C’est un Omar Pène en pleine forme qui nous a reçus, avant-hier, dans les locaux de son ami et confident Omar Wade. Débordant d’énergie et surtout de fraicheur, ‘’Gorou Bana’’ chante avec ‘’EnQuête’’ tous les sujets de l’heure. Super Diamono, Afsud, Plan Sénégal émergent, émigration clandestine, chômage des jeunes, rapport avec ses collègues chanteurs… L’auteur de ‘’Andado’’ joue sur toutes ces gammes. Et sans fausse note.
Qu’est-ce qui explique votre longue absence de la scène musicale sénégalaise ?
Je travaillais tranquillement dans mon coin. Parce qu’il a fallu renouveler le Super Diamono. Il y a eu des départs et il fallait remobiliser et travailler avec les nouveaux pour continuer l’œuvre Diamono. Pour autant, on continuait à jouer dans des lieux que les gens connaissent bien. C’est ce qu’on a fait, en sus de réorganiser la structure qui gère les affaires d’Omar Pène. C’est pour cela que j’ai fait appel à mon ami et frère Omar Wade qui est aujourd’hui administrateur des affaires d’Omar Pène. Je continuais, à côté, à recevoir mes soins. Mais disons qu’on était dans la continuité. Comme j’ai l’habitude de le dire, on n’est pas dans l’exhibition. On travaille dans la discrétion et ça a été toujours été comme ça.
Le Super Diamono est recomposé aujourd’hui. Est-ce qu’on peut toujours s’attendre à la même qualité musicale ?
Je vous invite à venir assister à notre spectacle de ce vendredi 29 décembre au Grand Théâtre. Comme cela vous-mêmes vous pourrez vous rendre compte de ce qui se passe. Quand on n’a pas la qualité qu’il faut, quand on ne peut accompagner Omar Pène, il est impossible, pour un musicien, d’intégrer le Super Diamono. Vous savez bien que j’insiste toujours sur la qualité musicale. Les sonorités de tout bord ne m’intéressent pas. Moi, véritablement, c’est un ensemble de mélodies qui m’intéresse. Durant tout mon cursus, j’ai opté pour une qualité musicale sans commune mesure.
A l’étranger, vous jouez toujours avec des sidemen ?
Oui, je reviens d’ailleurs d’une tournée et j’ai joué avec ces musiciens-là. C’est-à-dire Hervé Samb, Alune Wade, Papis Bâ, etc. Ce sont des musiciens qui ont l’habitude de m’accompagner. Je fais du mbalax et de l’acoustique. Et pour ce dernier style musical, ce sont les musiciens qui vivent en France qui m’accompagnent. Pour le mbalax, ce sont des instrumentistes qui vivent à Dakar qui sont avec moi.
Il y a eu quatre générations de musiciens qui ont joué avec vous. Aujourd’hui, que pensez-vous pouvoir apporter de plus ?
La musique, c’est tout une vie. Même si j’ai abordé plusieurs thèmes qui intéressent les gens, j’ai encore envie de proposer des choses. J’ai parlé, par exemple, de l’émigration clandestine, il y a longtemps. Cela n’avait pas encore cette ampleur-là. Quand j’ai parlé de démocratie, en évoquant les différents foyers de tension qui existaient à l’époque, on n’en était pas encore à ce qu’on vit aujourd’hui. Les choses évoluent, mais on vit les mêmes problèmes. Il faut réactualiser et je crois que les gens ont encore besoin qu’on leur dise ce qui se passe actuellement et qu’on essaie de trouver des solutions à tous ces problèmes-là. Moi, c’est mon quotidien. J’aime m’informer de tout ce qui se passe autour de moi. Le monde est devenu un grand village planétaire. On est tous interconnecté et il y a toujours des choses à dire. Même s’il faut se répéter, je crois qu’il ne faut jamais se lasser. Il faut continuer à dénoncer ce qui porte préjudice à certaines personnes. Se rendre utile, c’est mon credo.
Comme vous l’avez dit, il y a certains des problèmes que vous avez évoqués dans vos chansons, il y a longtemps, qui persistent encore. Serait-ce lié à un manque de volonté politique ?
Je crois que ceux qui nous dirigent doivent prendre des décisions pour éradiquer certains fléaux. On parle toujours de l’émigration clandestine. Un phénomène qui a pris une ampleur qui n’inquiète pas que les Africains, mais le monde entier. Tout le monde en parle. Ce qui s’est passé dernièrement en Libye interpelle tout le monde. C’est aux décideurs de prendre leur courage à deux mains et essayer de trouver des solutions à ces problèmes-là. Ce n’est pas un fait inhérent au Sénégal ou à la Côte d’Ivoire, par exemple. C’est tout un continent qui doit se mobiliser pour résorber ces écueils. Le sous-développement est la cause de tous ces maux. Je suis entièrement en phase avec le Plan Sénégal émergent qui pourrait nous aider à trouver des sorties de crise. Il y a des jeunes qui prennent des embarcations de fortune pour aller vers ‘’l’eldorado’’. Ce qui n’est qu’un mirage pour moi. L’Europe se referme. Les jeunes meurent le long des côtes européennes.
Vous avez eu à chanter ‘’Chômeurs’’, donc vous connaissez bien la problématique de l’emploi en Afrique. N’est-ce pas la faute des décideurs politiques si, aujourd’hui, ces jeunes sont si désespérés au point de risquer leur vie dans des embarcations de fortune…
(Il coupe) Les décideurs politiques ont une grande part de responsabilités dans cette affaire. Il faut qu’ils prennent ces problèmes à bras le corps et qu’ils essaient de trouver des solutions à ces derniers. Imaginez qu’après un cursus scolaire réussi, vous sortez de l’université bardé de diplômes et vous peinez à trouver du travail. Ce n’est pas facile à vivre, surtout dans nos sociétés. Le travail engage une certaine dignité. Quand on ne travaille pas, au sein de sa propre famille, on n’est pas considéré. Cela peut pousser quelqu’un à aller chercher du travail ailleurs, même en risquant sa propre vie. Nous sommes conscients de ces problèmes, mais nous ne pouvons que les dénoncer à travers nos chansons. C’est notre manière à nous de conscientiser les décideurs.
Mais il faut aussi que certains essaient de se professionnaliser en ayant un métier. Pour la construction d’une maison, par exemple, on a besoin de maçons, de plombiers, de carreleurs, de peintres, d’électriciens, de menuisiers, etc. On a besoin de gens issus de différents corps de métier, en somme. Le Sénégal est un pays en construction. On a donc besoin de main d’œuvre. Il y a quelques années, les décideurs avaient tout misé sur les universités. Ils n’avaient pas pensé à créer des centres de formation pour ceux qui ne réussissaient pas à l’école. Il faut également dire que cela ne semblait pas intéresser les jeunes qui voulaient tous être des fonctionnaires. Ils voulaient tous avoir un bureau et un stylo dans sa veste. Les parents s’enorgueillissaient à côté, en disant partout : ‘’Mon enfant est fonctionnaire.’’ Mais que gagnent-ils comme salaire ? Moi, je reste convaincu qu’un maçon peut gagner plus qu’un bureaucrate de la hiérarchie 4. On est très en retard sur ce plan. A un certain moment, on était sur le même pied que certains pays d’Asie. Aujourd’hui, allez en Corée, ils sont très en avance sur nous. Il faut maintenant changer de mentalité. Il faut que chaque jeune qui ne réussit pas à l’école puisse avoir un métier. Cela pourrait régler, en partie, le problème du chômage.
Pensez-vous qu’on est dans cette dynamique, au Sénégal ?
Les choses semblent bouger. Je suis la télévision et j’ai vu qu’il y a de plus en plus de centres de formation professionnelle. Il faudrait en faire un peu plus. Il n’est pas possible que tous les jeunes soient des diplômés des universités. Ce n’est pas possible et cela pourrait résoudre beaucoup de problèmes.
Que vous inspire la vente de jeunes Africains comme esclaves en Libye ?
Je crois que tout ça est dû à la situation en Afrique. Pourquoi les Africains ne prennent pas conscience du fait que l’Afrique peut s’en sortir ? Pourquoi sommes-nous toujours dépendants des autres continents, c’est-à-dire de l’Europe, des Usa ? On nous donne des aides, des subventions. On nous montre des choses qui viennent de l’étranger à la télévision avec fierté. Moi, je ne suis pas fier de voir cela. On doit se prendre en charge. L’avenir du monde, c’est l’Afrique. Ce continent a des potentialités, il est très riche. Pourquoi ne prend-on pas la responsabilité d’exploiter nos richesses, nos ressources nous-mêmes, au lieu de dépendre du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, de l’Union européenne, etc.? Celui qui te donne l’argent te dicte ce qu’il faut faire.
Il y a un débat sur le Franc Cfa. Avez-vous une position sur la question ?
Si sortir de la Zone franc peut contribuer à nous rendre beaucoup plus indépendants, je trouve que c’est tant mieux. Je ne suis pas économiste pour dire qu’il faut faire ceci ou cela. Je pense juste qu’il faut mettre tous les atouts de son côté. S’il faut, aujourd’hui, créer une monnaie qui permet de rivaliser avec les autres, pourquoi pas ?
Le président français, Emmanuel Macron, pense que l’une des voies de développement de l’Afrique est la baisse de la natalité. Qu’en pensez-vous ?
Je trouve que ce n’est pas la solution. Prenons le cas de la Chine. La population chinoise est très nombreuse. Mais ce pays est en train de devenir la première puissance mondiale. Il ne faut pas nous imposer cela. La taille démographique importe peu. La base, c’est l’éducation. Moi, je trouve qu’il y a tout pour réussir en Afrique. Il y a des hommes et des femmes qui sont capables et ont l’intelligence de gérer les choses. Mais si on ne prend pas nos responsabilités en changeant nos mentalités, rien ne changera. On parle aujourd’hui, par exemple, de Sénégal émergent. Je soutiens à 100 % ce projet. Parce que mon métier me permet de beaucoup voyager. J’ai eu la chance d’aller dans des pays dits émergents. Je me dis que si demain le Sénégal peut atteindre ce niveau-là, c’est tant mieux.
Ce n’est pas le fait de créer des infrastructures qui peut nous aider à arriver à ce stade, même avec une croissance à deux chiffres. Si les mentalités ne changent pas, on ne bougera pas d’un centimètre. Il faut qu’on soit conscient qu’il faut changer de mentalité. Il faut arrêter de se dire ‘’ce n’est pas possible’’. Pourquoi ça ne l’est pas ? J’ai envie de paraphraser Barack Obama qui disait ‘’Yes we can’’ (Ndlr : ‘’Oui, nous le pouvons’’, en langue anglaise). Il faut y croire. Ceux qui sont partis sur la lune y sont arrivés parce qu’ils y croyaient. Nous, nous sommes là à regarder les autres avancer et nous sommes émerveillés. Mais essayons quand même de faire comme eux en travaillant. Nous en avons les compétences et n’avons rien à envier aux autres sur ce plan. Nous avons tout pour réussir.
Il y a maintenant un autre problème. Est-ce qu’on nous laissera le faire ? Il faut à présent une révolution des consciences pour y arriver. Prenons l’exemple de la France. Il y a eu la Révolution de 1789. C’est cela qui a changé la donne dans ce pays. Il faut que nous la fassions, cette révolution, en arrêtant d’être dépendants. Nous ne sommes pas indépendants parce que nous ne gérons rien du tout. Pour être indépendant, il faut savoir se prendre en charge.
Votre longévité sur la scène musicale, vous la devez, en partie, à Afsud qui semble être plus qu’un fan club. Qu’est-ce qui vous lie vraiment à ces gens-là ?
Jusqu’à présent, je vous jure que je n’ai pas encore compris sérieusement ce qui se passe entre Afsud et Omar Pène. A la création d’Afsud, en 1989, les jeunes qui l’ont mise sur pied écoutaient la musique d’Omar Pène. Ils ont alors décidé de mettre sur pied un fan club parce qu’ils disaient se nourrir de ce que je disais dans mes chansons. Ils discutaient des thématiques que je développais, échangeaient autour de cela. Ils considéraient que je leur délivrais des messages importants et ils ont ainsi voulu me rendre la pareille en me disant : ‘’Tu as trouvé des oreilles attentives et des gens très conscients de ce que tu dis et cela les aident à persévérer.’’ J’ai rencontré, à l’université, des gens, des cadres à divers endroits qui me rappellent et me disent que j’ai été une source de motivation pour eux. C’est une fierté pour moi. C’est une relation sincère qui me lie à Afsud. Moi, je me perds des fois dedans, mais toujours est-il qu’il y a une constante qui est là.
On ne peut pas négliger ce genre de choses. Et ce sont tout le temps des jeunes qui adhèrent parce que cela se transmet de génération à génération. La génération de 1989, par exemple, n’a plus le temps aujourd’hui. Mais le 24 décembre, par exemple, à la soirée retrouvailles, toutes les générations s’y retrouvent, des plus jeunes au moins jeunes. Pas plus tard que ce 24 décembre, il y avait un public très composite. Je n’avais rien compris. J’ai la chance d’avoir un public très fidèle. Ce sont des inconditionnels d’Omar Pène. Pour un artiste qui veut faire carrière, il lui faut ce genre d’organisations. Mon fan club est mon énergie.
A chaque fois que je joue devant ces jeunes-là, je me dis que je ne dois jamais les décevoir. Parce qu’ils croient en moi. Ce sont des jeunes qui ont refusé d’aller émigrer par exemple ou de faire ce que les autres font parce qu’ils se disent que notre idole nous a instruit une certaine façon de vivre et de voir les choses. Omar Pène a été un enfant de la rue, tous mes fans le savent et j’ai partagé mon expérience avec eux. Je ne pense pas à un ‘’Mademba’’ ou à ‘’Massamba’’. Moi, je me dis que je n’ai pas de concurrent. Heureusement que je suis devenu chanteur et non pas footballeur. A 60 ans, il y a des gens qui croient encore en moi.
Vous pensez mettre en place une fondation. Quelle sera la part d’Afsud dans ce projet ?
Mes fans se nourrissent déjà de mes œuvres. Certains me disent qu’elles ont été une sorte de bréviaire, de repère, de guide pour eux, pour pouvoir affronter la vie avec ses turpitudes, ses hauts et ses bas. Quand je travaille sur un projet musical, je veux qu’il transcende les générations, s’immortalise. C’est pour cela que je n’aime pas chanter n’importe comment. Je veux toujours chanter juste pour ce fan club qui est aujourd’hui composé de gens divers. Il y a, au sein de cette organisation, de hauts cadres de l’Administration publique, des colonels, des inspecteurs des impôts, des journalistes même. Ils sont venus communier avec moi le 24 décembre dernier et je n’ai jamais vécu de moments aussi forts.
Aujourd’hui, je suis très sensible au sort des différents fans et amis d’Omar Pène qui n’ont pas encore trouvé leur voie. C’est pour cela qu’en relation avec des amis, on a mis en place cette Fondation Oumar Pène pour l’éducation, la formation et l’enfance. Je voudrais réunir l’ensemble du fan club dont les membres recensés de 1991 à ce jour sont de l’ordre de 45 mille. Cette association a son récépissé délivré par le ministère de l’Intérieur. Depuis quelque temps, des actions ont été entreprises comme des dons de sang, des soutiens à des pouponnières, etc. Aujourd’hui, je compte réunir tous mes fans pour essayer de voir comment, à travers cette fondation, aider ces jeunes inconditionnels d’Omar Pène qui n’ont pas encore trouvé leur voie. On essaiera de les regrouper autour d’un projet viable et durable afin de contribuer à l’émergence de notre cher pays, en relation, bien entendu, avec les autorités compétentes.
Cette année, il y a eu la relance du Grand prix du chef de l’Etat pour les Arts et les Lettres. Pourquoi vous n’avez pas postulé pour prétendre au sésame ?
Non, je n’ai pas candidaté parce que je n’en avais pas envie tout simplement. Je ne pense pas non plus postuler pour les prochaines éditions. Cela ne m’intéresse pas, très sincèrement. Moi, je ne fais pas de la musique pour gagner des prix. Je ne suis pas contre cela. Mais, personnellement, cela ne m’intéresse pas. Cela ne fait pas partie de l’esprit Diamono. Pour moi, c’est une compétition. Et moi, je ne suis en compétition avec personne. Je fais un métier et j’ai un profond respect pour tous ceux qui font le même travail que moi. Je fais ce que j’ai à faire et ce que les autres font ne m’intéressent pas. En rigolant avec mes amis, je leur dis souvent que je ne suis chanteur que quand j’ai le micro devant moi. Ma passion c’est le football, suivre des débats, m’informer, lire, etc. J’aime faire autre chose que de chanter. Donc je n’ai pas le temps de penser à ce que fait X ou Y.
Est-ce pour cela vous êtes l’un des rares chanteurs sénégalais à être en bons termes avec tout le monde ?
Oui, c’est pour cela que je suis en bons termes avec tous mes collègues. J’ai partagé la scène du Diamono avec Ismaïla Lô pendant 5 ans. Vous allez le voir et il va vous dire qu’on n’a jamais, mais au plus grand jamais échangé de vilains mots. Jamais. A chaque fois qu’on se voit, il m’appelle affectueusement ‘’mon grand frère’’. Il n’y a jamais eu de bisbilles entre nous. Ce qui m’intéresse, c’est de faire mon travail le plus normal possible. J’ai autre chose à faire comme faire plaisir à mon fan club. Je respecte les autres et ce qu’ils font.
J’ai mon chemin tracé et je ne vais pas empiéter celui de Mademba ou de Massamba, du tout. C’est ma philosophie et mon intime conviction. Mon seul souci a toujours été d’essayer de sauvegarder ma liberté de ton et d’esprit. Au cours de mon parcours, je me suis battu contre moi-même d’abord pour garder ma liberté et mon indépendance. C’est pour cela que je vis comme je vis. Des gens se posent des fois la question et se demandent si je vis toujours. Parce que je ne suis pas très médiatisé. Je ne me bouscule pas aux portillons des télévisions ou des radios pour me faire inviter. Jamais au plus grand jamais, je ne ferai cela.
J’ai fait 42 ans de carrière, aucun animateur ne peut vous dire qu’un jour Omar Pène m’a appelé pour dire ‘’mettez ma musique’’ ou ‘’pourquoi vous ne mettez pas ma musique’’. Quand il n’y avait qu’une télévision et une radio, les jeunes sont venus me voir chez moi et m’ont dit qu’ils voulaient me parler. Ils m’ont dit qu’ils se passaient des choses et eux savaient que ça n’allait pas être moi qui allais les régler. Quand je leur ai demandé de me dire ce qui se passait, ils m’ont fait savoir que c’était le fait qu’on ne mettait la musique de Diamono ni à la télé ni à la radio qui les dérangeait.
Je leur réponds en leur disant qu’il y a une radio en Gambie qui met, du matin au soir, la musique de tout le monde. Si vous voulez écouter la musique de Diamono, captez cette radio. Ils me regardent et me disent : ‘’Mais grand, est-ce que vous savez de quoi on parle ?’’ Je les coupe et leur dis laissez-moi terminer, je n’ai pas encore fini. Croyez-vous qu’il y aura éternellement au Sénégal qu’une seule chaine de télé et de radio ? Mais non. Ils étaient alors incrédules. Je leur ai demandé de rentrer et de se passer mes cassettes entre eux en leur assurant qu’un jour, au Sénégal, il y aura une multitude de chaines de télé et de radio, et qu’on arrivera au jour où notre chaine préférée sera notre télécommande. On en est à cela aujourd’hui. Pour moi, ceux qui animent les émissions peuvent mettre qui ils veulent. C’est leur droit le plus absolu. Moi, Omar Pène, je refuse de faire du lobbying pour cela.
2017 a été déclarée Année de la culture. Avez-vous senti une particularité ?
(Il hésite) Je ne sais pas trop...
Que pensez-vous alors de la politique culturelle du Sénégal ?
Je ne saurais dire qu’il y a une politique culturelle. Vraiment, il n’y en a pas, je dirais. Au Sénégal, je ne connais pas un seul grand festival annuel national comme on le fait dans les autres pays. A part le Grand Théâtre et Sorano, il n’y a pas de lieux pour organiser des soirées. Cela n’existe pas. Il n’y a pas un seul magasin qui vend du matériel de musique. Dire qu’il y a une politique culturelle, c’est raconter des histoires. Les acteurs culturels se débrouillent. Les artistes sénégalais, toutes tendances confondues, sont très courageux. Ils se sont faits à l’idée qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Sur ce plan-là, je leur tire à tous mon chapeau. Il n’existe pas de politique culturelle au Sénégal.
Le président de la République veut quand même que les choses changent. Il a dit dernièrement que son vœu est que les artistes sénégalais puissent vivre de leur art. A votre avis, que faudrait-il faire pour y arriver ?
Il faut donner aux artistes les moyens d’exercer leur métier convenablement, leur créer des espaces où ils peuvent s’épanouir et leur créer les conditions qui puissent leur permettre d’être en sécurité. Jusqu'à présent, la piraterie existe. On n’arrive plus à vendre 500 Cd dans ce pays. Les œuvres des artistes ne sont pas protégées. Les conditions pour dissuader les pirates ne sont pas créées. On a crié sur tous les toits. On a tenu des réunions, des conférences, etc. On a interpellé les plus hautes autorités de ce pays. Une brigade a été créée mais, à ce jour, cela n’a servi à rien. J’ose espérer que le projet du président va améliorer nos conditions. Il est le protecteur des arts et des artistes, et moi je le soutiens dans toutes ses entreprises. Je pense que celle-ci sera une réussite.
Pourquoi vous chantez le plus souvent que ceux qu’on appelle ici ‘’de petites gens’’, jamais de gens riches ?
Ce n’est pas pour cela que je suis devenu chanteur. Moi, je chante pour que cela soit utile. Je ne vois aucun intérêt à chanter quelqu’un qui ne me connaît pas, avec qui je n’ai aucune affinité. Je chante l’amitié, mes amis. Ce sont des valeurs que je véhicule et c’est important de se les appliquer en premier. Aujourd’hui, nous vivons dans une société d’opportunistes. Nous sommes en train de jouer un rôle qui casse tout. Quand on a de l’argent, on peut tout se permettre. Les riches écrasent les pauvres et ce n’est pas une vie. Cela ne m’intéresse pas du tout de chanter ces gens-là, très sincèrement. Je ne serais même pas à l’aise si je devais le faire. Cela ne fait pas partie de ma philosophie.
Quel regard jetez-vous sur l’état de la musique sénégalaise actuellement ?
Il y a un engouement, aujourd’hui, que nous vivons. Ce que je peux considérer comme un acquis, c’est le statut qu’a le musicien. Il y a quelques années, on se cachait pour chanter. On ne voulait pas que nos parents le sachent parce qu’être chanteur, à cette époque, n’était pas bien vu. Actuellement, on constate que les artistes sont des gens respectés. C’est tout une génération qui a travaillé pour aboutir à cela. Il y a maintenant peu de parents qui interdiraient à leur fils de faire de la musique. Parce que certains ont réussi dans ce métier, ont construit leur maison et ont de quoi nourrir leur famille. Pour moi, c’est le côté le plus positif. Maintenant, c’est toujours compliqué d’être dans une corporation et de critiquer Mademba ou Massamba. Je ne me permettrais pas cela, très sincèrement.
Que pensez-vous de l’arrestation du maire de Dakar Khalifa Sall ?
Comme vous avez l’habitude de le dire vous les journalistes, quand une affaire est pendante, il faut laisser la justice faire son travail.