La compagnie détentrice de l’appareil qui a crashé le 5 septembre 2015, Sénégalair, a perdu son bras de fer judiciaire contre le technicien avionique Al Hassane Hane pour licenciement abusif. Ce qui est prémonitoire d’une situation très compliquée si l’information judiciaire réclamée par la justice française devait aboutir.
Avec la saisine de la justice française, le dossier du crash de Senegalair va-t-il enfin connaître une suite judiciaire ? Hier, le journal Libération a fait état d’une commission rogatoire internationale pour information judiciaire déposée par le TGI de Paris auprès du doyen des juges Samba Sall. Ce qui devrait fouetter un dossier dont la torpeur à Dakar est intrigante malgré des conclusions limpides du Bureau d’enquête et d’analyse (Bea).
Le chef d’homicide involontaire que cherche à élucider la juridiction française devrait inquiéter les responsables de Senegalair. Mais en dehors du rapport du Bea sur le crash du 5 septembre 2015, c’est une décision de justice, déjà rendue en début d’année par les juridictions sénégalaises, qui est de mauvais augure pour eux.
En janvier dernier, la Cour d’appel de Dakar a confirmé le plaignant Al Hassane Hane dans ses griefs contre cette même compagnie qui l’a licencié en 2013. Dans son arrêt n° 32 du 16 janvier 2018, la juridiction de 2e degré a conforté ce technicien avionique, infirmant partiellement un jugement du tribunal de travail hors classe de Dakar, pour le corser après avoir statué à nouveau. Il a ainsi ‘‘condamné la société Senegalair à payer à Al Hassane Hane les sommes de 1 088 589 F CFA à titre d’indemnité de préavis, 189 243 francs à titre d’indemnité de licenciement, 7 millions à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 266 099 francs à titre du salaire du mois d’avril 2013’’. Un jugement assorti d’une injonction de délivrance d’un certificat de travail à M. Hane sous astreinte de 100 000 F CFA par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à Senegalair.
Le technicien avionique avait envoyé un rapport circonstancié, le 17 avril 2013, au Dg de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) sur les insuffisances de la flotte aérienne de Senegalair. Un licenciement pour motifs économiques s’en était suivi. D’ailleurs, il avait accusé ouvertement les lobbies tapis dans cette agence d’être à l’origine de ses déboires. ‘‘La principale structure que je désigne comme responsable, c’est l’Anacim qui s’occupe de la chose aéronautique, à laquelle je me suis adressée (...). Il faut que le Dg explique à l’opinion pourquoi toutes ces manœuvres visant à obstruer toutes mes candidatures à l’Asecna, à Ahs, à la Haute autorité, et même à l’Anacim où je ne juge personne plus capable que moi d’assurer la surveillance de la navigabilité des appareils’’, avait-il dénoncé.
Responsabilités
Parmi les sept victimes du crash de 2015, une Française qui devait être évacuée de Ouaga vers Dakar. Ce qui explique l’intervention des juridictions de l’Hexagone. Contacté par téléphone hier, Al Hassane Hane s’est désolé de ‘l’immixtion’ de la justice française même s’il comprend que l’inertie côté sénégalais puisse motiver ce nouveau retournement. ‘‘Suite à l’enquête du Bea, je ne vois pas pourquoi l’Etat maintient certaines personnes citées à leurs postes de responsabilités’’, s’étonne-t-il et d’avancer que le Sénégal n’est pas à l’abri d’autres couacs dans le domaine de l’aviation civile. Il en veut pour preuve les ratés qui ont caractérisé l’ouverture de l’Aibd ainsi que du démarrage poussif de ses activités.
Il s’est également appesanti sur ‘‘l’inacceptable accrochage entre les deux avions présidentiels sénégalais et français’’, le 4 février dernier lors de la visite du président Emmanuel Macron à Saint-Louis.
Le technicien avionique, qui est susceptible d’être entendu par cette commission rogatoire, a été conforté dans ses avertissements de son rapport circonstancié de 2013 par le rapport du Bea, surtout en ce qui concerne les insuffisances techniques et logistiques de l’aéronef 6V-AIM qui a crashé le 5 septembre 2015 ainsi que de toute la flotte de Senegalair. ‘’Pourquoi les gens qui ont été cités dans le rapport ne sont pas remis à leur service d’appartenance en attendant que tout cela s’éclaircisse ? Si on les maintient, on ne met pas les usagers en sécurité’’, conclut-il.
Nos tentatives d'entrer en contact avec les responsables de la compagnie sont restées vaines.