Des efforts considérables ont été faits par l’Etat pour le financement de l’Education, mais la mauvaise gestion et l’inefficience de leur utilisation limitent les effets. Les Assises de l’Education ont proposé des pistes de mobilisation des ressources parmi lesquelles des taxes spécifiques, moins d’exonérations fiscales, et des modalités pour faire contribuer la diaspora et les particuliers.
Le Sénégal abrite depuis hier la conférence mondiale sur le financement de l’Education. Une occasion pour se pencher sur le financement de l’Ecole sénégalaise, mais surtout les recommandations en ce sens faites à l’issue des Assises de l’Education et de la formation. En fait, le constat est fait que l’Education est sous-financée au Sénégal. Et pourtant, ce n’est pas parce que l’Etat n’a pas voulu mettre la main à la poche. Les ressources publiques allouées à l’école ne cessent de croître d’année en année. De 3% du Pib en 2000, on est actuellement à plus de 6%. Autrement dit, le Sénégal est passé de 26% du budget de fonctionnement de l’Etat consacrés à l’éducation en 2000 à 35% aujourd’hui. Ce qui place le pays dans le cercle des Etats d’Afrique subsaharienne qui investissement plus dans l’Education, puisque la moyenne dans le continent est de 4,6%.
A côté de l’Etat, il y a les collectivités. Selon le rapport général des Assises de l’Education. Cette contribution a toujours été sous-estimée. Alors qu’elle a été évaluée à 4 milliards, des estimations ont montré qu’elle était en fait de 20 milliards par an. ‘’En valeur relative, elles (collectivités locales) assurent 3% du financement global de l’Education’’, note le document. Les ménages également font un effort considérable. En 2011, ils représentaient environ 160 milliards, soit 23% du financement global. Ce qui les place devant les Partenaires techniques et financiers.
Cependant, malgré tous ces efforts, les ressources restent largement insuffisantes. Il ressort des travaux des assises que le ver est dans le fruit de la gestion des ressources. ‘’Des facteurs majeurs d’inefficience dans l’usage des ressources aussi bien au niveau macro que micro ont été identifiés à travers les rapports d’évaluation du système éducatif pendant ces dix dernières années (2002-2012). D’abord, il a été noté une mauvaise gestion des intrants de l’éducation conjuguée à un mauvais enseignement et suivi des élèves ; ce qui se traduit par une faiblesse dans l’efficacité interne (des taux de redoublement et d’abandon encore élevés)’’, relève l’équipe dirigée par le Pr Abdou Salam Sall, président du comité. Selon le rapport, d’énormes pertes sont enregistrées dans le circuit de la dépense. Parmi les facteurs, il y a l’absence de critères d’allocation des ressources mais aussi le paiement d’agents fictifs dû à la non-maîtrise des effectifs du personnel.
Le même constat est fait pour ce qui est des ressources issues des collectivités locales et des entreprises. Il y a non seulement une insuffisance dans la reddition des comptes affectés à l’éducation, mais également un problème de dialogue entre les agences d’exécution, les autorités académiques et les élus locaux. Il a été aussi remarqué que les chefs d’établissements font régner le silence sur les ressources provenant des entreprises et autres Ong. Ce qui rend la gestion opaque. D’où la nécessité d’avoir plus de coordination pour, à la fois, faire des économies d’échelle (éviter les doublons), sans impacter la qualité des enseignements, et mieux cibler les actions pour un meilleur contrôle de l’utilisation des ressources.
500 milliards d’exonérations fiscales
Cependant, quels que soient les efforts sur la rationalisation, il y aura toujours un déficit, car il n’y a pas assez de ressources. Les acteurs des assises l’ont bien compris. Ils ont fait pas mal de recommandations à l’Etat allant dans le sens de mobiliser plus de ressources. D’abord l’Etat lui-même, notamment à travers sa politique fiscale. Les exonérations et réduction fiscales font perdre 500 milliards à l’Etat chaque année, selon le syndicat des inspecteurs des impôts et domaines. Soit l’équivalent du budget est alloué à l’ensemble du secteur de l’éducation. Or, selon les ''assisards'', le Fmi a fait des études qui montrent que les mesures fiscales en Afrique subsaharienne ne sont pas décisives dans la décision des entreprises d’investir dans un pays de la zone. Il aimerait donc qu’une partie des ressources soient affectée à l’école.
Abdou Salam Sall et Cie proposent également à l’Etat de faire contribuer le secteur privé par la création d’autres formes d’imposition. Il s’agit notamment de la taxation sur les appels téléphoniques internes au bénéfice de l’éducation, une autre sur les transactions financières ou alors sur le tabac et l’alcool. Des voix s’élèvent depuis quelques mois pour parler aussi de taxe sur les ressources pétrolières. ‘’Une banque éducative est un système robuste pour accorder, pas seulement des crédits aux étudiants, mais aussi pour supporter des activités variées du système éducatif’’, ajoute le document. Pour les expatriés, il est préconisé des émissions d’obligation, sans oublier la contribution des particuliers, particulièrement les travailleurs. Le Pr Mamadou Youry Sall de l’UGB parle de 1% des salaires. Proposition qui a été à l’époque immédiatement rejetée par des syndicalistes parmi lesquels Awa Wade de l’Uden.
25 000 F de contribution des anciens de l’école
Pourtant, le Pr Sall, ancien Recteur de l’Ucad disait que des milliers de Sénégalais ont réussi leur vie grâce à l’Ecole publique. Et que si 100 000 d’entre eux donnent chacun 250 000 F CFA, ça fait un total de 25 milliards. Un bon départ pour se soustraire du diktat des bailleurs. La commission finance des assises a aussi noté la disposition de la communauté à investir davantage. Ils souhaitent leur implication dont le résultat sera double : plus de financement et plus de contrôle de la gestion. Quant aux bailleurs de fonds, la remarque a été faite il y a longtemps que leur contribution est en constante réduction.
Mais au-delà de ça, il se pose un problème de décaissement. Le taux de décaissement annuel des engagements est en moyenne de 19,2%. Les facteurs sont nombreux et pour l’essentiel imputables aux partenaires. ‘’La mise en place tardive des fonds, surtout pour le démarrage de nombre de projets ; la lenteur des procédures due à la longueur du circuit d’obtention de l’avis de non-objection (structure d’exécution - DPRE - DAGE - Banque - DAGE – DPRE - Structure) alors qu’un avis global pouvait être accepté une fois la validation du POBA faite pour l’exécution des activités soumises au préalable à un avis de non-objection’’, sont autant de causes listées par le rapport des assises. Sans compter la variété des procédures, d’un partenaire à l’autre. Mais tout n’est pas à mettre sur le compte des bailleurs. L’Etat a aussi sa part de responsabilité. L’insuffisance de compétence et de professionnalisme de certains gestionnaires, le manque d’anticipation, l’instabilité du personnel notamment les gestionnaires.