La campagne de qualification pour le Mondial 2018 en Russie, qui s’achève ce mardi, est déjà riche en enseignements. Il en est de même du match de vendredi contre l’Afrique du Sud. D’ores et déjà, on peut retenir de réelles satisfactions, mais aussi de gros chantiers à mener, pour espérer des lendemains victorieux pour les Lions de la Teranga.
La poigne d’Aliou Cissé
Cette qualification pour le Mondial 2018 de l’équipe du Sénégal au forceps est assurément la marque du coach des Lions. L’équipe nationale a fait montre, tout au long de ces qualifications, d’une grinta qui a fait la marque de l’équipe de 2002. Tout sauf un hasard, puisque ‘’l’aboyeur’’ d’alors préside désormais à la destinée de la sélection nationale et lui permet de goûter à une deuxième qualification à une Coupe du monde.
Vendredi encore, l’équipe a fait montre d’une rigueur et d’une discipline tactique qui font désormais sa marque. Aucun joueur n’a rechigné à faire les efforts défensifs. Mais c’est surtout dans le management que cette poigne et cette mainmise sur l’équipe se ressentent le plus. Aujourd’hui, on sent qu’il y a un chef à la tête de la sélection. Une personnalité forte qui ne laisse rien passer. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le traitement de Baldé Keita Diao qui a eu un geste d’humeur, à sa sortie du terrain, lors du match retour contre le Cap-Vert, le 7 octobre dernier. Malgré sa forme étincelante actuellement en club, il n’a pas foulé la pelouse du Peter Mokaba Stadium de Polokwane, vendredi.
Néanmoins, comme le dit l’adage : ‘’Tout excès est nuisible.’’ Un excès d’autoritarisme pourrait amener les joueurs à avoir la peur de mal faire et donc de déjouer. Ce qui n’est pas actuellement le cas. Car il se dégage une véritable joie de vivre dans la Tanière. Pourvu que ça dure !
Sadio Mané, top player
Assurément, le virevoltant attaquant de Liverpool est un top player. Même sur une jambe ou en méforme, il a porté l’attaque du Sénégal, tout au long de cette campagne des éliminatoires pour le Mondial en Russie. Vendredi, encore, le salut est venu de l’une de ses fulgurances. Une passe millimétrée dans le bon tempo qui a permis à Diafra Sakho d’ouvrir le score pour le Sénégal. Que dire de l’action qui a amené le second but contre son camp du pauvre Mkhize...
Un Sadio Sané en forme peut nous permettre d’envisager sereinement le Mondial russe. Une fête du foot qui devrait lui permettre de franchir un cap. En ce sens qu’il lui faut gommer, voire se débarrasser des scories (dilettantisme, excès d’individualisme, prise inconsidérée de risques) qui polluent son jeu. Sadio Mané a ce défaut de vouloir coûte que coûte faire des différences tout seul, le plus souvent au détriment du collectif, du bon sens et de l’efficacité. Le joueur a le sens du but et l’intelligence du jeu, il gagnerait à le simplifier en sélection, puisqu’en club, il est beaucoup plus appliqué. Il porte moins la balle et se montre très altruiste. Même si les partenaires ne sont pas les mêmes, encore moins les courses et les appels des Salah, Firmino et compagnie. Sans compter que Jurgen Klopp est très regardant sur la tactique et le jeu collectif.
En résumé, le coach Cissé gagnerait à encadrer la liberté qu’il lui donne sur le terrain, puisqu’il ne faudrait surtout pas le brider.
Une attaque de feu
Depuis quelques décennies, les sélections nationales comptent dans leurs rangs ce qui se fait de mieux en Afrique, en termes d’attaquants. La bande à Aliou Cissé ne déroge pas à cette tradition. Avec Sadio Mané, Baldé Keita Diao, Diafra Sakho, Moussa Sow, Moussa Konaté, et le prometteur Ismaëla Sarr, blessé, la sélection compte une belle brochette de canonniers qui nous valent cette qualification nette et sans bavure. Ils ont marqué 6 des 8 buts déjà inscrits, lors de ces qualifications, alors qu’il reste une journée. L’expérience engrangée dans les compétitions européennes (Champions League et Europa League) devrait aider à continuer sur cette lancée, sur la scène mondiale.
Khadim Ndiaye, des nerfs d’acier
Le portier des Lions a joué un rôle prépondérant dans la qualification des Lions. D’ailleurs, on ne l’attendait pas à ce niveau. Ses arrêts décisifs en terres capverdienne et sud-africaine ont contribué à maintenir l’équipe à flot, lors des fois où la défense et le milieu ont pris l’eau, comme lors du match de vendredi.
Le dernier rempart des Lions a fait preuve d’un sang-froid admirable qui nous vaut la satisfaction d’être qualifiés avant la dernière journée de ces qualifications pour le Mondial 2018 en Russie. A ce titre, il a pris une bonne longueur d’avance sur la concurrence. S’il continue sur cette lancée, il aura l’infime honneur de prendre activement part à une coupe du monde.
Une défense qui prend de la bouteille
L’autre satisfaction de cette campagne est la défense des Lions. Même si on est tenté de dire qu’avec Aliou Cissé, il ne peut en être autrement, la charnière a donné une totale satisfaction. Puisque Kara Mbodj et Kalidou Koulibaly se complètent parfaitement. Vendredi encore, le défenseur du Napoli a été énorme. Avant ce match, en son absence au Cap-Vert, son compère de la charnière a été tout aussi impérial. Ce qui fait que l’équipe n’a encaissé que 2 buts, jusqu’ici, contre les Burkinabés, au match retour à l’extérieur.
Sur les ailes, les différents joueurs sélectionnés ont aussi répondu présent, défensivement. Youssouf Sabaly a fait une bonne prestation à Polokwane. Pour le Mondial, si tous les joueurs sont aptes, le sélectionneur ne devrait pas avoir de problème pour confectionner sa défense.
LES MAUVAIS POINTS
Gana Guèye, la déception
Assurément, Idrissa Gana Guèye est passé à côté de sa campagne. Rien de rédhibitoire, mais les matchs en sélection se succèdent et se ressemblent pour lui. Vendredi encore, il a beaucoup couru dans le vide, ne récupérant pratiquement pas de ballons, alors que c’est sa force première. Il faut dire que le milieu d’Everton a la vilaine manie de jouer contre nature avec les Lions. Il faut qu’il comprenne qu’il est un milieu récupérateur et non un milieu relayeur. Se concentrer d’abord sur les tâches de récupération du ballon, avant de penser à son utilisation.
En sélection, il a tendance à vouloir être le dépositaire du jeu des Lions. Il a certes une belle technique. Mais celle-ci n’est que la cerise sur le gâteau. On l’attend dans le grattage des ballons et non dans le jeu à la baballe. Ce faisant, il se disperse et perd en influx et donc en efficacité dans la récupération de la balle.
Vivement le retour du Gana de la saison dernière en Premier League. Celui dont on faisait l’égal de Ngolo Kanté, élu meilleur joueur du championnat anglais.
Absence de souveraineté au milieu
Si l’attaque et la défense ont montré de belles choses, on ne peut en dire autant du milieu de terrain, à l’instar d’Idrissa Gana Guèye qui devrait en être le patron. L’entrejeu sénégalais a rarement pris le dessus sur ses adversaires. Ce qui fait que la défense et le gardien aient été autant sollicités. Le match contre les Bafana Bafana en est une illustration parfaite. Par moments, les attaquants sud-africains entraient dans notre défense comme dans du beurre, avec un jeu de passes huilé qui nous a mis au supplice. Il faut dire que la composition d’équipe n’a pas aidé. Ndoye et Sané, deux mastodontes, ont eu toutes les peines du monde face à des milieux de terrain et attaquants véloces, de petites tailles et au centre de gravité bas. Il a fallu que les Sud-Africains baissent de pied physiquement, en milieu de la seconde période, pour que nos milieux sortent la tête de l’eau.
D’une manière générale, durant cette campagne, les hommes du milieu se sont souvent illustrés par des pertes de balle qui ont exposé l’équipe à des contres. Ce déchet technique (dû parfois à l’état des pelouses) devra être gommé en perspective de la Coupe du monde, au risque de se faire punir sévèrement. Voilà donc un autre chantier. Un secteur de jeu où un peu plus de technicité ne fera pas de mal.
Frilosité et absence d’un fond de jeu
Ce sera le plus gros chantier des Lions : avoir un fond de jeu à même de nous permettre d’espérer faire un bon Mondial. Car, à voir le récital de la France, vendredi, contre le Pays de Galle et ce que sont capables de faire le Brésil, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre ; ou encore le jeu de transition rapide des Sud-Américains, il y a du chemin à faire pour le Sénégal. Car aujourd’hui, les sélections sont sur ce point prêtes tactiquement, que le salut passe par le jeu qui fait cruellement défaut à notre équipe nationale.
Et ce chantier commence dès le prochain match contre les Bafana Bafana. Et pour cela, il faudrait que le sélectionneur se lâche et ensuite lâche la bride à ses joueurs, car on sent que la préoccupation principale de Cissé est de ne pas prendre de but. Alors que le Sénégal a les talents pour produire du jeu. Lors de la double confrontation contre le Burkina et lors des deux dernières rencontres contre la Cap-Vert et l’Afrique du Sud, le jeu de combinaison sur les côtés a été faible. Vendredi, on n’a pratiquement pas vu les latéraux déborder et centrer. Un match ultra défensif qu’on aurait pu perdre, sans un brin de chance, le manque de réussite des attaquants adverses et un grand Khadim Ndiaye. Ce match a été une purge, par moments.
Donc, le chantier est là. Le coach devrait pouvoir utiliser une pointe haute, dans le milieu à trois, en mettant un véritable n°10 pour améliorer la circulation du ballon et surtout gommer le trop grand déchet technique dans l’entrejeu. Car il sera impossible de faire une belle campagne en Russie avec ce jeu au petit bonheur la chance.
Le coach a les moyens de proposer autre chose que le 4-3-3 ultra défensif de ces éliminatoires.