La rébellion indépendantiste de Casamance a condamné lundi le massacre de 13 jeunes dans une forêt de cette région du sud du Sénégal en deuil, prônant la poursuite du dialogue pour trouver une "issue heureuse" à un conflit vieux de 35 ans.
Le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), qui lutte depuis 1982 pour l’indépendance de la Casamance, "condamne fermement cet acte", a-t-il indiqué lundi sur son site.
Soupçonnés par certains observateurs d’être à l’origine de ce regain de violence dans une région qui a connu plusieurs années d’accalmie, le mouvement rebelle demande "aux autorités sénégalaises d’orienter leurs enquêtes vers" des responsables administratifs et militaires locaux "à la tête d’un vaste réseau de coupe clandestine et de vente illicite du bois de teck", selon le texte.
Le teck est un arbre tropical qui produit un bois précieux très recherché notamment pour la fabrication de ponts de bateaux et de meubles de jardin. Il pousse en Casamance, une des régions les plus boisées du Sénégal, voisine de la Guinée-Bissau et de la Gambie, et fait l’objet de nombreuses convoitises et de trafics.
La rébellion lie plus précisément le massacre de samedi, qui s’est déroulé près de Ziguinchor, la principale ville de la région, à un conflit entre des scieries locales, dont la "forte concurrence a fini par instaurer une atmosphère d’animosité entre les employés".
- ’Fossoyeurs de la paix’ -
"Le MFDC continue dans sa dynamique d’ouverture au dialogue en faveur d’une issue heureuse au conflit casamançais. Le mouvement "ne se laissera pas distraire ni désorienter par les fossoyeurs de la paix" et des acteurs locaux "qui ne visent rien d’autre que de casser la dynamique de paix afin de pouvoir mieux vivre du conflit", poursuit le texte.
Un responsable local de la rébellion, Oumar Ampaye Bodian, a également condamné le massacre de samedi, "un acte odieux (qui) ne peut rester impuni au moment où le président de la république a tendu la main" au MFDC, a affirmé M. Bodian sur la radio privée Sud FM.
"Nous restons déterminés" dans la recherche de paix parce que "la question de la Casamance doit être réglée autour d’une table", a-t-il poursuivi.
"L’aile politique intérieure et extérieure du MFDC se démarquent de cet acte odieux. Nous allons descendre dans le maquis pour situer les responsabilités", a t-il ajouté, en n’indiquant pas si des membres de la rébellion étaient ou non impliqués dans la tuerie.
Alors que l’armée continue à ratisser la région pour rechercher ses auteurs, le président sénégalais Macky Sall a décrété un deuil national de deux jours, qui a commencé lundi, pour "honorer la mémoire des victimes de l’attaque armée".
- ’Réjouissances interdites’ -
"Pendant cette période, le drapeau national est en berne et des minutes de silence sont observées durant toutes les cérémonies officielles. Les rassemblements et autres cérémonies de réjouissance sont interdits sur l’étendue du territoire national", indique un communiqué du gouvernement.
L’attaque s’est produite dans la forêt de Borofaye, dans la commune de Boutoupa Camaracounda, lorsque des jeunes, qui affirment être partis chercher du bois de chauffage, ont été surpris par une bande d’hommes armés.
"Ils nous ont fait coucher à plat ventre et ont commencé à tirer", a raconté à l’AFP un rescapé, Ayib Ly.
Cette attaque a causé "la mort de treize jeunes hommes, dont dix par balle, deux par arme blanche et un brûlé" et une demi-douzaine de blessés, selon les autorités.
Ce massacre met à l’épreuve le processus de paix en Casamance, relancé en octobre lors d’une réunion à Rome entre le gouvernement et une faction du MFDC mandatée par l’un de ses chefs, Salif Sadio.
Cette médiation se fait sous l’égide de la communauté catholique de Sant’Egidio, médiatrice dans ce conflit qui a fait des milliers de victimes civiles et militaires, ravagé l’économie de la région et poussé de nombreux habitants à fuir.
Les tractations de paix se sont multipliées depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall en 2012.
Evoquant dimanche de "possibles règlement de comptes", une source sénégalaise proche de la médiation avait affirmé à l’AFP: "Je ne pense pas qu’il y ait une remise en cause du processus de paix".
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