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Nouveau code forestier: Le projet de décret oublié dans les tiroirs de la présidence
Publié le samedi 20 janvier 2018  |  Enquête Plus
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© aDakar.com par DR
Le président Sall reçoit le titre de Docteur Honoris Causa de l’université nationale de Pukyong en Corée de Sud
Séoul, le 05 Juin 2015 - Le Président Macky Sall a reçu, ce 05 juin, le titre de Docteur Honoris Causa de l’université nationale de Pukyong en Corée de Sud.Une distinction pour sa contribution à la démocratie, au développement du Sénégal et aux échanges industriels et économiques entre la Corée du Sud et le Sénégal. Photo: Macky Sall écrit
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Certains environnementalistes avertis ont failli tomber des nues, ce mercredi, à la suite de la publication du communiqué du Conseil des ministres. Pour cause, le président de la République, dans le cadre de la lutte contre le trafic de bois, a annoncé la révision du Code forestier. Or, des spécialistes, documents à l’appui, affirment que le code a déjà été révisé. Même le projet de décret a été élaboré et déposé à la présidence. Ce qui pose encore la lancinante question de l’entourage du chef de l’Etat.

Il y a un président de la République qui, au crépuscule de son règne, répondait : ‘’Je ne le savais pas’’, à beaucoup de questions qu’on lui posait. Des questions qui, pourtant, touchaient directement à la vie des Sénégalais. Aussi, sous nos cieux, l’entourage des chefs de l’Etat a souvent été indexé du doigt. Parfois à tort. Mais souvent à raison. L’on est tenté de reprendre la même rengaine, suite au dernier Conseil des ministres tenu ce mercredi. Le président de la République, dans sa communication, demande ceci : ‘’La suspension, jusqu’à nouvel ordre, de toutes les autorisations de coupe de bois et de procéder, sans délai, à la révision du Code forestier.’’

Certains spécialistes, calés dans le domaine, n’ont pas manqué de tiquer, à l’annonce de cette nouvelle. D’autres ont ri sous cape.

De quoi s’agit-il ? En fait, selon ces professionnels, le premier des Sénégalais s’est complètement gouré, cette fois. En effet, estiment-ils, documents à l’appui, l’ancien Code forestier, qui datait de 1998, a déjà été abrogé, suite au référendum de 2016. Dans l’exposé des motifs de la nouvelle loi, il est clairement indiqué : ‘’La loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution, a consacré la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens, notamment le droit à un environnement sain, le droit sur les ressources naturelles et leur patrimoine foncier.’’ De même, il ressort de la nouvelle Constitution, selon toujours le nouveau Code forestier, que ‘’les pouvoirs publics ont l’obligation de préserver, de restaurer les processus écologiques essentiels, de pourvoir à la gestion responsable des espèces et des écosystèmes, de préserver la diversité et l’intégrité du patrimoine génétique, d’exiger l’évaluation environnementale pour les plans, projets ou programmes, de promouvoir l’éducation environnementale et d’assurer la protection des populations dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets et programmes dont les impacts sociaux et environnementaux sont significatifs’’.

Les ‘’avancées notoires’’ du nouveau Code forestier

Pour ces raisons, poursuit toujours le nouveau code, il était nécessaire ‘’d’adapter l’ancien code à la nouvelle Constitution et à la Convention sur le Commerce international des espèces de flore et de faune sauvages menacées d’extinction (Cites) adoptée le 3 mars 1973 et ratifiée le 3 novembre 1977’’. Ce qui a été fait, selon nos sources. La loi ayant été votée, le décret d’application déposé chez le président. Mieux, nos interlocuteurs, qui ne comprennent toujours pas pourquoi le Conseil des ministres a annoncé la révision du Code forestier, affirment que le nouveau code a permis de faire des ‘’avancées notoires’’.

Il a, en effet, permis l’adaptation de la législation forestière à certaines dispositions de la loi de 2013 sur les collectivités locales, entre autres. Outre ces avancées d’ordre institutionnel, il a aussi été pris en charge ‘’la nécessité de prendre des mesures contre les agressions multiformes sur les ressources forestières, notamment la suppression des contrats de culture devenus source de spéculation foncière et l’intensification de la lutte contre le trafic international illicite de bois’’. La réforme visait également ‘’le renforcement des moyens d’intervention des agents, notamment avec la création d’un Fonds national d’intervention pour la conservation et la valorisation du patrimoine forestier (Fni), la création d’un Fonds local d’aménagement (Fla) dont l'objectif est de renforcer la participation des acteurs à la mise en œuvre des prescriptions techniques des plans d’aménagement des forêts…

Renforcement des sanctions liées aux feux de brousse et au trafic international illicite de bois

Pour matérialiser tous ces vœux, il a été voté, à l’Assemblée nationale, une loi comprenant cinq titres. Le premier porte sur les dispositions générales ; le deuxième sur le Service des eaux et forêts, chasses et de la conservation des sols ; le titre III se rapporte à la mise en valeur des forêts ; le titre IV est relatif aux dispositions pénales ; tandis que le dernier concerne les dispositions finales.

Par ailleurs, il a été procédé à l’introduction, dans la loi, d’un nouveau chapitre consacré aux définitions, au renforcement du pouvoir de gestion des collectivités territoriales sur les forêts situées hors du domaine forestier classé, à la promotion de la concession des forêts classées comme modalité de gestion, à la déconcentration de certaines prérogatives de gestion du service forestier, à la mise en adéquation des peines avec les infractions commises, en renforçant les sanctions liées aux feux de brousse et au trafic international illicite de bois, au renforcement de la valeur probatoire du procès-verbal dressé par deux agents assermentés qui vaut jusqu’à inscription de faux pour leurs constations matérielles.

En outre, on apprend toujours de l’exposé des motifs de ladite loi, que le gouvernement misait sur une ‘’meilleure répartition des recettes forestières entre l’Etat et les collectivités territoriales, une meilleure implication du secteur privé dans la gestion de l’environnement et des ressources naturelles, par le biais de la création de forêts privées et le développement des concessions forestières’’.

Mame Thierno Dieng et Abdoulaye Bibi Baldé interpellés

En tout, le nouveau Code forestier comprend 94 articles contre 79 pour l’ancien. Dans les dispositions finales, il est clairement indiqué que ‘’le présent code abroge la loi n°98-03 du 8 janvier 1998 portant Code forestier’’ article 93. Quant au dernier article, il dispose que ‘’les modalités d’application du présent code sont fixées par décret’’. Ce qui tarde toujours à voir le jour.

D’où les questionnements des spécialistes sur l’entourage du chef de l’Etat, en particulier sur la maitrise, par le nouveau ministre de l’Environnement, des questions de son département. Estimant que le travail (la révision du Code forestier et l’élaboration du décret d’application) a déjà été fait, ils demandent la finalisation du processus, en vue de l’application de la nouvelle loi qui date d’octobre 2017. Il est vrai qu’entre-temps, le ministère de l’Environnement et du développement durable a changé de patron, en passant des mains d’Abdoulaye Bibi Baldé à celles de Mame Thierno Dieng. Mais il est d’un principe bien établi que l’Etat est une continuité. En conséquence, les changements qui interviennent à la tête des structures ne devraient, en principe, avoir aucun impact sur le fonctionnement normal des institutions. D’autant plus que l’ancien ministre de l’Environnement est toujours membre du gouvernement.

LENTEUR DANS L’APPLICATION DU NOUVEAU CODE

Le projet de décret oublié dans les tiroirs de la présidence

Nos sources trouvent d’autant plus ahurissant que même un projet de décret a déjà été élaboré et déposé dans les tiroirs du président de la République. Ledit projet de décret précise : ‘’Ce présent projet de décret apporte, entre autres, les innovations suivantes : l’encadrement des défrichements, des feux de brousse ainsi que du pâturage par des règles strictes, la responsabilité pénale des personnes morales, la prise en compte des mesures relatives au commerce international des espèces de flore et de faune menacées, les sanctions liées au trafic international illicite de bois.’’

Articulé autour de trois titres, il traite, dans le titre premier, de la gestion des forêts, dans le deuxième, de la protection des forêts, enfin, dans le troisième, il est question des dispositions finales.

Ce projet de décret toujours au niveau des services de la présidence, est composé de 59 articles. Le dernier affirme : ‘’Le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, le ministre de l’Environnement et du Développement durable sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au ‘Journal officiel’’’.

Apparemment, toutes ces autorités n’ont pas été en mesure de souffler au chef de l’Etat la bonne information. C'est-à-dire que l’ancien code a été abrogé et remplacé depuis octobre 2017. Et que le décret d’application dort encore dans les tiroirs du président de la République.
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