Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, à cause de la manière dont elles sont effectuées, sont inefficaces. C’est du moins l’avis de plusieurs panélistes qui ont pris part hier, lundi 13 novembre 2017, à l’ouverture de la 4e édition du Forum sur la Paix et la Sécurité de Dakar. Le président Macky Sall et le président de la Commission de l’Union Africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, en font partie.
Les différents orateurs qui se sont succédé au podium hier, lundi 13 novembre 2017, à l’ouverture du Forum sur la Paix et la Sécurité, ont déploré l’inefficacité de l’exercice des opérations de maintien de la paix dans les pays africains. Le président de la République, Macky Sall, une des partie prenantes à ce Forum, en est convaincu. «Les missions classiques de maintien de la paix ne sont plus adaptées. C’est le cas notamment avec la MUNISMA (la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, ndlr). C’est le harcèlement quotidien des casques bleus. Cette mission au Mali est la plus meurtrière de l’histoire pour les casques bleus des Nations Unies. L’heure est venue de repenser sérieusement la doctrine du maintien de la paix du système des Nations Unies. On ne peut pas maintenir la paix là ou elle n’existe pas, là ou plutôt il faut la rétablir en combattant les groupes dont la violence est le seule mode d’action», a-t-il dit. Le président de la Commission de l’Union Africaine (UA), Moussa Faki Mahamat est du même avis que le président de la République du Sénégal. Selon lui, «les missions de maintien de la paix éprouvent des difficultés à s’adapter à l’environnement dans lesquels elles sont sensées opérer. Elles manquent de flexibilité et la limite qu’impose leur mandat handicape leurs initiatives d’actions». Pis, poursuit le président de la Commission de l’UA, «elles consacrent l’essentiel de leurs efforts à leurs propres protection (les casques bleus, ndlr), au détriment de la protection des civiles». Il annonce, dès lors, que la Commission de l’Union Africaine cherche à établir de nouvelles bases de coopération avec les Nations Unies. Des accords qui, une fois entérinés, permettront à l’Afrique de fournir 25% des financements de maintien de la paix pendant que les Nations-Unies mobiliseraient les 75% restants par le biais des contributions. Cette impertinence des missions de maintien de la paix combinée avec la persistance des foyers de tension font que l’Afrique ne sera pas en mesure d’atteindre l’objectif fixé qui est de se départir de ses foyers de tensions d’ici quelques années. «L’Afrique est confrontée à de nombreux défis sécuritaires. Dans le cadre de l’agenda 2063, l’Afrique s’est fixé comme objectif ambitieux de faire taire les armes à l’horizon 2020. Cependant, au regard de la complexité des situations, des doutes existent quant à l’atteinte de cet objectif», s’est désolé Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA.
MACKY SALL, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE SUR L’INSECURITE SUR LE CONTINENT : «Je ne crois pas que la défense de l’Afrique sera assurée par l’extérieur»
«Défis sécuritaires actuels en Afrique: pour des solutions intégrées», c’est le thème de la 4e édition du Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité ouvert hier, lundi 13 novembre, au Centre International de Conférence Abdou Diouf de Diamniadio. En abordant le thème, le chef de l’Etat, Macky Sall, a trouvé nécessaire la prise en charge, par les africains, de leur propre sécurité. Car, juge-t-il, la résolution des crises africaines, la solution à ces crises ne viendra pas des pays occidentaux. Donc il revient à l’Afrique de prendre en charge sa sécurité.
«Je ne crois pas que la défense de l’Afrique sera assurée par l’extérieur. Il y aura du soutien, un à deux pays qui se sacrifieront, mais cela ne peut pas durer. Il faut que l’Afrique prenne en charge sa sécurité». Voilà l’invite du président Macky Sall à ses pairs africains, formulée hier, lundi 13 novembre, à l’ouverture de la 4e édition du Forum sur la Paix et la Sécurité de Dakar. En outre, Macky Sall est d’avis que l’Afrique ne doit plus se contenter de solutions définies par les occidentaux. «Il faut se garder des solutions toutes faites, conçues et appliquées sans concertation avec les africains. Les conséquences de ces interventions, nous les vivons au Sahel. Ils font souvent plus de mal qu’elles étaient sensées résoudre. Mais, comme il ne fait pas midi partout en même temps, chaque pays a une histoire, une expérience et des spécificités dont il convient de tenir compte».
«Défis sécuritaires actuels en Afrique: pour des solutions intégrées», le thème du Forum, souligne l’importance pour les Etats africains de renforcer les équipements militaires de leurs Forces de défense et de sécurité. «Les africains ne doivent pas être en reste, ils doivent assumer d’abord la sécurité du continent. Bien vrai que les conflits ont des origines étrangères, il faut que les Armées nationales soient au point afin que la réponse africaine soit efficace», a-t-il dit.
Conscient de l’impérieuse nécessité de renforcer les moyens matériels des Forces de sécurité, le chef de l’Etat a demandé à ses pairs de mettre en œuvre les directives de l’Union Africaine demandant l’octroi des 0,2% des importations africaines au financement de la lutte contre l’insécurité, comme convenu en juillet 2016 lors du 27e sommet de l’UA tenu à Kigali au Rwanda. «Il faut que les Africains mettent en œuvre la décision arrêtée à Kigali pour le financement de l’Union Africaine, en donnant 0,2% de leurs importations sur le contient africain», a exhorté Macky Sall.
En donnant des instructions afin que le Sénégal applique la décision, le président Sall a trouvé, en outre, que ces 0,2% des importations africaines donnés à l’UA vont permettre à l’organisation continentale de couvrir au moins les 25% des coûts de maintien de la paix sur le continent. Mieux, l’Afrique doit s’engager au financement de ses Armées d’autant plus que les lois internationales le permettent actuellement, ce qui ne fût pas le cas il y a de cela une vingtaine d’années à cause d’une clause des institutions de bretton woods faisant que les Armées africaines n’avaient pas de budgets, précise le chef de l’Etat sénégalais.
LA REPONSE MILLIAIRE EST INEVITABLE
Le président Macky Sall est de ceux-là qui pensent qu’une solution ne peut-être trouvée au terrorisme sans l’implication de l’Armée. «La riposte militaire sur le terrain contre les groupes terroristes est vitale. Il ne faut pas faire la fine bouche, nous devons l’assumer. Nous ne pouvons pas laisser le champ libre à des forces dont le seul objectif est de semer la mort et le chaos», a-t-il dit. Cependant a-t-il ajouté, «la riposte militaire doit être solidaire et globale pour ne laisser aucun sanctuaire aux groupes terroristes». Par ailleurs, le chef de l’Etat, mise aussi sur l’échange de renseignements pour gagner la bataille contre le terrorisme. «L’échange de renseignements et sa coordination sont tout aussi indispensables. Lorsque la bataille de renseignement n’est pas maitrisée, le combat contre le terrorisme et l’insécurité est perdu d’avance. Mais, le renseignement est une affaire de professionnel. Il ne s’accommode ni de spectacle ni du spectaculaire. Pour être efficace, le renseignement requiert surtout de l’intelligence et de la discrétion dans l’action. Il nécessite également une vigilance citoyenne, mais aussi un comportement patriotique de chacun», a noté le président Sall.
SURVEILLER LE RETOUR DES TERRORISTES
«Le risque aujourd’hui est de voir des terroristes vaincus ailleurs, chercher des zones de replis en Afrique. Ce serait une erreur fatale de sous estimer ce risque ou de penser que le déplacement du spectre du terrorisme vers une zone donnée mettrait les autres à l’abri. Le terrorisme et ses causes doivent être traités partout avec la même détermination et le même ordre de priorité. Tant qu’il reste une zone de vulnérabilité, nous continuerons d’être exposés à la menace», a mis en garde le président Macky Sall. Il a relevé, par ailleurs, l’importance de gérer les Etats affaiblis. «Nous devons intégrer davantage les risques liés aux Etats faillis. A chaque fois qu’un Etat est affaibli, d’une façon ou d’une autre, chaque fois que ses ressorts sont cassés, le vide s’écrête et le chaos et l’insécurité s’installent. L’Etat failli offre un sanctuaire de règle pour tout le réseau mafieux et criminel, y compris ceux de l’émigration clandestine».
IBRAHIM BOUBACAR KEITA : «JE FERAI TOUT CE QUE JE PEUX POUR QUE LE MALI AIT LES MOYENS D’ASSURER SA SECURITE»
Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, un des chefs d’Etats présents à l’ouverture du Forum sur la Paix et la Sécurité de Dakar, a dit hier, qu’il ne ménagera aucun effort afin que son pays ne soit pas vaincu par les terroristes. «Je ferai tout ce que je peux, jusqu’à mon dernier souffle, pour que mon pays ait les moyens d’assurer sa sécurité», a-t-il dit. Cependant, reste-t-il convaincu, la bataille contre le terrorisme ne peut se gagner sans l’aide des autres pays. Il a loué, dans ce sens, l’appui que les autres Etats lui apportent dans le combat contre les terroristes. Les groupes terroristes sont armés et disposent très souvent de moyens puissants, d’où son engagement à davantage soutenir ses Forces de défenses.
DE LA NECESSITE POUR LES ETATS AFRICAINS DE COOPERER
Le Premier ministre du Tchad, Albert Pahimi Padacké, partage la vision du président malien dans le sens de la nécessité pour les Etats africains de coopérer. «Quelque soit l’engagement des uns et des autres, la complexité croissante des menaces, des crises et des conflits est telle qu’aucun État seul, aucune organisation seule, ne peut les enrayer», a-t-il déclaré. A signaler qu’en plus du président Ibrahim Boubacar Keïta du Mali, le président Rwandais, Paul Kagamé a pris part à l’ouverture du Forum. Parmi les officiels présents à Dakar, il y a aussi le ministre français des Armées, Florence Parly, entre autres.
Fatou NDIAYE, Oumou ANNE (Stagiaire) et Sidy BADJI (Photographe)