Dans le cadre de la traque des biens mal acquis, l’Etat du Sénégal qui avait demandé que soient bloqués les comptes ouverts au nom de Karim Wade et Cie notamment Bibo Bourgi et Mamadou Pouye, à Monaco, vient d’obtenir gain de cause.
Le Tribunal de première instance de Monaco, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, le 25 janvier dernier, ordonne « la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 2016/000641 et 2017/000335 » et dit que « l’acte de saisie-arrêt et assignation en date du 22 mars 2016 signifié par l’Etat du Sénégal est régulier et qu’il doit produire ses effets immédiats.
Le Tribunal de Première instance de Monaco, présidé par Mme Martine Coulet-Castoldi, président, Chevalier de l’Ordre de Saint-Charles, assistée de Mme Florence Taillepied, Greffier, en présence de M. Olivier Zamphiroff, Premier Substitut du Procureur général, dans son arrêt de jugement du 25 janvier dernier, vient, en effet, d’ordonner que lesdits comptes soient bloqués, déboutant ainsi Karim Wade et Cie qui avaient demandé une main levée. L’Etat du Sénégal, était représenté par l’Agent judiciaire de l’Etat, Antoine Diom ayant élu domicile en l’étude de Me Thomas Ciaccardi, avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco et plaidant ledit avocat-défenseur alors que Karim Wade a été défendu par Me Joëlle Pastor-Bensa, avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, substituée par Me Bernard Bensa, avocat-défenseur en cette même Cour.
Plusieurs comptes sont concernés dont l’un était au nom de Karim Wade, un de Bibo Bourgi, un de Mamadou Pouye et d’autres au nom de sociétés présumées écran dans la traque des biens mal acquis. Entre autres sociétés, on peut citer Dahlia Corporate S.A., Coral Services Management Ltd, Abs Corporate Ltd, Menzies Afrique Centrale Ltd, Ma Engineering Corp, La Société Aviation Handling Service Int, La Société Menzies Middle East & Africa S.A (Soparfi) (ex-Menzies Afrique S.A.).
C’est par requête en date du 17 novembre 2015 que l’Etat du Sénégal avait sollicité du Président du Tribunal de première instance de Monaco l’autorisation de saisir les comptes ouverts dans les livres de la société Julius Baër Bank Monaco au nom des personnes condamnées ainsi qu’au nom diverses sociétés dont ils seraient les bénéficiaires économiques ou les mandataires. Toutefois, par arrêté en date du 26 novembre 2015, cette requête a été rejetée par le Président du Tribunal de première instance de Monaco. Motif : « des mesures de blocage des comptes concernés avaient été signifiées à la banque de 7 juillet 2014 suite à la commission rogatoire délivrés à cette fin le 26 juin 2014 par les autorités sénégalaises, ces mesures produisant toujours les mêmes effets et permettant de garantir le recouvrement de la créance alléguée par l’Etat du Sénégal à l’encontre des consorts Wade, Aboukhalil et Pouye ».
En outre, « l’Etat du Sénégal ne justifiait pas d’être titulaire d’une créance à l’encontre des sociétés titulaires des comptes bancaires au sein de cette banque ». Mais, par arrêt du 25 février 2016, « la Cour d’appel de Monaco a infirmé partiellement ladite ordonnance et, statuant à nouveau, autorisé l’Etat du Sénégal à pratiquer une saisie arrêt à concurrence de la somme de 10 milliards de FCfa ou son équivalent en euros sur toutes sommes, avoirs, deniers ou valeurs détenus par Karim Wade et Ibrahima Aboukhalil, Mamadou Pouye ainsi que les sociétés Dahlia Corporate S.A., Coral Services Management Ltd, Abs Corporate Ltd, Menzies Afrique Centrale Ltd, Ma Engineering Corp, La Société Aviation Handling Service Int, La Société Menzies Middle East & Africa S.A (Soparfi) (ex-Menzies Afrique S.A.) Ce qu’il a pratiqué en date du 22 mars 2016, tout en assignant les personnes et sociétés en vue « de voir déclarer régulière et valable les saisies-arrêts pratiquées et d’obtenir la condamnation des défenseurs au paiement ».
Longue bataille juridique
Comme il fallait s’y attendre, Karim Wade, a déposé, le 5 octobre 2016, une demande pour que soit prononcée « la nullité de l’exploit de saisie-arrêt et assignation en date du 22 mars 2016 avec toutes les conséquences de droit et subsidiairement, le renvoi des parties à conclure au fond ». Il s’oppose également à la « jonction de la présente procédure avec celle initiée par exploit en date du 3 novembre 2016 sollicitée par l’Etat du Sénégal ». Selon Karim Wade, la saisie-arrêt a été pratiquée « sans titre puisque l’arrêt de la Crei du 23 mars 2015 n’est pas exécutoire à Monaco et que l’exploit de saisie-arrêt et assignation a été notifié à la société Julius Baër Wealth Management qui n’est pas tiers saisi car non mentionné dans l’arrêt de la Cour d’appel du 25 février 2016 ayant autorisé la saisie-arrêt de sorte que cet exploit est entaché de nullité ». Il souligne, en outre, que les demandes formées par ce même exploit de saisie-arrêt du 22 mars 2016 sont « irrecevables puisque cet acte n’a pas été délivré au tiers saisi et que l’erreur commise ne saurait s’envisager comme une simple erreur matérielle ». S’agissant de la demande de jonction, il considère qu’il y a lieu de « la rejeter en ce qu’il ne s’agit pas d’une mesure d’administration judiciaire ».
Toutefois, l’Etat du Sénégal est revenu à la charge par requête du 5 juillet 2016, mais le 11 juillet de la même année, le Président du Tribunal de première instance dit n’y avoir lieu de faire la requête et par arrêt du 16 septembre 2016, la Cour d’appel a réformé cette ordonnance et déclaré « irrecevable la requête du 5 juillet » au motif que l’arrêt du 25 février 2016 continuait de « produire ses effets dès lors que, le 22 mars 2016, l’huissier l’avait signifié, à tort, à la société Julius Baër Wealth Management, personne morale distincte de la société Julius Baër Bank, entre les mains de laquelle la saisie a été autorisée ».
Une fois de plus l’Etat sénégalais charge. Le 4 octobre 2017,, sous le n°2017/335, il demande que soit ordonnée « la jonction de cette procédure avec celle introduite par exploit de saisie-arrêt et assignation du 22 mars 2016 » et que soit ordonné, « un sursis à statuer dans l’attente du jugement d’exequatur à intervenir dans le cadre de l’instance introduite par exploit d’assignation du 13 février 2017 » et enfin qu’il soit donné « acte de ce qu’il se réserve le droit de conclure sur le fond ». Karim Wade, également, le 8 mars 2017, demande, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, que la procédure introduite selon exploit de saisie-arrêt et assignation du 3 novembre 2016 soit déclarée « irrecevable et que la main levée de cette mesure soit ordonnée ».
Jonction ordonnée
C’est après avoir rappelé toute cette bataille juridique, les différentes requêtes introduites par les différentes parties, les jugements et recours introduits avec les différentes dates précises, que le Tribunal de première instance de Monaco, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, ordonne « la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 2016/000641 et 2017/000335 » et dit que « l’acte de saisie-arrêt et assignation en date du 22 mars 2016 signifié par l’Etat du Sénégal est régulier et qu’il doit produire ses effets immédiats ».
Dès lors, le Tribunal « déboute les défenseurs de leurs demandes tendant à en prononcer la nullité avec toutes les conséquences de droit ».
Par ailleurs, le tribunal constate que la deuxième saisie-arrêt pratiquée par l’Etat du Sénégal le 3 novembre 2016 est « sans objet » et « ordonne en tant que de besoin sa main levée. Il sursoit à statuer sur le surplus des demandes des parties dans l’attente de l’issue de la procédure d’exequatur engagée par l’Etat du Sénégal selon l’exploit d’assignation en date du 13 février 2017 et ordonne le placement de l’affaire au « Rôle général » et dit qu’elle sera « à toute audience utile à la requête de l’une ou l’autre des parties ».