4 million de tonnes de cette année ne descendent pas du ciel. ‘’Il y a des investissements colossaux qui ont été faits. S’agissant de la commercialisation, ajoute-t-il, chacun va rester dans ce qu’il sait faire le mieux, pour le bien de tous’’.