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Moussa Diaw (Enseignant-chercheur en sciences Po à l’UGB) : ‘’Idrissa Seck est dans une dynamique de larguer ses alliés de Mankoo’’
Publié le vendredi 26 janvier 2018  |  Enquête Plus
Moussa
© Autre presse par DR
Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences Politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis
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Derrière la déclaration du président de Rewmi Idrissa Seck, se cache une volonté de larguer ses alliés de Mankoo Taxawu Senegaal. Selon Moussa Diaw, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, l’ancien Premier ministre veut tourner la page de cette coalition pour en constituer une autre beaucoup plus solide à même de porter sa candidature en 2019. Décryptage.



Quelle compréhension avez-vous de la déclaration d’Idrissa Seck faite avant-hier au tribunal et concernant la coalition Mankoo Taxawu Senegaal ?

Pour Idrissa Seck, la coalition Mankoo Taxawu Senegaal n’existe plus, elle est périmée et dépassée. Dans ses propos, il dit que MTS était dans les perspectives des élections législatives et que maintenant, c’est une page tournée. Mais il maintient l’intitulé par solidarité pour soutenir Khalifa Sall et l’objectif est de le sortir de prison. Maintenant pour la Présidentielle de 2019, c’est autre chose. C’est ça que j’ai compris dans ses propos.

Qu’est-ce qui, selon vous, se cache derrière cette déclaration ?

A mon avis, il ne veut pas se décider pour le moment. Pour lui, c’est encore trop tôt d’annoncer la couleur. Il préfère dans l’immédiat, par solidarité, soutenir Khalifa Sall parce que le temps politique est géré. Il a un agenda et que le moment venu, il va peut-être constituer une coalition plus large que celle de Mankoo Taxawu Senegaal. La coalition qui va naître, à son avis, sera beaucoup plus large et sera porteuse de projet de société alternatif, pour mener le combat autour d’un certain nombre d’actes politiques qui va discuter avec l’ensemble des gens qui s’y reconnaîtront. La lecture qu’on peut faire est de dire que la coalition Mankoo Taxawu Senegaal est dépassée. On n’est plus dans cette logique. On doit désormais se tourner vers d’autres échéances. Dans l’immédiat, c’est la libération de Khalifa Sall. Après, on va penser à construire une autre coalition avec des nouvelles stratégies, des axes de combat politique, qui va peut-être s’élargir. Cela n’exclut pas de discuter avec l’ensemble des forces de l’opposition.

N’est-il pas dans les plans d’Idrissa Seck de s’appuyer sur les différentes forces qui constituent la coalition MTS pour aller à la Présidentielle de 2019 ?

Je ne le pense pas. A son avis, cette coalition est restreinte. C’était seulement pour les élections législatives. Puisque lui, il pense à l’avenir. Il pensait aux élections présidentielles. C’est la raison pour laquelle il a fait beaucoup de concessions pour les élections législatives. Il ne voulait même pas se positionner pour être élu comme député. Ce qui l’intéresse, ce sont les élections présidentielles et là, il est en train de réfléchir pour constituer un noyau dur à même de porter une candidature incontournable au niveau de l’opposition.

Est-ce à dire que les objectifs d’Idrissa Seck transcendent la coalition Mankoo Taxawu Senegaal ?

Tout à fait ! Pour lui, la page Mankoo est tournée. Mais il la maintient par solidarité à ses camarades qui étaient très proches de lui dans le cadre de la lutte pour les élections législatives. Maintenant, il pense à autre chose. C’est sûr qu’il va les larguer. Là, il se positionne et il ne veut pas qu’on n’évoque justement sa candidature maintenant. Il a envie d’abord de soutenir Khalifa Sall pour représenter une candidature même si il ne le dit pas, pour se positionner parce qu’il sait que Khalifa Sall est dans une posture très difficile et que c’est lui qui représente l’autre alternative au niveau de cette coalition qui a existé, mais qu’il faut maintenir pour pouvoir l’insérer dans une grande coalition qui va mener le combat pour les prochaines élections présidentielles.

Qu’est-ce que Idrissa Seck a à gagner dans le combat pour la libération de Khalifa Sall ?

Il va apparaître comme quelqu’un qui est très proche de lui, qui fait partie de leur rang. C’est pour fédérer l’ensemble des forces qui tournent autour de Khalifa Sall. L’enjeu, c’est de ne pas laisser se disperser tous les leaders qui soutiennent Khalifa Sall. C’est pour ratisser tout cela qu’il veut manifester son soutien au maire de Dakar, pour créer une sympathie auprès de lui et qui va tirer l’ensemble des forces qui le soutiennent.

Donc selon vous, la stratégie d’Idrissa Seck consiste d’abord à fédérer l’ensemble des forces qui soutiennent Khalifa Sall avant de s’ouvrir à d’autres ?

Effectivement ! Il n’est même pas exclu qu’il négocie avec la coalition dirigée par le Parti démocratique sénégalais (PDS). Là aussi, il peut y avoir une passerelle. Ça va être très difficile de les convaincre mais il n’en pense pas moins.

Est-ce que la question de la candidature ne risque pas de se poser au sein de Mankoo, le moment venu ?

C’est possible qu’il y ait d’autres candidatures qui se dégagent dans cette coalition. Mais lui, il ne le souhaite pas parce que ça risque de l’affaiblir. Au niveau de leur pôle qui était justement réservé aux élections législatives, je pense qu’il y ait d’autres candidatures. Donc il va falloir négocier avec les leaders de cette coalition qui se positionnent pour les élections présidentielles. Lui, au sein de ce pôle, il veut qu’il y ait une certaine cohérence. Il ne veut pas qu’il soit fragmenté. S’il y a fragmentation, cela va affaiblir sa candidature. L’essentiel, c’est de pouvoir discuter avec les autres notamment avec El Hadji Malick Gakou, Cheikh Bamba Dièye, entre autres. Ce sont des gens qui ont des partis. Mais au niveau national, pour des élections présidentielles, on a besoin d’une candidature présidentiable, qui a des atouts et qui a beaucoup de chances de réussite.

Dans ce cas, est-ce que la libération de Khalifa Sall arrangerait Idrissa Seck ?

Il sait ce qui va se passer. Personne n’est dupe. Il y a aujourd’hui un procès et on s’attend à des choses. Pour lui, ce sont des calculs politiques qui sont là et qu’il ne faut pas laisser passer. Si Khalifa sort, il sera vraiment affaibli par cette épreuve et il peut y avoir des négociations. Mais ça m’étonnerait qu’il puisse s’en sortir, sauf coup de théâtre.

Si demain la justice décidait de le libérer, est-ce que cela ne compromettrait pas tous les plans d’Idrissa Seck ?

Politiquement, ça va faire beaucoup de dégâts. Mais vous savez, les politiques font des calculs et ils pensent à toutes les éventualités. Là, à mon avis, même si cela pouvait se faire, c’est plausible, c’est faisable, il peut y avoir un coup d’éclat et qu’il soit libéré, mais ça nécessitera d’autres négociations. De toute façon, comme ils sont dans la même coalition, ça nécessitera des concertations. A mon avis, Idrissa Seck, il est fin politicien et il sait à quoi s’attendre au terme de ce procès.

Jusqu’où Idrissa Seck peut-il aller pour espérer le soutien des partis et de Mankoo et ratisser large au-delà de la coalition ?

C’est sûr qu’il y a des négociations qui se feront. Il y a des gens qui ont un parti mais qui ne pèsent pas lourd. Peut-être que sur le plan communicationnel, ils interviennent beaucoup dans les médias. Ce qui manque pour faire de bonnes analyses, c’est qu’on n’a pas une mesure de l’opinion, c’est-à-dire des sondages qui nous permettent de mesurer le poids de chaque candidat. Mais on peut le savoir à travers l’expérience des uns et des autres. On sait quand même qu’Idrissa Seck est une candidature sérieuse qui pourrait faire face à Macky Sall, contrairement aux autres qui d’abord, ont du mal à se positionner ; ensuite qui sont en manque de charisme et de communication politique pour certains. Donc il va falloir revoir tout cela pour se positionner. Ça demandera du temps. Comme ils sont jeunes, ils peuvent attendre leur tour. Pour l’instant, au sein de cette coalition, Idrissa Seck semble être le mieux placé pour vraiment présenter une candidature sérieuse pour les prochaines échéances présidentielles.

Quelles sont aujourd’hui les chances pour Idrissa Seck d’atteindre ses objectifs ?

Ses chances sont grandes. Compte tenu de la situation et du contexte politique, de façon générale du climat politique, une évaluation de la situation politique laisse voir un mécontentement quelque part. Il y a un bouillonnement du champ social et politique aussi. Tout ça lui donne une latitude pour mieux apprécier la situation et faire de bonnes propositions. Mais au-delà de Idrissa Seck et tout cela, je me pose la question de savoir si jamais il y a une candidature providentielle qui arrive comme ça et qui rompt avec le microcosme de la politique avec un nouveau discours, de nouvelles équipes, qui ne traîne pas des casseroles, ça bousculera tout.

Les Sénégalais attendent ça. Quelque part, ils en ont marre des spectacles qu’on leur présente tous les jours et de l’image des hommes politiques de façon générale. Ils ont envie de voir autre chose avec de nouvelles propositions et des gens qui pensent plutôt aux Sénégalais en priorité. On a vu en France, comment c’est arrivé avec Macron. Pourquoi pas au Sénégal ? Il y a des ressources humaines de qualité qui peuvent se présenter incessamment. C’est possible. Et là, ça va bousculer toutes les habitudes, au niveau du comportement et des perspectives pour les prochaines échéances. Les rapports de forces risquent même de changer.

PAR ASSANE MBAYE
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