La sélection du 17e festival Image et Vie est de haute facture. Les films projetés ces deux derniers jours sont de qualité et propose des thèmes diversifiés qui interpellent les cinéphiles.
Ce lundi et mardi, la Maison de la culture Douta Seck a accueilli les projections de divers films, dans le cadre de la 17e édition du festival Image et Vie. Le premier jour, a été montré le premier prix court-métrage du dernier Festival panafricain du cinéma et de l’audiovisuel de Ouagadougou (FESPACO) ‘Hyménée’’. Un court-métrage de 23 minutes réalisé par la Marocaine Violaine Bellet. L’histoire qu’elle y conte est une réalité quotidienne que vivent beaucoup de ses compatriotes. Elle est ici celle d’un homme et d’une femme dont le mariage a été arrangé par leurs familles. Le soir de la nuit de noces, ‘’le désir, la peur et la maladresse les empêchent de s’accorder avant le lever du jour. Au moment d’exposer le drap tâché du sang de l’épouse, ils doivent trouver un moyen de sauver les apparences et l’honneur de leurs familles’’. Un combat aux allures charnels commence alors. La femme se défendant exhibe un tesson de bouteille avec lequel se blessera le mari. Giclera alors du sang et la parade est trouvée en attendant que les choses se fassent naturellement.
‘’Djibril’’ d’Amadou Lamine Seck dit ‘’Liman’’ a été également projeté le même jour. Ce film est lui aussi en compétition dans la catégorie Fiction. Le réalisateur, qui dit avoir beaucoup d’affection pour feu Djibril Diop Mambéty, lui rend ici hommage en 23 minutes, à travers le récit d’un ‘’trio d’élèves nostalgiques du cinéma de Mambéty’’. Le film ressemble à une compilation des grandes œuvres du défunt cinéaste. On y retrouve ‘’Linguère Ramatou et Dramane’’, ‘’la petite vendeuse de Soleil’’, etc.
Le Nord dans la danse
‘’A Saint-Louis du Sénégal, une rue singulière du nord de l’île, la rue Lieutenant Pape Mar Diop s’ouvre sur le fleuve. Quelques mètres de sable et de bitume : c’est la rue d’Anne Jo Brigaud. Chaque matin, le vieux S. Thiam, artisan-ferronnier à la retraite, arrive à pied du quartier de Sor sur le continent, après une traversée du pont Faidherbe. Devant son atelier de soudeur, conservé par nostalgie, il installe des chaises en un rituel précis, pour lui et ses compagnons d’âge. Curieux de l’univers environnant, les vieux amis portent un regard sur le monde en nous livrant sur St-Louis une histoire, d’hier et de demain. Leur causerie, teintée d’humour, une mémoire, un métissage. Passeurs d’histoires, les anciens manient l’art de conter et de raconter. En maintenant ce lieu de salutations et de rencontres, la rue fédère autour du vieux S. Thiam le rendez-vous quotidien du grand place’’. Tel est le synopsis du film de 70 minutes d’Anne Jo Brigaud. Un vrai film pour les nostalgiques avec, naturellement, une bonne part d’histoire.
Les thématiques abordées sont aussi diverses que les personnes qui passent chez ‘’Pa Thiam’’. Un vrai fourre-tout comme les discussions dans les ‘’grands places’’.
‘’Ashia’’, ‘’Antananarivo Tiako Ianao’’
Hier, place au court-métrage ‘’Ashia’’ de la Camerounaise Françoise Ellong. Une petite fille avec une belle prestance et une éloquence de grande dame y tient le rôle principal. ‘’Intelligente et imprévisible’’, elle refuse de se laisser entrainer dans le monde des adultes. Elle traine partout avec sa poupée qui est sa boite à secrets. Elle en sait beaucoup sur les adultes qui ne se doutent pas qu’elle en sait un rayon sur ce qu’ils cachent. Elle joue leur jeu et mène la barque.
Plus tôt, le public a pu visionner ‘’Antananarivo Tiako Ianao’’ de Haminiaina Ratovoarivony. ‘’Alors qu’Antananarivo, la capitale malgache, est dans la tourmente d’une crise politique, le cinéaste Hamy Ratovo lutte contre la censure de son film, en marge des manifestations’’, indique le synopsis. Lesquelles manifestations ont une présence réelle dans ce film de 15 minutes. Des blessés y sont montrés, des coups de pistolet entendus. La garde présidentielle avait ouvert le feu, le 7 février 2009, au moment des faits, sur les manifestants, faisant plusieurs morts et blessés graves. Faits réels et fiction se retrouvent ainsi mêlés d’une manière très subtile.
Hier, c’était également l’après-midi des films sur l’émigration avec ‘’Dem Dem’’ et ‘’Saraaba illégal’’. Le premier est une œuvre de Pape Bouname Lopy. Matar, jeune pêcheur qui ne se retrouve pas dans cette activité, ramasse un passeport belge. Il a des traits de ressemblance avec son propriétaire. Seulement, ce dernier a des dreadlocks et lui non. Il décide alors d’en faire pour voyager après. En attendant de le faire, il continue d’aller en mer et croise sur son chemin le ‘’fou-savant’’ N’Zibou qui mesure les nuages et scrute le ciel. Ce dernier interpelle Matar sur sa quête d’identité. Incarnation et réincarnation se succèdent dans ce film assez poétique.
Le deuxième cité est le vécu de deux frères. Le plus grand est parti en Espagne à bord d’un navire, laissant derrière lui père, mère et femme. Il pense qu’il ne peut réussir qu’ici. Pendant neuf ans, il passera de ville en ville sans pouvoir avoir un contrat de travail afin d’obtenir une carte de séjour. Il vit donc illégalement dans ce pays. Son petit frère resté au village veut venir le rejoindre. L’aîné ne peut le dissuader, car persuadé que ce dernier ne pourrait comprendre ou ne croirait pas que l’Espagne n’est pas l’eldorado. Il l’aide alors à venir le rejoindre. Par la route, ce dernier ira à Tanger d’abord où il passera un an avec une dizaine de tentatives de rejoindre les côtes espagnoles sans succès. Il ne se décourage point et finira par retrouver son grand-frère. Deux frères clandestins dans un pays européen. Leur quotidien n’est pas évident, mais ils arrivent tout de même à s’en sortir.
Le dernier documentaire montré hier est ‘’Songho’’. Un très beau film avec un récit poignant, fascinant. Ici, la star est un ‘’fou’’ qui n’est pas totalement débile. Un philosophe, en fait, qui rappelle beaucoup Souleymane Faye. Il a voulu d’ailleurs devenir chanteur. Il a des textes profonds, très profonds même. Allez demander à son professeur de musique Maguèye Hanne, il vous dira surement que cet homme est particulier. Vous vous demanderez certainement ce qu’il raconte, en entendant les paroles de ses chansons. Mais quand il vous l’explique, vous vous rendez compte que ce qu’il dit a du sens. Songho semble ‘’givré’’ à cause du cannabis. Ce qui l’a rendu schizophrène. Il n’empêche qu’il veut avoir sa place dans la société grâce à la musique. Il cherchera lui-même un producteur. Les moyens manquent et son état de l’aide pas. Les gens ne lui donnent pas toujours du crédit. Très passionné par ce qu’il fait, il n’en démord pas. Il ira chercher de l’aide jusqu’au Centre culturel Léopold Sédar Senghor. C’est dire qu’il croit en son talent et à son art.