A moins de dix minutes en hélicoptère, l’île de Robben Island, au large de Cape Town, capte par son paysage de fleurs jaunes et vertes, en contraste avec la rigueur de la prison du même nom, dans laquelle fut détenu Nelson Mandela, figure historique de la lutte contre l’Apartheid, de juin 1964 à avril 1982.
Le chef de l’Etat Macky Sall, en visite d’Etat en Afrique du Sud, a fait un tour à ce lieu de mémoire, une bande de terre de 5 kilomètres carrés, plutôt connu pour sa prison, qui se trouve au cœur de l’île.
Le leader du Congrès national africain (ANC, en anglais), Nelson Mandela, fut pensionnaire de la section B de la prison de Robben Island où il a passé dix huit ans de sa vie (1964 à 1982) avant d’être transféré dans d’autres lieux de détention.
"C’est devant cette porte d’entrée principale qu’on nous remettait nos uniformes de couleur verte et des chaussures marron dès l’arrivée dans cette prison’’, explique Itumeleng Makwela, ancien détenu et désormais guide à la prison où lui aussi a été incarcéré 7 ans durant.
"Monsieur le président, entrons à l’intérieur de la prison", dit-il ensuite à l’intention du chef de l’Etat sénégalais, dans un ton grave, aussi solennel qu’empreint d’émotion.
A l’entrée, un bureau de fortune et un bâtiment administratif à droite. Un équipement minimal qui donne un petit aperçu de toute la rigueur de la détention dans le système ségrégationniste de domination des Noirs par les Blancs, alors en place en Afrique du Sud.
"Les parties des lettres des prisonniers et des journaux contenant des aspects relatifs à l’Apartheid et à la révolution étaient découpés ici pour dissimuler toute information leur venant de l’extérieur", raconte Itumeleng Makwela.
Il dit avoir vécu dans plusieurs quartiers (E, F et G) de la prison de Robben Island à partir de 1983, avant de se voir affecté à la cuisine de la geôle.
Une fois arrêté, souligne-t-il, les espions infiltrés de la police avaient pu lui raconter tout de sa propre vie et du fonctionnement de l’ANC, preuve s’il en est selon lui du cynisme de ce système totalitaire.
La section B où séjournait Mandela "avait les conditions les plus rigoureuses’’, témoigne Makwela, qui fut un élève de Nelson Mandela à l’aile militaire de l’ANC, appelée "la lance de la nation’’, avant son arrestation.
"Notre seul moyen de communication était le tennis. Les messages étaient enroulés dans la balle et on les échangeait pour se parler. Madiba fut un bon joueur de tennis", note ce septuagénaire, qui vit désormais avec toute sa famille sur l’île, grâce à son travail, après avoir chômé pendant de longues années après sa sortie de prison.
L’étape de la cellule de Mandela est le point culminant de cette visite guidée. Une petite chambre, un matelas amorti, pas de lit, deux couvertures effilochés, un pot, un petit plat en fer, un décor peu reluisant en somme.
Au fond de cette toute petite cellule, un sceau marron couvert faisant office de toilettes. Ce sceau était vidé chaque matin et ramené de retour de la carrière.
Des situations comme d’autres qui ont fait de Mandela le leader qui est devenu, un processus dont il rend compte dans "The long walk to freedom" (La longue marche vers la liberté)", le livre qu’il a rédigé en prison, dans le jardin "situé dans la cour de la prison" de Robben Island, selon Makwela.
Le manuscrit avait été "découvert par l’administration qui l’a détruit", mais, renseigne-t-il, "un des membres de l’ANC, spécialiste de la dissimulation qui s’apprêtait à sortir de prison, a pu sortir ce manuscrit" que Mandela "avait réécrit avant de le faire publier à Londres".
La discrimination était le quotidien de Robben Island, si l’on tient seulement compte du tableau des menus, encore affiché dans la grande salle faisant office de bibliothèque. Des repas avec des compositions très différentes, selon qu’on était métis/indien ou noir.
Un tour à la carrière donne également une idée de la corvée à laquelle les prisonniers étaient soumis. Ici, les pierres étaient enlevées, entassées. "On les déplaçait d’un point A à un point B sans aucune raison à part juste pour" épuiser les prisonniers, témoigne le guide.
"Prévue pour trois mois" à l’origine, cette corvée a été perpétuée finalement durant dix-huit ans, signale Nando, un autre guide à la carrière.
"Les pierres ont créé des problèmes de santé, notamment aux yeux et à la gorge. Vous comprenez pourquoi Madiba n’aimait pas qu’on le prenne en photo avec un flash", poursuit le deuxième guide, précisant que les yeux de Mandela étaient "quelque peu abîmés".
Robben Island est devenu célèbre de par la détention de Mandela qui y a vécu 18 ans, mais cette prison compte également d’autres détenus emblématiques, camarades d’infortune de Madiba, dont l’actuel président sud-africain Jacob Zuma, qui y a été incarcéré dix ans.