Dakar, 16 fév 2018 (AFP) - Sept ans de prison ont été requis vendredi contre le maire de Dakar, Khalifa Sall, jugé avec sept de ses collaborateurs pour "détournement de deniers publics", une peine qui l’écarterait de la course à l’élection présidentielle de 2019.
Pour la défense de Khalifa Sall, qui plaidera à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Dakar, ce procès vise avant tout à l’empêcher de se présenter en 2019 face au président Macky Sall.
Le procès du maire de la capitale, 62 ans, élu en 2009 et détenu depuis plus de dix mois, ce qui ne l’a pas empêché de se faire élire député en juillet, est très suivi au Sénégal, où il divise l’opinion.
Khalifa Sall et ses co-prévenus (directeur administratif et financier, comptables, secrétaire...) sont jugés pour le détournement présumé d’1,83 milliard de FCFA (2,8 millions d’euros) prélevés, selon l’accusation, pendant plusieurs années dans les caisses de la mairie.
Ils sont accusés de "faux et usage de faux en écriture de commerce, faux dans les documents administratifs, escroquerie portant sur les deniers, blanchiment de capitaux et association de malfaiteurs, détournement de deniers publics et complicité de détournement de deniers publics".
"Je requiers sept ans d’emprisonnement ferme" contre Khalifa Sall, a déclaré le procureur Serigne Bassirou Guèye dans son réquisitoire.
Il a également demandé à son encontre une amende de 5,49 milliards de francs CFA (8,37 millions d’euros), soit trois fois le montant des détournements présumés.
Le procureur a réclamé la même peine de 7 ans à l’encontre du directeur administratif et financier, Mbaye Touré, et des peines d’un an à cinq ans de prison ferme contre quatre prévenus, enfin la relaxe pour les deux derniers.
De 2011 à 2015, "les 30 millions de francs remis mensuellement (au maire de Dakar) n’étaient pas destinés à l’achat de denrées alimentaires. Est-ce que les factures étaient réelles ? Non", a souligné M. Guèye.
"Les infractions sont constituées quelle que soit la nature des fonds, politiques ou pas", a-t-il dit, alors que la défense a soutenu qu’il s’agissait de fonds "politiques" votés annuellement par le Conseil municipal, à l’usage discrétionnaire des élus.
’ - Ca fait désordre’ -
Ce réquisitoire "nous conforte vraiment dans ce sentiment décliné depuis le début de la procédure que nous avons affaire à une affaire essentiellement politique", a déclaré à l’AFP Me Cheikh Khouraissi Bâ, un avocat de Khalifa Sall, relevant notamment la demande de relaxe des deux percepteurs de la mairie.
Un avocat de l’Etat, Me Yérim Thiam, s’est réjoui des réquisitions, considérant que "l’Etat du Sénégal a subi un préjudice moral aussi important que le préjudice matériel". Selon lui, "ça fait désordre dans un pays comme le
Sénégal d’avoir des personnes comme Khalifa Sall qui dit être un homme politique et qui se comporte comme il s’est comporté".
L’Etat, partie civile dans ce procès, avait réclamé jeudi plus de 10 millions d’euros de dommages et intérêts au maire et à ses co-accusés.
Vendredi matin, la ville de Dakar, qui s’est également portée partie civile mais conteste la présence de l’Etat au procès, a dénoncé un "acharnement" contre Khalifa Sall.
Socialiste dissident, Khalifa Sall a multiplié ces dernières années les critiques envers la coalition présidentielle, dont est membre le Parti socialiste, qui l’a finalement exclu fin décembre.
A la barre, le maire de Dakar avait affirmé le 5 février que ses ennuis judiciaires étaient le prix à payer pour avoir "dit non à une offre politique" du pouvoir.
Mardi, la projection devant le tribunal d’une conversation filmée d’un ministre d’Etat et ancien adjoint à la maire de Dakar a apporté de l’eau à son moulin. Dans cette vidéo non datée, ce membre de la majorité, Mbaye Ndiaye, confie que "le problème de Khalifa Sall (aurait pu) être réglé s’il avait accepté d’être avec nous".