Les avocats de la défense étaient hier, jeudi 25 janvier, à l’honneur devant la barre du tribunal de grande instance statuant en matière correctionnelle dans le cadre de l’affaire relative à la caisse d’avance de la mairie de Dakar et opposant le député-maire Khalifa Sall et co-prévenus à l’Etat du Sénégal. Invités à présenter les exceptions de nullité de la procédure qui vise leurs clients, les avocats de la défense ont tous plaidé l’annulation pure et simple de la procédure de la caisse d’avance de la mairie de Dakar et l’abandon des poursuites contre tous les prévenus. Prenant la parole tour à tour devant la barre du tribunal, Me Doudou Ndoye et compagnie, résolus à étayer devant le juge Malick Lamotte et ses deux accesseurs le bien-fondé de leur requête, sont longuement revenus sur ce qu’ils qualifient des différentes étapes de la violation des procédures dans le cadre de cette affaire.
Devant la barre du tribunal de grande instance statuant en matière correctionnelle dans le cadre de l’affaire dite de la caisse d’avance de la mairie de Dakar opposant le député-maire Khalifa Sall et co-prévenus à l’Etat du Sénégal, la défense a déclaré nulle toute la procédure. Selon les conseils du maire et co-prévenus, les droits de leurs clients ont été bafoués depuis l’enquête préliminaire devant l’officier de police judiciaire jusqu’à l’ordonnance de renvoi du dossier du juge d’instruction, en passant par le réquisitoire du procureur de la République pour demander un mandat de dépôt et le vote de levée de l’immunité parlementaire du député maire Khalifa Sall.
Selon eux, tout le monde (les enquêteurs de la Dic, le procureur de la République, l’Assemblée nationale et le doyen des juges d’instruction) ont agi dans la précipitation et ont commis des erreurs graves qui ne permettent pas au tribunal de juger cette affaire. Premier avocat de la défense à prendre la parole devant la barre, Me Doudou Ndoye a commencé son réquisitoire en rappelant au juge Malick Lamotte, président de ce tribunal, ses propos de «tout faire pour que ce dossier soit propre», des propos tenus le premier jour de l’appel de cette affaire sous sa présidence.
Poursuivant son propos, la robe noire sans transition s’est mis à énumérer différents actes qui, selon lui, rendent nulle cette procédure. Il a ainsi commencé à dénoncer l’irrégularité du réquisitoire que le procureur de la République a adressé au juge d’instruction pour demander le placement sous mandat de dépôt des prévenus. «Le réquisitoire rédigé par le procureur n’établit aucun fait retenu contre les prévenus. Le procureur s’est contenté seulement d’évoquer des rapports de l’Inspection générale d’Etat (Ige) et de la police pour demander au juge d’instruction un mandat de dépôt alors que le Code de procédure pénale dit que le procureur doit exposer les faits et non pas se contenter d’évoquer des rapports dont le contenu n’est pas joint au réquisitoire», a martelé Me Doudou Ndoye.
Loin de s’en tenir là, l’ancien ministre de la Justice, Garde des sceaux, a également dénoncé la détention préventive des présumés complices du député- maire de Dakar dans cette affaire au-delà des délais fixés par le Code pénal. En effet, soulignant que le Code de procédure pénale n’instruit aucune mesure contre toutes les personnes supposées complices d’un délit, il a précisé que le délai de la détention préventive dans le cadre de cette affaire est fixé par le Code pénal à six mois non renouvelable et le tout dépassement de cette durée devient une détention arbitraire et illégale.
ME DOUDOU NDOYE: «TOUTES LES DECISIONS ONT VIOLE LA PROCEDURE»
Par ailleurs et toujours dans sa plaidoirie, Me Doudou Ndoye a également jugé irrégulier le document envoyé par l’Assemblée nationale sur le vote de la levée de l’immunité parlementaire du député-maire Khalifa Sall. «Le document reçu de l’Assemblée nationale et dont une copie vous a été transmise est une synthèse du vote par l’Assemblée nationale de l’autorisation des poursuites contre Khalifa Sall. Ce document est fait par Mme Joséphine Diallo qui n’est rien d’autre qu’une secrétaire générale de l’Assemblée nationale. À ce jour donc, aucun procès-verbal relatif au vote d’autorisation de juger le député Khalifa Sall n’a été adressé par l’Assemblée nationale au procureur de la République», a-t-il lancé. «La justice, c’est la procédure alors que dans cette affaire, toutes les décisions prises ont violé cette procédure», dira-t-il. Avant de poursuivre dans la foulée. «La justice a failli en voulant juger dans la précipitation Monsieur Khalifa Sall et compagnie.
C’est le procès de la justice. L’ordonnance a été rendue avec l’irrespect des textes en la matière. Le juge d’instruction qui devait prévenir au préalable les avocats de la défense de sa décision de délivrer l’ordonnance de renvoi devant un tribunal pour un jugement n’a pas respecté ce principe. Donc, l’acte qu’il a pris pour transmettre à votre juridiction cette affaire est une décision nulle et vous êtes directement saisie parce que c’est à vous que la mesure a été transmise. L’honneur de la justice, c’est le respect de la loi qui est rendue au nom du peuple sénégalais. La sanction de ces irrégularités, c’est l’annulation purement et simplement de la décision du juge d’instruction et l’abandon des charges. Votre fonction est de défendre la loi tout comme la mienne», a-t-il lancé au président du tribunal.
MES MOUSTAPHA NDOYE, KHASSIMOU TOURE ET ALIOU CISSE POUR UNE DEFENSE EN BLOC
Abondant dans la même direction, Me Moustapha Ndoye a dénoncé pour sa part «l’immixtion de l’Etat partisan Bennoo Bokk Yaakaar dans cette affaire, donc dans la gestion d’une collectivité locale en vue d’éliminer un potentiel concurrent à la prochaine présidentielle». En effet, selon lui, ce procès a été enclenché par le président de la République en tant qu’institution qui a saisi le ministère public du rapport top secret de l’Ige. Poursuivant son propos, il a souligné aussi le fait que l’instruction de ce dossier n’a pas été faite à charge et à décharge. «Le juge d’instruction n’a pas instruit ce dossier sur la base des faits mais sur un réquisitoire délivré par le procureur de la République qui s’est basé lui-même sur des soupçons d’association de malfaiteurs et de détournement de deniers publics», martèle-t-il en demandant au tribunal de renvoyer cette affaire et d’ordonner la levée des poursuites contre tous les mis en cause.
Pour sa part, Me Khassimou Touré a invité le tribunal à se déclarer incompétent à connaitre de cette affaire et d’ordonner immédiatement l’annulation de la procédure. Campé sur la trajectoire de ses confrères qui ont plaidé avant lui, il a déclaré lui aussi «irrégulière l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction» parce que, a-t-il dit, «elle fait fi du statut de député de Khalifa Sall que le Conseil constitutionnel dit n’être pas compétent à connaitre. Et de conclure face au juge Lamotte : «Vous êtes incompétent à connaitre de cette affaire».
Rappelantde même la décision du Conseil constitutionnel qui s’est déclaré incompétent à connaitre du recours déposé à l’époque par des députés demandant l’annulation du vote concernant la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, il affirmera : «Le Conseil constitutionnel est une juridiction supérieure à votre tribunal. Il ne peut pas donc dire qu’il est incompétent à connaitre du recours déposé par un groupe de députés pour demander l’annulation du vote concernant la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall et que vous, vous voulez statuer sur cette affaire». Pour autant, Me Khassimou Touré a demandé au tribunal de déclarer l’annulation de l’ordonnance de renvoi pris par le juge d’instruction et l’abandon de toutes les poursuites. Au même titre que les autres avocats de la défense, Me Aliou Cissé dira pour sa part : «Les conséquences du non-respect de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, depuis qu’il a été élu député, est que toutes les décisions prises depuis la publication de la liste des parlementaires sont nulles».
ECHOS
Me Doudou Ndoye «assimile» les affaires Khalifa Sall et Mamadou Dia
Rappelant ce qui s’est passé en 1962 quand Mamadou Dia, président du Conseil des ministres d’alors, a interdit l’accès du parlement aux députés, il a déclaré : «Mamadou Dia n’avait pas enfermé un député, il a seulement empêché la tenue de la session parlementaire que Lamine Guèye a finalement tenue dans l’actuelle Maison de l’avocat et vous savez la suite le concernant tout simplement parce qu’il a empêché la tenue d’une session alors que Khalifa Sall a été empêché de siéger durant toutes les sessions… Khalifa Sall qui devait être libéré d’office pour participer aux sessions parlementaires a été empêché de siéger alors qu’on reconnait son immunité. Les conséquences de cet acte doivent entrainer la nullité de cette procédure».
«Depuis mardi, Khalifa Sall n’a pas rencontré ses avocats»
Interpellant directement le juge Lamotte, Me Seydou Diagne qui semble imputer ces restrictions à l’Etat du Sénégal a indiqué que lui et ses confrères se sont vu refuser de voir Khalifa Sall à la cave du Palais de justice d’abord puis à la Maison d’arrêt de Rebeuss par l’administration pénitentiaire, sous prétexte que les heures de visite s’arrêtent à dix heures. Invité par le juge à répondre à cette interpellation, le procureur de la République a dit que ce n’est qu’hier qu’il a été informé de cette situation et que toutes les dispositions utiles seront prises pour faciliter les rencontres entre Khalifa Sall et ses avocats.
Les partisans de Khalifa Sall toujours présents
Pour sa troisième journée d’affilée, le procès s’est tenue dans une salle 4 pleine comme un œuf. Les partisans du maire de Dakar ont massivement répondu présents lors de cette audience. Toutefois, il faut souligner qu’à côté des inconditionnels du député-maire de Dakar, il y avait aussi certains leaders de l’opposition dont Malick Gakou, Cheikh Bamba Dièye, Mamadou Diop Decroix, et des maires de communes comme Moussa Sy des P A, Cheikh Guèye de Dieuppeul-Derklé, Madiop Diop de Grand-Yoff et autre Barthélémy Dias, de Sicap Mermoz.