L’international sénégalais Keita Baldé était l’absent le plus présent lors de la double confrontation (2-0 et 2-1) entre l’Afrique du Sud et le Sénégal, les 10 et 14 novembre, pour le compte des éliminatoires du prochain Mondial.
Son absence de ces deux matchs, qui a tout l’air d’une sanction après son geste d’humeur contre le Cap-Vert en octobre dernier, continue deux semaines plus tard d’alimenter la chronique sportive avec les réactions de ses devanciers en sélection.
La dernière en date, celle de l’ancien milieu de terrain, Salif Diao, résume bien la situation en rappelant que ce sont des choses qui arrivent en sélection et qu’il ne faudrait pas en faire un scandale.
"Le seul conseil que je donne est que les jeunes doivent comprendre que l’équipe nationale est plus lourde et plus importante que les questions personnelles ou individuelles", a-t-il dans un entretien publié par le quotidien sportif Stades.
"Parfois, a fait observer l’ancien monégasque, on est frustré quand on est remplacé. Mais je pense qu’il y ait une attitude à tenir ne serait-ce que vis-à-vis des coéquipiers et tenir compte que c’est l’équipe d’une nation, ce n’est pas une situation en club. Donc il faut respecter le pays, les autres joueurs qui sont sur le banc, dans les gradins et qui n’ont pas la chance d’être sur le banc".
Devenu un pion important dans le dispositif stratégique du sélectionneur national Aliou Cissé, qui n’avait pas hésité à l’appeler alors qu’il était en conflit ouvert avec son ancien club, la Lazio de Rome (Italie), l’attaquant sénégalais traîne une réputation de joueur caractériel.
Déjà, il avait été obligé de quitter la Masia (académie du FC Barcelone) pour un comportement aux antipodes du règlement intérieur, après avoir mis des glaçons dans le lit d’un coéquipier lors d’un stage au Qatar alors qu’il n’avait que 15 ans, selon le quotidien sportif L’’Equipe.
"Dans le foot, on fait ce genre de plaisanteries tout le temps. Mais il s’était passé d’autres choses avant, il n’y avait pas eu que cette histoire. Certains comportements leur avaient déplu. Tu es jeune, et voilà, tu apprends de tout ce qui t’arrive", a-t-il tenté de se justifier.
Grâce à son talent et sa force de caractère, cet épisode n’a pas mis un frein à sa carrière au contraire, puisqu’il a réussi à aller grandir très jeune en Italie dans un championnat réputé très rigoureux.
Là-bas, ses relations avec le staff et son entraîneur étaient loin d’un long fleuve tranquille. S’y ajoute que le bras de fer qu’il avait engagé en fin de saison dernière, refusant de participer à la préparation afin que son club le transfère, avait fini de camper la personnalité du footballeur et de l’homme.
Le talent étant là, l’AS Monaco a finalement déboursé 30 millions d’euros (environ 20 milliards de francs) pour s’attacher ses services, mais il faudrait faire avec sa personnalité, puisque Keita Baldé est capable de défendre crânement ses intérêts et ses idées.
Le néo-monégasque l’a rappelé dès son arrivée sur le Rocher en mettant les points sur les i, refusant en premier lieu toute comparaison avec Kylian Mbappé, la jeune vedette du football français qui a quitté Monaco pour le PSG en toute fin de mercato estival.
A 22 ans, il n’a pas seulement précisé les choses mais également signifié au staff technique à quel poste il souhaiterait évoluer "même s’il peut jouer à toutes les positions en attaque" dans le 4-3-3 caractéristique du style du FC Barcelone.
"Disons que c’est le système auquel je suis le plus habitué. À la Masia, on ne faisait que ça. Je peux jouer à gauche, en pointe ou à droite, les trois postes. Mais, à droite, je n’y ai quasiment jamais joué, même si je peux le faire en cas de besoin", a-t-il tenu à préciser.
Et si l’entraîneur vous dit d’aller à gauche, lui demande l’Equipe : "S’il me dit d’aller à gauche, que je vais à droite et que je suis bon, alors c’est bien comme ça, non ?".
"Je pense qu’il faut s’amuser sur le terrain. Si tu penses trop, si tu te stresses, tu n’y arriveras pas. Je suis un joueur d’instinct. Si mon corps me dit d’aller à droite, je vais à droite sans réfléchir", a poursuivi le footballeur sénégalais.
On peut comprendre qu’en dépit de son caractère trempé, le joueur de 22 ans, est capable de mesurer les intérêts du groupe.
Après avoir été accusé d’avoir eu un comportement lors de la phase finale de la CAN 2017 en janvier dernier, Keita Baldé devait pouvoir comprendre que le sélectionneur national ne pouvait le laisser encore faire sous peine de voir exploser son groupe à quelques mois de la Coupe du monde 2018.
Aliou Cissé, capitaine des Lions en 2002, s’est certainement souvenu que malgré les écarts de conduite de la Tanière à la CAN et au Mondial de la même année, son ancien mentor (Bruno Metsu), a réussi à bien gérer l’affaire pour tirer le meilleur parti des fortes têtes et des égos surdimensionnés de la Tanière à l’époque.
Et quand on entend l’attaquant monégasque revenir sur sa première sélection, on peut comprendre qu’il a tout juste voulu agiter le chiffon rouge pour dire stop.
"Depuis, je n’ai pas vécu un seul jour plus émouvant que celui où j’ai débuté en sélection (le 26 mars 2016 contre le Niger). Toute ma famille était au stade, ils se sont levés, ils hurlaient dès l’échauffement. Voir les regards de ma mère, mon père, ma grand-mère, c’était une émotion incroyable", a-t-il déclaré.
Il y a là moyen de récupérer Keita Baldé dans les meilleures conditions, lui qui est considéré comme un excellent pendant à Sadio Mané. Surtout qu’il se présente comme un futur patron en devenir de la Tanière, si l’on en croit l’ancien sélectionneur national Amara Traoré.