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Interview Mame Less Camara, formateur au CESTI: ‘’Le journalisme d’investigation est un journalisme à risques’’
Publié le samedi 23 decembre 2017  |  Enquête Plus
Conférence-débat
© aDakar.com par DF
Conférence-débat sur "le traitement des droits de l’homme par les médias en Afrique"
Dakar, le 23 juin 2016 - Une importante conférence-débat sur "le traitement des droits de l’homme par les médias en Afrique" a été organisée, à l`Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Photo: Mame Less Camara, journaliste-formateur




Une quarantaine de journalistes de quinze pays de l’Afrique de l’Ouest ont été, pendant trois jours, formés sur la production de rapports d’enquêtes sur les crimes économiques et financiers. Une formation initiée par le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba). Mame Less Camara, formateur au Cesti, est l’un des experts qui a participé au séminaire. Au sortir de cette session de formation, il revient sur ce qu’est le journalisme d’investigation.

Le Giaba vient de boucler un séminaire de trois jours avec une quarantaine de journalistes de quinze pays de la Cedeao sur le journalisme d’investigation. Peut-on savoir ce qu’est le journalisme d’investigation ?

Le journalisme d’investigation, c’est un journalisme de recherche, un journalisme d’enquête. C’est un journalisme qui suit des processus assez spécifiques afin d’arriver à traquer quelque chose de précis. Disons quelque chose que l’on cache. Le journalisme d’investigation a pour mission de dévoiler, de montrer ce qui est caché et qui est souvent dissimulé pour de mauvaises raisons, qu’il s’agisse de détournement, qu’il s’agisse d’autres actions que la communauté a non seulement besoin et qu’elle a aussi le droit de connaitre.

Peut-on dire alors que cette forme de journalisme touche seulement le secteur économique ?

Non, il s’agit de toute chose que l’on peut cacher. Maintenant, il est sûr que son aspect le plus usager, c’est l’aspect quête de détournement, d’utilisation de procédés malhonnêtes pour accéder souvent à de l’argent public ou pour blanchir de l’argent ou bien alors pour trouver des processus afin de se le partager. Si, par exemple, on se trouve devant une épidémie brusque dans le bétail, essayer de chercher quelle est la vraie raison : est-ce que c’est une maladie, j’allais dire normale ? Est-ce qu’il y a malfaisance derrière ou bien est-ce qu’on a trafiqué dans l’aliment de bétail des produits périmés qui font que le bétail meurt ? Bref, au fond, c’est souvent le financier et l’économique, au point que l’une des grandes idées du journalisme d’investigation, c’est : quand vous ne comprenez pas comment ça se passe, cherchez le chemin de l’argent. Quand vous cherchez le chemin de l’argent, vous allez vers la vérité.

Est-ce que le journalisme d’investigation attire en l’Afrique, en particulier au Sénégal ?

C’est assez frappant que, de plus en plus, des confrères, des consœurs veuillent s’initier au journalisme d’investigation, qu’ils veuillent le pratiquer aussi. En partie, on peut dire que cela est dû au fait qu’il y a une offre de formation faite par des organismes comme le Giaba dont la finalité est de trouver, de démasquer les auteurs de détournements ou de crimes financiers. On voit aussi que des organismes, qui financent le développement et qui veulent savoir ou va leur argent, encouragent beaucoup les journalistes à traquer la piste de l’argent pour trouver si, par exemple, un programme de développement bénéficie de la totalité des financements débloqués par le bailleur ou bien alors, est-ce qu’il y a, de la part de ceux qui constituent l’encadrement local ou même international, des techniques qui sont mises en œuvre pour détourner l’argent, pour annoncer plus de dépenses qu’on en a faites. Tout ceux-là financent des programmes de formation aux journalistes d’investigation. Et puis, dans les écoles de formation, maintenant, la demande est réelle. Au Cesti où j’enseigne, chaque année, je participe au moins une fois à une session de formation au journalisme d’investigation.

Le journalisme d’investigation comporte-t-il des risques ?

Le journalisme d’investigation est un journalisme à risques. Quand vous touchez aux intérêts des gens, vous vous dressez devant eux, ils vous considèrent comme un obstacle. Or, un obstacle, ou bien on l’élimine physiquement ou bien on le corrompt moralement. C’est donc l’argent ou les armes. Mais, dans tous les cas, le journalisme d’investigation est un journalisme qui, effectivement, expose ses adhérents à des formes de répression plus ou moins violentes, plus ou moins malhonnêtes, du point de vue de l’éthique.

Il y a lieu alors que le journaliste soit bien payé, afin qu’il ne verse pas dans certaines pratiques…

Bien payé, bien protégé. Bien payé, oui ! Ceux qui s’estiment lésés vont s’attaquer à ce journaliste par la menace directe, par la menace sur son entourage, sa parenté, ses amis. Tout ça s’est vu à travers le monde. Il faut aussi protéger ce journaliste moralement, c’est-à-dire lui donner les moyens, par un salaire décent, de faire face à la tentation. Parce que, si vous prenez un journaliste mal payé, vous l’exposez à la tentation, en lui donnant une mission d’investigation. L’investigation, c’est des intérêts. Là, tout s’achète. En tout cas, il y a des gens qui pensent que tout s’achète. Il faut donc renforcer la capacité de résistance morale du journaliste, en lui payant un salaire décent. Donc, quand on lui propose de l’argent, il sait qu’il en a pour vivre. Alors, s’il cède à la tentation, c’est lui qui a faibli et ce n’est pas autre chose.
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