Le gouvernement a-t-il tiré les leçons du passé ? En tout cas, dans le nouveau plan d’action du Plan Sénégal émergent, il compte associer les nationaux. Le conseiller spécial du Premier ministre, Moubarack Lo en a fait l’annonce hier, au cours d’une rencontre organisée par l’IPAR sur l’apport des think tank dans l’élaboration des politiques publiques.
Dans la conduite des affaires publiques, il y a les politiques, opposition et pouvoir. Il y a aussi les ‘’indépendants’’ qui ne sont en principe ni d’un camp ni de l’autre. Ce sont les ‘’think tank’’ (cercles de réflexion indépendants aptes à faire des propositions aux pouvoirs publics). Longtemps laissés en marge, leurs ‘’solutions’’ souvent ignorées des décideurs, et même des populations pour le compte desquels ils prétendent agir, ils ont décidé de changer de paradigme, de mieux vulgariser les résultats de leurs recherches, mieux les partager avec les gouvernants. C’est dans ce sens qu’il faut inscrire cette rencontre, tenue hier dans un hôtel de la place, en présence du Conseiller spécial du Premier ministre, Moubarack Lo.
Organisée par l’IPAR (Initiative prospective agricole et rurale), on peut dire que le plaidoyer n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le représentant du PM ayant en effet pris la résolution ferme de changer la donne, afin que les pouvoirs publics puissent mieux s’approprier et mettre en œuvre les travaux des ‘’brillants chercheurs’’ que compte le Sénégal. Comment y parvenir ? Moubarack Lo s’est voulu très concret. Assurant en avoir déjà échangé avec son boss Mahammed Boun Abdallah Dionne, il livre sa recette axée sur les principaux points que voici. D’abord, il faut prendre en compte les avis formulés par les ‘’think tank’’ dans l’élaboration des politiques publiques. Ainsi promet-il : dans l’élaboration du prochain plan d’action du Plan Sénégal émergent, le gouvernement souhaite qu’il y ait des contributions des experts sénégalais indépendants. De même, Moubarack Lo recommande, au niveau sectoriel, une collaboration franche entre les ministères et les think tank. Aussi pense-t-il : ‘’chaque année, l’on devrait pouvoir évaluer les politiques publiques de manière indépendante, dire voilà où nous en sommes, quelles sont nos forces et faiblesses’’.
Par rapport à la mise en œuvre, l’économiste indique qu’il faut faire chaque année une évaluation de l’impact des politiques publiques sur les populations. En plus, estime-t-il, il faudrait apprendre à avoir un œil critique de personnes indépendantes sur les politiques qui sont mises en œuvre par le gouvernement. Pour M. Lo, depuis les indépendances, le Sénégal s’est évertué à mettre en place des politiques, mais rarement il évalue ses programmes. ‘’On a élaboré beaucoup de politiques, mais on ne les évalue pas’’, a-t-il déclaré. Conscient que ces objectifs que le gouvernement souhaite assigner aux organisations indépendantes ne peuvent être atteints sans un accompagnement financier, le conseiller du PM a promis de tout faire pour qu’il y ait un fonds d’appui aux think tank. Dans la même veine, des appels à contribution seront lancés, des experts associés recrutés parmi toujours ces cercles de réflexion nationale.
Ces annonces faites par le représentant du gouvernement ont été saluées par les participants. Convaincu que pour le développement des pays africains, il faut nécessairement une jonction entre gouvernants et chercheurs, Ibrahima Sall, ancien Secrétaire exécutif du Codesria, souligne : ‘’Jusque-là, on nous a fait croire que pour émerger, il faut observer les méthodes empruntées par les pays qui se sont développés. Or, ces modèles se sont parfois révélés inadéquats au contexte dans lequel nous évoluons. Il faut donc changer de paradigme, adopter notre propre vision du développement. Et c’est cela le rôle des think tank qui doivent travailler dans la durée, en vue de faire des propositions innovantes’’. Interpellé sur l’élaboration du Plan Sénégal émergent par un cabinet étranger, le chercheur est formel. Il affirme : ‘’Ce n’est pas parce que l’expertise n’existe pas dans ce pays. C’est un choix du gouvernement. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il existe des Sénégalais capables de vous élaborer tous les programmes que vous voulez.’’