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Sénégal : radioscopie d’une presse en difficulté
Publié le mardi 30 janvier 2018  |  Agence de Presse Africaine
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© aDakar.com par DF
Marche des journalistes contre les menaces sur la presse
Dakar, le 3 mai 2017: La Coordination des Associations de Presse (CAP) du Sénégal a organisé une marche pour célébrer la journée internationale de la presse. Des centaines de journalistes ont pris part à la manifestation pour demander que le secteur des médias soit davantage assaini.
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Florissante dans les années 80 et 90, la presse sénégalaise traverse actuellement une passe difficile, à l’image de la liquidation du quotidien Le Populaire, de la cessation de parution de l’hebdomadaire Nouvel Horizon et des difficultés de fonctionnement de l’Agence de presse sénégalaise (APS, publique).

A l’APS, les agents affiliés au SYNPICS-maison (Syndicat des professionnels de l’information et de la communication) en sont à l’application de leur plan de lutte. Après plus de deux semaines de service minimum « pour dénoncer la situation préoccupante » de ce média du service public, les journalistes sont passés à l’étape supérieure, en déposant jeudi dernier un préavis de grève.

Cela, malgré que le chef de l’Etat a, lors du Conseil des ministres du 17 janvier dernier, donné des instructions pour « accélérer le processus de modernisation de l’Agence de presse sénégalaise », qui a le statut d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC).

« Le plus élémentaire manque à l’APS », s’alarme Khadidiatou Sakho, journaliste et chargée des revendications de la section SYNPICS de cet organe de presse.

Pointant du doigt le «problème structurel » que traîne l’APS depuis plus d’une décennie, elle attire l’attention sur la modicité de la subvention annuelle de 442 millions de FCFA.



Allouée par l’Etat, cette enveloppe peine à couvrir les salaires des employés, déplore Khadidiatou Sakho, sans oublier les problèmes récurrents liés au manque de carburant pour aller en reportage, à l’insuffisance d’ordinateurs, de dictaphones et les difficultés à se connecter à l’internet.

S’y ajoute qu’un « agent ne peut pas aller se faire soigner dans les structures sanitaires, car l’APS leur doit beaucoup d’argent. Ils sont systématiquement renvoyés des différents hôpitaux (Principal, Fann, HOGGY, …). Et si dans un travail on n’arrive pas à avoir une couverture médicale, ça devient grave », s’indigne la syndicaliste dont les camarades luttent pour que « l’APS devienne une société nationale et ait son propre siège ».

Si à l’agence nationale, on se bat et propose des mesures pour sauver l’outil de travail, ailleurs on a tout bonnement mis la clé sous le paillasson. C’est le cas à Panafrican System Production, société éditrice de Nouvel Horizon.

Face à « une situation économique en dégradation constante sur huit années consécutives avec des pertes de plus en plus difficiles à supporter », la direction de l’hebdomadaire souligne, dans un communiqué envoyé à la presse, avoir fait le choix de « proposer un départ volontaire à tous ».

Les pertes de Nouvel Horizon qui est paru durant près de 22 ans se chiffrent à des « dizaines de millions par année », selon Issa Sall, directeur de publication de l’hebdomadaire

« A chaque fin d’exercice, quand on faisait le bilan annuel, on se rendait compte qu’on avait des pertes de 30, 40 à 50 millions. C’est intenable à la fin », indique dans le quotidien EnQuête du 5 janvier 2018, M. Sall dont le journal tirait au gré de l’actualité « entre 5 000 et 7 000 exemplaires ».

En proposant des départs volontaires à leurs employés, les responsables de Nouvel Horizon ont sûrement voulu leur éviter la difficile situation vécue par une partie du personnel du défunt quotidien Le Populaire.



Certains de ses ex-employés sont restés « 36 mois » sans salaire, en attendant la décision de liquidation judiciaire du groupe Com 7, éditeur du journal. C’est sur les cendres de ce dernier qu’a été créé un nouveau quotidien, Vox Populi. Comme le précédent, le numéro coûte 100 FCFA.

Enumérant les difficultés de la presse sénégalaise, le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication sociale (SYNPICS), Ibrahima Khaliloullah Ndiaye, pointe notamment du doigt le chômage, l’absence de contrats de travail en bonne et due forme, le non versement des cotisations à la Caisse de sécurité sociale et la prolifération des écoles de journalisme.

Du côté de l’Etat, on met en cause le défaut de viabilité des entreprises de presse. « Si le journal est vendu à 100 francs CFA, les 15 % reviennent aux vendeurs, 70 francs destinés à l’achat de papier et impression, 25 à 30 francs seulement sont à l’entreprise de presse ceci n’est pas viable », confiait en mai dernier à l’APS l’ancien ministre de la Communication, Mbagnick Ndiaye.

Issa Sall qui se désole du «désintérêt des autorités sur un secteur économique (la presse) qui emploie des milliers de personnes », reconnait « quelques aspects » développés dans le nouveau Code de la presse, mais persiste à dire que toute «régulation dans ce secteur » passera nécessairement par la révision de son « modèle économique ».

A défaut, «beaucoup d’organes sont appelés à disparaître », avertit le directeur de publication de Nouvel Horizon, avant d’ajouter : « On aura alors dans le paysage médiatique des organes de propagande, ethnicisé, de lobbies, ou de soutien comme on l’a vu au début dans les années 2006 à 2008 ».

Voté le 20 juin 2017 par les députés de la défunte législature (12e) et toujours en attente de ses décrets d’application, le nouveau Code de la presse dont fait allusion M. Sall tente de mettre de l’ordre dans un secteur en crise.



D’abord, il précise le statut du journaliste, mais surtout il instaure un Fonds d’appui et de développement de la presse (FADP).

Bien que son montant n’est pas encore précisé, il est créé « de manière durable et autonome » et vise, entre autres objectifs, à soutenir l’entreprise de presse en matière d’investissement.

Il va, par ailleurs, remplacer le Fonds d’aide à la presse de 700 millions FCFA, source de polémique dans sa répartition.

A l’Agence de presse sénégalaise, on attend impatiemment l’entrée en vigueur du FADP qui prévoit le versement à l’agence nationale d’une subvention en contrepartie du service qu’elle rend aux autres médias.

Grands repreneurs des dépêches de l’APS, les journaux, radios et télévisions du pays, pour la majorité d’entre elles, ne lui payent rien en retour.

C’est dans l’espoir de mettre un terme à cette situation que les travailleurs de l’APS espèrent beaucoup du processus de modernisation de l’agence promis par le chef de l’Etat.

Khadiatou Sakho et ses confrères n’en attendent rien d’autre qu’une « restructuration de l’Agence », avec « un changement du statut administratif et par conséquent une dotation régulière et conséquente de moyens financiers au même titre que les autres médias publics ».

ODL/cat/of/APA
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