Il n’est ni ange ni démon. Malick Lamotte, sorti de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature en 1993, est un juge chevronné. En 25 ans de carrière, il n’a connu que le siège. Réputé être un juge crédible, il y a toutefois un petit bémol qui écorne son image lisse. Le frère de Louis Lamotte a, en effet, été cité dans une vaste affaire de corruption dans la magistrature, en 2006.
Tous les espoirs du maire de Dakar reposent désormais sur ses frêles épaules. Lui, c’est le juge Malick Lamotte, né à Diourbel le 15 décembre 1966. Sorti de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature en 1993, il est décrit comme l’un des magistrats les plus ‘’brillants’’ de sa génération. Son entrée dans le dossier Khalifa Ababacar Sall a été pour le moins surprenante. C’était le 3 janvier 2018. Alors que tous les observateurs attendaient le juge Magatte Diop qui avait présidé la première audience y afférente, Malick surgit de nulle part. A la surprise générale. Interpellé sur cet évènement rare, Doudou Ndoye, avocat de la défense, disait : ‘’En tant que président du tribunal, il peut, à tout moment, pour une raison ou une autre, décider de se substituer à n’importe lequel des juges officiant dans ce tribunal. C’est son droit le plus absolu’’, tranche l’ancien Garde des Sceaux.
Ainsi, pour ce dernier, la personne du magistrat ayant en charge le dossier semble peu importante. L’essentiel, selon lui, est dans les actes qui seront posés, au fur et à mesure de ce procès tant suivi par l’opinion publique nationale et internationale. Et sur ce plan, le président Lamotte aura rassuré son monde, lors de son entrée en matière tonitruante. Du moins, si l’on en croit les différents témoignages.
Maitre Serigne Amadou Mbengue n’est pas commis dans cette affaire. Mais il a tenu à marquer de sa présence le début de ce procès historique. Il dit : ‘’Il (le juge Lamotte) a vraiment assuré. Dans ce genre de procès, il y a parfois trop de passion. Mais lui a su faire face avec beaucoup de sérénité. Je pense que cela l’a grandi.’’ Pour preuve, la robe noire évoque la décision du juge de renvoyer l’audience pour trois semaines. Malgré la ‘’farouche’’ opposition du tout puissant procureur Serigne Bassirou Guèye, le patron du parquet du tribunal de grande instance de Dakar. Maitre Mbengue précise : ‘’Il a vraiment démontré, une fois de plus, tout le bien que l’on pensait de lui. Il a bien écouté les arguments des différentes parties, avant de prendre sa décision qui, pour moi, s’imposait. Aurait-il agi autrement en refusant le renvoi qu’il serait passé à côté. Je pense que son attitude va rassurer davantage la défense qui a besoin d’un juge impartial pour faire valoir ses arguments. Je le connais suffisamment crédible pour remplir cette mission.’’
Un juge calme, mais rigoureux
Malick Lamotte, malgré le tumulte et l’affluence qui régnaient dans le temple de Thémis et environs, ce 3 janvier 2018, est resté zen, du début à la fin. Très conciliant dans l’ensemble, il a aussi fait usage d’une grande rigueur pour faire régner la discipline dans la salle. Demandez à cette dame, présentée comme ex-épouse du maire de Dakar. Pour perturbation à l’audience, elle a tout bonnement été exclue de la salle. Rappelant sans cesse qu’il tenait à la sérénité des débats, le frère de Louis Lamotte n’a pas manqué de taper sur la table quand il le fallait. Morceaux choisis : aux avocats de la défense qui s’en prenaient au procureur, il dit : ‘’Je suis clair. Je veux la sérénité et je serai extrêmement ferme. Si le procureur est là, l’échange doit porter sur le droit. Ce n’est pas une occasion pour insulter.’’ Ainsi, rappelait-il à l’ordre Me Ousseynou Fall qui s’en prenait au parquetier en chef. Ou encore, quand il peste à l’endroit du public. ‘’Nous ne continuerons pas à accepter les acclamations et autres signes d’approbation ou d’improbation. C’est la dernière fois que j’avertis’’, lançait-il encore aux partisans de Khalifa Sall.
Juge d’expérience, Malick Lamotte était tout simplement dans son élément. Alliant compétence et rigueur, il a su mener de main de maitre cet acte 2 de l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de la capitale.
Rattrapé par son passé
Nommé président du tribunal régional hors classe de Dakar le 16 octobre 2015, le natif de Diourbel aura fait du chemin, avant d’atterrir à cette station très convoitée. Mais, d’après les témoignages que nous avons recueillis, il n’a jamais dépassé la Petite Côte. Toute sa carrière, il l’a passée entre Dakar, Mbour et Thiès, expliquent nos sources. Sa première nomination est ‘’juge suppléant dans le ressort de la Cour d’appel de Dakar’’. Il a ainsi été affecté comme ‘’juge par intérim au tribunal régional hors classe de Dakar’’. En novembre 1995, il est titularisé comme juge par intérim au tribunal départemental hors classe de Dakar. Très vite, le juge aura tapé dans l’œil de ses supérieurs par sa ‘’maitrise, mais aussi par sa compétence et sa grande culture’’, renseignent nos interlocuteurs. Il est ainsi, par la suite, bombardé président du tribunal départemental de Mbour. Dans la Petite Côte, le magistrat se fait une belle réputation et gravit lentement les échelons. C’est en 2006 qu’il sera promu ‘’juge au tribunal régional de 1re classe de Thiès et affecté en qualité de vice-président par intérim au tribunal régional hors classe de Dakar’’.
Le retour de Malick Lamotte dans la capitale ne produira toutefois pas que du bonheur. Très vite, le juge sera mêlé à un véritable scandale de corruption qui a failli éclabousser la magistrature. C’était la même année, en 2006. Malick Lamotte devait connaitre de l’affaire Momar War Seck contre Mohamed Guèye. Le premier nommé, pour échapper à la prison, avait été accusé d’avoir tenté de corrompre des magistrats, dont Malick Lamotte. Dans un Cd qui avait été versé au dossier, une magistrate parlait des 15 millions de francs Cfa qui devaient servir à acheter la conscience des magistrats.
‘’Le rôle de chacun y est clairement expliqué par l'avocate générale Aminata Mbaye et les présumés corrupteurs Rawane Fall et Djiby Ndiaye, avec une clé de répartition des 15 millions de francs Cfa qui devaient servir à acheter la conscience des magistrats pour sauver la tête de Momar War Seck dans le dossier qui l'oppose à Mohamed Guèye. Le dispatching proposé était le suivant : 5 millions au juge Malick Lamotte, 5 millions au premier substitut du procureur de la République Mouhamadou Bamba Niang, 2,5 millions à chacun des deux assesseurs, dont Théophile Turpin’’, lit-on dans le journal ‘’Le Soleil’’ du 24 août 2006. A la suite d’une mission d’enquête de l’Inspection générale des affaires de la justice, Lamotte a été blanchi. Mais son nom était sur toutes les lèvres le jour du procès avec les plaidoiries de Mes Baboucar Cissé et Pape Leity Ndiaye. Une tache noire, difficile à effacer de la carrière du juge qui a su poursuivre son chemin, malgré cet épisode malheureux.
Même s’ils ont été blanchis du délit de corruption, la plupart des magistrats mêlés à cette affaire ont subi de sanctions disciplinaires’’, renchérit notre source. Malick Lamotte y compris.
L’ascension fulgurante
En 2008, ce dernier revient en force. Il est nommé président par intérim du tribunal régional de Thiès. Quatre ans plus tard, avec l’avènement du nouveau régime et la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, Lamotte sera rappelé à Dakar, en tant qu’assesseur à la Crei. Poste qu’il cumule avec sa fonction de président par intérim du tribunal de grande instance de Thiès.
Réputé être ‘’très proche’’ de l’ancien ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, il rejoint la chancellerie à la nomination de ce dernier comme Garde des Sceaux. Directeur de cabinet, il est par la suite nommé coordonnateur du cabinet de Me Kaba à New York, en sa qualité de président des Etats membres de la Cpi.
Magistrat du 1er grade, 1er groupe, 5e échelon, indice 3580, Malick Lamotte, en 25 ans de carrière, aura fait tomber dans sa besace plusieurs dinosaures de l’espace public national. Parmi eux, l’actuel ministre de la Culture Abdou Latif Coulibaly, le promoteur de lutte Luc Nicolaï, entre autres. Il a aussi connu des affaires Barthélémy Dias et Bamba Fall.
Aujourd’hui, c’est au tour du maire de Dakar de se frotter à ce juge, réputé être ‘’redoutable’’.