L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a célébré lundi, son parrain avec faste, sous l’égide de la Fondation qui porte son nom. A l’occasion, le combat de l’Egyptologue pour la réécriture de l’histoire africaine a été revisité par le Pr. Aboubacry Lam, en présence du recteur qui a appelé les étudiants à s’inspirer de la rigueur scientifique de leur parrain. C’était au cours d’un colloque organisé à la salle de conférences de l’Ucad 2.
Dans un contexte de mondialisation et de perte de repères, les étudiants de l’Ucad ont été conviés à la réflexion, en vue de perpétuer l’immense legs de Cheikh Anta Diop. Pour le recteur Saliou Ndiaye, lui-même historien, le célèbre Egyptologue représente une mémoire, un symbole, un bien commun de toute l’Humanité. Le combat du parrain pour la réécriture de l’histoire africaine a inspiré le Pr. Aboubacry Moussa Lam. Pour ce dernier, la nécessité d’un peuple de connaître son histoire est intimement liée à la sauvegarde de sa culture. Une occasion saisie par le conférencier pour convoquer de nouveau Cheikh Anta Diop qui disait : « Devant les agressions de toutes sortes, l’arme culturelle la plus efficace dont puisse se doter un peuple est le sentiment de continuité historique ». Autant dire que l’Egyptologue s’est très tôt attaché à corriger la thèse selon laquelle « l’Afrique n’a pas d’histoire ». C’est ainsi que dès son arrivée en France, en 1946, il sacrifia une brillante carrière d’ingénieur qui s’ouvrait à lui pour faire face aux rigueurs de la recherche dans les sciences sociales et les sciences exactes.
Cheikh Anta Diop a d’ailleurs largement expliqué les raisons de son combat pour une réécriture de l’histoire africaine dans son ouvrage majeur titré : « Nations nègres et cultures ». Et dans la préface de « L’Afrique dans l’antiquité », un ouvrage de Théophile Obenga publié en 1973, il a notamment demandé à la jeunesse africaine de s’armer de la science jusqu’aux dents pour défendre correctement le continent noir. Le conférencier n’a pas manqué de révéler au public le coup de théâtre survenu en 1954 quand le célèbre savant a cherché en vain un jury pour la soutenance de sa thèse de doctorat à l’intitulé jugé provocateur : « L’avenir de la pensée africaine ». En 1960, Cheikh Anta Diop est enfin récompensé pour sa ténacité et ses fortes convictions. Il est alors Docteur es lettres avec la Mention Honorable après avoir soutenu avec brio sa thèse portant sur l’étude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique, de l’Antiquité à la formation des Etats modernes. Il obtient alors la reconnaissance de la communauté scientifique internationale. Juste après cette étude bouclée, l’historien rentre définitivement au Sénégal où il fera face à un tir groupé d’intellectuels français en service en Afrique noire. Ce cercle composé de Mauny, Dévisse, Thomas et Jean Suret-Canale a mis le turbo pour battre en brèche les idées de l’Egyptologue qui a osé dire que l’Histoire a commencé en Afrique, autrement dit le continent est le berceau de l’Humanité.
L’administration de l’époque a refusé de délivrer à Cheikh Anta Diop une autorisation d’enseigner. Sûrement parce que ce grand semeur d’idées avait des prises de position « subversives ». N’empêche, le scientifique doublé d’un homme politique redoutable va trouver la voie du salut en se consacrant à la rédaction d’ouvrages de référence pour assurer la propagation de ses idées. Son article « Histoire primitive de l’Humanité : évolution du monde noir » paru en 1962 va faire sensation. Idem pour son dernier ouvrage, « Civilisation ou barbarie », rendu public en 1981.
Plusieurs sommités du monde universitaire, tels que le Pr. Iba Der Thiam, l’ancien ministre Kalidou Diallo ou le Pr. Maguèye Kassé, ont pris part à la rencontre organisée par la Fondation Ucad pour rendre hommage à cet illustre savant africain. L’institution, dirigée par Aminata Fall Niang, est, aujourd’hui, à la recherche d’une manne financière de 800 millions de FCfa pour dérouler ses activités de promotion sociale des étudiants.