Dans le domaine de l’éducation comme de la santé, le gouvernement a intérêt à hâter le pas dans le respect des accords. Les syndicats montrent de plus en plus des signes d’agacement face à ce qu’ils considèrent comme un manque de volonté des autorités.
2018 pourrait être bien différente de 2017, sur le plan syndical. En effet, l’année dernière a été particulièrement apaisée, en ce sens qu’il n’y a pratiquement pas eu de grève. L’année scolaire 2016/2017 a été exceptionnellement sans perturbation. A la sortie d’une grève dont l’issue a été difficile en 2016, avec des mises en demeure, réquisitions et menaces de radiation, et dans une quête de représentativité à travers des élections syndicales, les organisations ont été dans une position d’observation durant l’année qui a suivi. Après 12 mois, elles ont estimé que le gouvernement manquait de volonté pour le respect des accords signés.
Ainsi, avant même l’ouverture des classes, les leaders syndicaux ont commencé à alerter. Les conférences de presse se sont multipliées pour attirer l’attention de l’opinion sur la situation. Mais, visiblement, ça n’a pas fait évoluer les choses. Depuis quelques mois, les enseignants semblent être dans une logique de confrontation. Sur les 7 syndicats reconnus représentatifs à l’issue des joutes, 4 ont déjà déposé un préavis de grève, avec épuisement du délai règlementaire. Le Saems sera le cinquième, dans les jours à venir. Il ne reste que le syndicat des inspecteurs (Seins) et celui des arabisants (Snelas/Fc) qui sont, malgré tout, dans la même logique de combat.
Lundi dernier, ces organisations se sont retrouvées dans les locaux du Saems pour dégager une position commune. Il faut dire que c’est l’Etat qui a précipité ces retrouvailles, en ponctionnant les salaires des fonctionnaires du mois de novembre (20 000 à 60 000 F Cfa). Une ‘’erreur’’ qui, selon le directeur de la Solde, est intervenue dans le cadre du nettoiement du fichier de la Fonction publique qui, d’après lui, comporte beaucoup d’irrégularités.
Quoi qu’il en soit, les enseignants n’ont pas tardé à réagir. Surtout que cette ‘’erreur’’ (gouvernement) ou ‘’provocation’’ (syndicat) est également intervenue à la date butoir à laquelle l’Etat devait payer les indemnités de déplacement liées aux examens. Un délai qui n’a pas été respecté. A cela s’ajoute l’éternelle question du non-respect des accords. Tout un ensemble de faits qui ont fini de jeter de l’huile sur le feu.
Aujourd’hui, les enseignants sont en train d’affûter leurs armes. Joint par téléphone, le secrétaire général du Sels/Authentique donne les conclusions de la rencontre de lundi. ‘’La première chose est que, dès la semaine prochaine, nous allons procéder à la formalisation du cadre. Nous allons ensuite nous assurer que tous les sept (syndicats) ont déposé un préavis de grève’’, précise Abdou Faty. Après cette étape, les syndicats vont travailler ensemble sur les points essentiels. Il s’agit du système de rémunération des agents de la Fonction publique, l’indemnité de logement, les lenteurs administratives et la question de la retraite. Les Sg et leurs équipes vont aussi chercher des experts dans plusieurs domaines comme la finance, pour être mieux outillés et développer leur argumentaire afin de faire face aux techniciens de l’Etat aguerris en la matière. Enfin, s’ils n’obtiennent pas satisfaction, ils prévoient d’aller vers des journées nationales d’actions. Et pour cela, rien n’est écarté. Grèves, marches, sit-in, port de brassards rouges, tout sera au menu.
‘’Terrorisme’’ et ‘’populisme’’ du ministre.
Outre l’éducation nationale, il y a aussi l’enseignement post-Bac. Dans les universités publiques du Sénégal, on a dépassé la préparation ; l’heure est à l’action. Le Syndicat autonome de l’enseignement du supérieur (Saes) a observé un mot d’ordre de grève de 48 heures, les jeudi 7 et vendredi 8 décembre. Le Saes dénonce ce qu’il considère comme ‘’un manque de volonté manifeste du gouvernement sur le respect de ses engagements à mettre en place une retraite décente pour les enseignants-chercheurs’’.
Si l’on en croit Malick Fall et ses camarades, l’Etat, en lieu et place du respect des accords, ‘’s’emmure dans un mutisme incompréhensible’’. Le même sentiment anime les autres agents des universités.
Le Syndicat autonome des travailleurs des universités et centres universitaires (Satuc) a observé un sit-in, le 22 novembre dernier, pour réclamer plus de considération. Selon Sidy Camara, le porte-parole du jour, depuis le Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur, le gouvernement n’a apporté aucune réponse concrète à l’amélioration de leurs conditions de travail. Et pour ne rien arranger dans ce secteur de l’enseignement, les étudiants de l’Ucad sont sortis dans la rue, vendredi dernier, pour réclamer le paiement de leurs bourses.
Par ailleurs, l’enseignement n’est pas le seul secteur en ébullition. Dans le domaine de la santé, on est aux aguets dans presque toutes les corporations. Dans une déclaration datée du 11 novembre dernier, l’Alliance des syndicats autonomes de la santé (Asas/Sutsas-Sudtm) s’en prenait au ministre de la Santé qu’elle accuse de faire dans le ‘’terrorisme’’ et le ‘’populisme’’. Selon Mballo Dia Thiam, Abdoulaye Diouf Sarr ‘’consacre son énergie à visiter, parfois nuitamment, des hôpitaux en proférant menaces, intimidations et affectations arbitraires, en foulant au pied l’orthodoxie des règles de prise en charge des malades indigents par populisme’’. Entre autres questions, le syndicat regrette que des établissements de santé, en plus d’attendre en vain le remboursement de la dette de la Cmu, soient privés de la troisième tranche de la subvention annuelle.
Syndicalisme d’accompagnement
Le ministre est également accusé d’avoir une gestion politicienne du ministère, sans compter la nomination des meilleurs spécialistes dans des fonctions de direction. Ce qui les réduit à des tâches administratives. ‘’Devant ce constat inquiétant et alarmant, l’Asas/Sutsas-Sudtm/And Guesseum en appelle à la vigilance et à la préparation au ‘’gueusseum’’ (secouer) pour l’application des accords et à la riposte’’, conclut-on.
Le non-respect des accords est d’ailleurs une problématique qui transcende les syndicats de base. Il concerne les secteurs qui concentrent le plus d’effectifs dans la Fonction publique, à savoir l’éducation et la santé. Pour autant, il n’y a pas encore d’action concertée entre les différentes professions. Les centrales syndicales, qui devaient être le cadre des ‘’macro-revendications’’, semblent avoir opté pour un syndicalisme d’accompagnement.
Toujours dans la santé, les médecins et les pharmaciens sont respectivement outrés par le projet de loi sur la médecine traditionnelle et la vente illicite de médicaments. Les premiers pensent que cette législation est dangereuse pour la santé des populations, en ce sens qu’elle permet à des ‘’marchands de la mort’’ d’opérer en toute légalité. Les pharmaciens, eux, fustigent la complicité de l’Etat notamment, suite à la saisie de médicaments d’une valeur de 1 milliard 300 millions de francs Cfa.
Dans le secteur des transports, c’est le permis à points et l’interdiction du transport interurbain au-delà de 22 h qui sont la source du problème. Le syndicat des routiers a été en grève au mois de novembre pour protester.
Si, dans certains secteurs ou corporations, on aura du mal à inquiéter les autorités, dans l’éducation et/ou la santé, par contre, une action d’envergure pourrait facilement faire augmenter la tension. Et c’est ce qui semble se dessiner dans l’enseignement, précisément dans le primaire et le moyen-secondaire.