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De la pléthore des candidats à la banalisation de la station présidentielle: La politique sort du bois !
Publié le mardi 27 fevrier 2018  |  Sud Quotidien
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© Présidence par DR
Le président Macky Sall et son épouse ont voté
Fatick, le 30 juillet 2017 - Le président de la République Macky Sall et son épouse ont voté à Fatick, dans le centre du Sénégal. Les Sénégalais sont appelés à élire les députés de la 13e législature.
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A moins d’une année de l’élection présidentielle de 2019, les candidatures à la magistrature suprême commencent petit à petit à émerger et on risque d’assister encore à une pléthore de prétendants au fauteuil présidentiel. Si bien entendu, le Conseil constitutionnel valide les ambitions en question. Le religieux Sheikh Alassane Sène, Me Mame Adama Guèye, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, Moustapha Guirassy, ancien ministre sous Me Wade, Pr Issa Sall du Pur, même Serigne Moustapha Sy des Moustachidines « si Khalifa Sall n’est pas libéré», ont déjà fait part de leur candidature à la présidentielle. Nonobstant les valeurs des uns et des autres, force est de reconnaître qu’au Sénégal, la candidature à la station présidentielle est en train de devenir… l’affaire de tous. Même si la Constitution donne le droit à tout citoyen de briguer les suffrages, en fonction de critères bien établis, il n’en demeure pas moins qu’on est de plus en plus en face d’une banalisation de la fonction présidentielle, par l’entremise de la pléthore des candidatures. Sud Quotidien pose la problématique en donnant à tour de rôle et au fil du temps la parole aux acteurs politiques, à la société civile, aux observateurs politiques. Pour des grilles de lecture comparées et des pistes de solutions !

MOUSSA SARR, PORTE-PAROLE DE LA LIGUE DÉMOCRATIQUE (LD) : «Le pouvoir actuel doit assumer toute sa responsabilité en ne permettant pas…»

L ’espace politique séné- galais est caractérisé notamment par une multitude de partis politiques. Le nombre considérable de formations politiques dans notre pays, même s'il est significatif de l'ouverture démocratique rendue possible au prix d'énormes sacrifices des forces de progrès, soulève tout de même de légitimes inquiétudes. En effet, la pluralité des candidats à l'élection présidentielle pose beaucoup de problèmes relativement à la pertinence des offres politiques des candidats mais aussi leur gestion aux plans administratif et financier. L’expérience des 2 700 listes aux élections locales de 2014 et des 47 listes aux dernières législatives doit amener toute la classe politique à faire preuve d'esprit de responsabilité. C'est pourquoi, il importe de mettre en œuvre les dispositions de la Constitution issue du référendum de mars 2016, notamment celles qui portent sur la rationalisation de l'espace politique. En perspective de l'élection pré- sidentielle à venir, le système politique sénégalais, tout en reconnaissant à chaque citoyen le droit d'être électeur et éligible, doit se donner tous les moyens légaux pour préserver notre démocratie des dérives aux consé- quences incalculables. Dans ce sens, les acteurs politiques doivent s'accorder sur un mécanisme susceptible de garantir l'organisation d'une élection pré- sidentielle digne de ce nom, c'està-dire qui ne laisse pas de place à des candidatures fantaisistes. C'est pourquoi, j’estime qu'il est impératif d'établir des conditions qui limitent le nombre de candidats pour la présidentielle de 2019. La compétition à cette élection gagnerait en crédibilité. Les offres politiques seraient plus perceptibles et les ressources nationales ne serviraient pas à financer des candidatures de témoignage. Pour le dire clairement, c’est un énorme danger qui guette la démocratie sénégalaise si le système continue à accepter les candidatures les plus farfelues, lors des compétitions électorales. Il nous faut assainir l'espace politique séné- galais. Il y va de la crédibilité des acteurs politiques. Pour la tenue d'une élection présidentielle cré- dible en 2019, le pouvoir actuel doit assumer sans faille toute sa responsabilité en ne permettant pas la prolifération de candidatures qui coûteront inutilement trop cher au contribuable sénégalais»

BOUNA SECK DE L’AFP, DIRECTEUR DE CABINET DU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE «Un chef d’Etat doit être parmi les meilleurs à tout point de vue»

C’est une question qui me taraude l’esprit depuis quelques semaines. Je pense qu’il y a un grand paradoxe. Le monde se complexifie de plus en plus, donc la gestion de l’Etat devient de plus en plus difficile aujourd’hui. Les données évoluent de plus en plus rapidement, rien n’est stable à l’échelle de la géopolitique mondiale et les cartes sont en train d’être redistribuées. Donc, un chef d’Etat doit être quelqu’un qui a beaucoup d’expé- rience, qui doit comprendre comment marche le monde, avoir une certaine culture, un vécu et une tension de l’intensité morale, une certaine générosité par rapport à son peuple. Et quand je vois les candidats potentiels très franchement, je suis attristé en tant que citoyen par la médiocrité ambiante, l’inconsistance, l’indulgence du discours et le décalage par rapport à nos valeurs surtout. Mais, je fais confiance à l’efficacité des Sénégalais et qui savent très certainement séparer le bon grain de l'ivraie. Ce que j’ai remarqué à part cette médiocrité ambiante là, c’est presque cette folie qui meut certains. Je parle bien de folie, il y a des cas cliniques que j’ai observés chez certains, je ne suis pas psychanalyste mais je suis un enseignant qui a été devant des jeunes étudiants et élèves pendant plusieurs dizaines d’années. Certains candidats sont d’une telle mé- diocrité. Tout le Sénégal le sait mais eux seuls n’en sont pas conscients. Parce que quelqu’un qui n’a jamais rien fait de sa vie, qui n’a fait ses preuves nulle part, sort du néant et dit que je veux être chef de l’Etat. Alors qu’un chef d’Etat doit être parmi les meilleurs à tout point de vue. Voilà mon sentiment, je le dit tel que je le ressens, le Sénégal qui a connu de grand hommes depuis des siècles et qui, depuis l’indépendance, a connu de grands hommes d’Etat ne mérite pas cela.

IBOU SANÉ, PROFESSEUR DE SOCIOLOGIE POLITIQUE À L’UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE SAINT LOUIS «Les Sénégalais jouent avec le feu»

L es Sénégalais jouent avec le feu. Ils pensent que la station présidentielle est une station très facile, que n’importe qui arriverait à cette station pourrait diriger le Sénégal. Quand vous regardez bien les types de candidatures que nous avons, vous avez l’impression qu’il y a maintenant trop de grands farceurs parce que chacun se dit, dans le champ politique, je suis capable de terrasser l’autre. Le champ politique est devenu en quelque sorte une arène. Et, en ayant cette posture et cette conduite, on risque de décourager les Sénégalais dans la participation à la chose politique parce que quand on regarde les candidatures qui se sont déjà déclarées pour l’essentiel, ce sont des gens qui ne peuvent même pas avoir 1%. Et s’ils ont 1%, ils ne peuvent avoir 2%. À mon avis, si on est arrivé à cette situation, c’est parce que la caution est très faible. C’est pourquoi les gens se disent, je peux être candidat. Mais comme je l’avais dit, il fallait hausser la caution à un prix extrêmement élevé pour qu’on ait des candidatures sélectives et de qualité. Des candidatures de personnalités capables de porter des projets de société à fort enjeu économique susceptibles de concurrencer le Plan Sénégal émergent (Pse), d’avoir une boussole qui nous permette demain de savoir où est-ce qu’on veut placer le Sé- négal. Je pense qu’il ne faut pas que les gens s’amusent. Quand vous regardez bien certains acteurs de la société civile qui ont longtemps jouer le rôle de tampon entre le pouvoir et l’opposition mais aussi certains acteurs de l’opposition qui veulent par tous les moyens contrer le président Macky Sall, il y a de quoi se poser des questions. Est-ce qu’on n’est pas en train de torpiller notre démocratie parce qu’on a l’impression que, contrairement à ce qui se passe ailleurs dans les autres pays notamment africains, ici, les gens s’amusent au regard du nombre des formations politiques. Au lieu de travailler sur les blocs, 2 voire 3 ou 4, forts porteurs d’idéologies claires et que les gens puissent s’inscrire dans ces idéologies-là, chacun fait ce qu’il veut avec l’émiettement. On a même l’impression d’être dans un pays de pagaille, de désordre or, nous savons très bien que tant qu’il y a cette confusion (désordre et pagaille), il n’y aura pas de développement. Le développement exige la discipline, des convictions fortes, des valeurs sûres dans lesquelles les acteurs peuvent s’inscrire pour donner un coup de fouet à notre économie et permettre une création d’emplois. Mais, comme je le dis souvent, le Sénégal ne sera intéressant qu’à partir de 2024 puisque la classe politique actuelle va disparaitre pour laisser la place à une nouvelle portée par des jeunes qui engageront certainement de véritables débats d’idées sur des programmes et projets de société.

MOUHAMADOU FAYE, CHARGÉ DES ÉLECTIONS DU LDR YESSAL (LES DÉMOCRATES RÉNOVATEURS) «Avec l’avènement de Macky Sall au pouvoir, beaucoup de gens pensent…»

Il y a effectivement un semblant de banalisation de la candidature à l’élection présidentielle. Cependant, à notre avis, cela est dû d’une part à l’avènement de Macky Sall au pouvoir. En effet, beaucoup de gens pensent qu’à la suite de son élection, tout le monde peut accéder au fauteuil présidentiel. Ces gens oublient même que l’actuel chef de l’Etat a un vécu politique parce qu’il a été numéro 2 du Parti démocratique sénégalais (Pds) mais aussi qu’il a occupé différents postes au sein de l’Etat. Ensuite, l’autre facteur qui peut expliquer cette situation, c’est le fait que le régime est en train de favoriser certaines candidatures pour donner plus de chances à son candidat de passer au premier tour et si on ne prend garde, on risque d’avoir une pléthore de candidatures. Cependant, on ne doit pas perdre de vue que la Constitution donne le droit à tout citoyen sénégalais de briguer les suffrages. À mon avis donc, il ne doit pas y avoir de restriction. Le pouvoir pense mettre en place un système de parrainage mais nous estimons que cette proposition constitue une restriction des libertés individuelles et collectives. Pour nous, il n’y a pas grandchose à faire. S’il y avait 200 candidats, l’administration n’a qu’à prendre toutes les dispositions pour organiser l’élection avec le nombre de candidats qui seront en lice. Nous sommes contre toute restriction à ce niveau.

NDONGO DIAW, PORTE-PAROLE DU FRONT POUR LE SOCIALISME ET LA DÉMOCRATIE/BENNO JUBEL (FSD/BJ) « Il faudrait vraiment que l’Assemblée légifère pour...assainir la vie politique au Sénégal sans... »

Il faudrait vraiment que l’Assemblée nationale légifère pour voir dans quelle mesure il serait raisonnable d’assainir la vie politique au Sénégal sans pour autant violer la liberté d’association. Je pense que c’est un problème très sérieux qui mérite vraiment une réflexion très profonde et les dispositions légales pour le régler. Maintenant, pour ce qui est de l’ambition présidentielle, cela se justifie. Chacun essaie de manifester ses ambitions mais souhaitons seulement qu’on ait une élection transparente dont les résultats ne feraient l’objet d’aucune contestation. Nous, nous sommes une formation politique qui est dans l’opposition et compte tenu du mode de scrutin à deux tours pour l’élection présidentielle au Sénégal, c’est la candidature plurielle qui est souhaitée. La candidature unique n’a sa pertinence que dans un contexte où le mode de scrutin est populaire, direct, à un seul tour. Mais, nous ne sommes pas dans ce cadre de figure au Sénégal. Seulement, il faudrait qu’on encadre ces candidatures plurielles, il faut qu’on ait des candidats vraiment sérieux capables de porter la voix de l’opposition.
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