Le député Mamadou Diop Decroix, ancien ministre de la Communication, compter voter le nouveau code de la presse, s’il est soumis à l’Assemblée nationale, estimant que la liberté d'expression n'atteint "jamais un niveau d'irréversibilité".
"Si le projet de loi portant code de la presse nous est soumis à l'Assemblée nationale je le voterai si Dieu me prête vie", écrit-il dans une tribune, en revenant sur le processus d’élaboration du nouveau code de la presse, entamé sous le règne de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Il a rappelé que l’élaboration du nouveau code de la presse était la troisième recommandation des conclusions des Assises de la presse tenues à Mbour en septembre-octobre 2000, alors qu’il était ministre de la Communication.
Pour le compte des autres recommandations, "l'aide à la presse a été multipliée par deux, et 10% du montant était affecté à la formation des jeunes journalistes, la nouvelle carte de presse éditée, ainsi que le projet de la maison de la presse adopté".
"Cette politique était voulue par Wade. J'estime que Macky ne devrait pas faire moins. Les craintes et préoccupations exprimées par le groupe parlementaire de la majorité sont compréhensibles à bien des égards, mais les moyens de les prendre en charge existent qui ne sont pas, loin de là, le refus de la dépénalisation", estime Mamadou Diop Decroix.
"Parmi ces moyens, la réactivation d'un tribunal des pairs fort et crédible. Et puis, après tout, le Sénégal se porte-t-il mieux que les pays qui ont dépénalisé le délit de presse en matière de dérapages et qui étaient naguère derrière nous en termes de liberté de presse ?", se demande le parlementaire, membre de l'opposition.
Le groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar (BBY, majorité), estime que la dépénalisation des délits de presse entraînerait une inégalité des citoyens devant la loi, selon son président, Moustapha Diakhaté.
Dans une note rendue publique lundi, il estime que "(…) la dépénalisation, la déprisonnisation (supprimer la possibilité de condamnation à une peine privative de liberté) ne sauraient être envisageables pour la diffamation, l’injure, les fausses informations, les outrages, la discrimination raciale, la haine religieuse ou ethnique par voie (…)".
Du point de vue de M. Diakhaté, "enlever le caractère pénal à toutes ces infractions, au bénéfice des seuls journalistes (…) reviendrait à engendrer d’inacceptables inégalités des citoyennes et des citoyens devant la loi".
"Je crois profondément à la bonne foi de Moustapha Diakhaté, président du groupe de la majorité, mais le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. Les réformes arrivées à maturité doivent être adoptées sans reculer les délais", commente son collègue Mamadou Diop Decroix.
"Les libertés, notamment la liberté d'expression et de presse n'atteignent jamais un niveau d'irréversibilité. C'est pour prévenir tout processus inverse que nous devons voter le code de la presse", estime l’ancien ministre de la Communication, apportant de l’eau au moulin des acteurs du secteur.
A l’issue d’un séminaire récemment organisé à Dakar les professionnels sénégalais de la presse ont mis en avant le caractère "révolutionnaire" du nouveau code de la presse, dans l’espoir de le faire voter par les députés sénégalais qui rechignent jusque-là à le valider, en raison d’une cristallisation relative à la dépénalisation des délits de presse. Ils ont dit que le nouveau code de la presse "était bon et s’inscrivait dans une dynamique évolutive".
Dans un communiqué conjoint publié à l’issue de cette rencontre, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et la Fédération des journalistes africains (FAJ) ont appelé l'Assemblée nationale du Sénégal à adopter le nouveau code.
"Nous interpellons les députés, représentants du peuple sénégalais, pour affirmer que le projet de code en discussion est bon, très bon et d’ailleurs révolutionnaire. C’est un projet de loi qui apporte des réponses précises à des questions profondes et récurrentes qui se sont posées au secteur des médias pendant les deux dernières décennies", a déclaré Gabriel Baglo, directeur du bureau Afrique de la FIJ.
"En votant ce code, a ajouté M. Baglo dans des propos rapportés par ce communiqué, vous allez davantage faire briller l’image que votre pays se fait en Afrique et dans le monde, et votre législature en sera honoré."
Pour Mohamed Garba, président de la FAJ, "les observations, critiques et commentaires des députés sur le projet de loi sont essentiellement relatifs à leur propre compréhension de la dépénalisation des délits de presse".