Le législateur sénégalais a "amélioré sensiblement" au cours des ans, le dispositif répressif sur lequel s’appuie la justice, dans le sens d’encadrer le recours à la privation de liberté, a soutenu, jeudi, à Dakar, le garde des Sceaux, le professeur Ismaïla Madior Fall.
"Depuis 1999, la détention avant jugement en matière correctionnelle a été limitée à 6 mois par la loi du 6 janvier de la même année, sauf dans les cas où celle-ci est obligatoire", a souligné le ministre de la Justice, à l’ouverture de la conférence annuelle des chefs de parquet.
Il rappelle qu’en vertu de cette loi, il est interdit, en matière correctionnelle, de détenir une personne régulièrement domiciliée dans les ressorts de la juridiction, lorsque le maximum de la peine qui lui est infligée est inférieur à trois ans.
’’L’humanisation de la sanction pénale’’ s’est traduite l’année suivante, en 2000, par la loi portant sur l’aménagement des peines, a fait valoir le garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Selon Ismaïla Madior Fall, "le surpeuplement carcéral lié aux longues détentions préventives avant jugement ont connu des débuts de solutions dans la simplification des procédures criminelles".
Cette perspective a coïncidé avec l’atténuation du double degré d’instruction pour donner la possibilité au magistrat instructeur, à la clôture de son information, de saisir directement la Cour d’assises, selon le garde des Sceaux.
S’y ajoute que selon lui, l’accélération du traitement des dossiers criminels a été parachevée par la loi du 3 novembre 2014, qui a supprimé les Cours d’assises, émanation des Cours d’appel pour les remplacer par les Chambres criminelles logées au sein des Tribunaux de grande instance.
"Cette réforme a pour ambition d’assurer la permanence des urgences de la justice criminelle et son rapprochement des justiciables en vue de résorber le taux de détention avant jugement", a-t-il estimé.
Dans le cadre de la récente réforme de la procédure pénale opérée par la loi du 3 novembre 2016, le législateur sénégalais, soucieux de rendre plus effective certaines mesures alternatives à l’incarcération, a donné au juge la possibilité de substituer le travail au bénéfice de la société aux courtes peines d’emprisonnement, a noté M. Fall.
Toutefois, a reconnu le ministre, malgré les réformes administratives et réglementaires jusque-là mises en œuvre, "force est de reconnaître que de nos jours, dans la pratique des parquets, il y a l’impression que le recours à la détention prend le dessus sur le principe de liberté".
"Il existe un sentiment, une perception amplifiée par les médias et les activistes des droits de l’Homme qui sont dans leur rôle, pour dire qu’on entre plus facilement en prison", a-t-il relevé.
Aux yeux du ministre de la Justice, cette situation est imputable "aux mandats de dépôt qui semblent faire corps avec la procédure de flagrance".
"La perception n’est pas la réalité, mais dans une démocratie, il faut gérer les impressions et les perceptions", a-t-il fait valoir.
Aussi, face à cette problématique, l’Etat a-t-il selon lui initié "des mesures très importantes pour limiter les cas de privation de liberté, mais on a l’impression que c’est toujours un problème".
Même s’il n’y a pas lieu de "s’alarmer", il y a matière à "réfléchir, à méditer sur d’éventuelles dysfonctionnements ou anomalies de notre système judicaire ayant pour conséquence la privation de la liberté", a insisté IsmaIla Madior Fall.
Il dit avoir constaté, après sa visite des prisons, un surpeuplement de ces dernières, surtout de personnes en attente de jugement, avant d’ajouter que l’équation du surpeuplement interpelle aussi le retard en termes d’infrastructures pénitentiaires.
La conférence des chefs de parquet est rencontre conférence à l’occasion de laquelle les acteurs concernés sont invités à discuter des questions d’actualité en rapport avec la politique pénale du Sénégal. L’édition de cette année porte sur "L’action publique et la détention préventive".