Genève - (Suisse) - Le Sénégal, grand consommateur de riz importé qui pèse lourdement sur sa balance commerciale, a décidé, dans le cadre du Plan Sénégal émergent (Pse) lancé par le Président Macky Sall, de devenir autosuffisant. Dans un entretien exclusif accordé au Soleil, à Genève, Alioune Sarr, après avoir présidé l’un des 100 panels sélectionnés par l’Organisation mondiale du commerce (Omc), dans le cadre de son forum public qui rassemble 2.000 personnes venues du monde entier, donne des raisons d’espérer. Il a rappelé l’important travail qu’est en train d’abattre le gouvernement du Sénégal et le secteur privé pour matérialiser cette grande ambition d’autosuffisance en riz du chef de l’Etat. Il a aussi abordé les problèmes du commerce sénégalais.
Monsieur le ministre, on sait que les Sénégalais aiment bien le riz. Le président de la République a lancé un programme d’autosuffisance dans le cadre du Plan Sénégal émergent (Pse). Peut-on être optimiste ?
Oui, on peut l’être. Car, depuis trois à quatre ans, vous entendiez parler de mévente du riz sénégalais. Le produit est dans les champs et dans les magasins et personne ne va l’acheter. Aujourd’hui, dans les supermarchés ou marchés au Sénégal, le consommateur sénégalais cherche en priorité le riz sénégalais mais il ne le trouve pas. C’est donc un produit qui se vend bien. Il n’y a pas de mévente du riz au Sénégal. J’ai tenu, il y a quelques jours, une importante réunion sur le commerce du riz sénégalais.
La première question que j’ai posée c’est de savoir s’il y a quelqu’un qui a un kg de riz en stock. La réponse des acteurs a été qu’ils ont du mal à satisfaire les fortes demandes. C’est donc une très bonne nouvelle. Les producteurs de riz sont en train de faire un travail remarquable dans ce sens. Je peux vous donner un autre exemple. Une société comme Dreyfus qui est un des leaders mondiaux du trading, a décidé d’investir dans la production de riz, dans le domaine des rizières et des infrastructures de production. C’est une société qui importait massivement du riz d’Inde et du Brésil pour l’emmener au Sénégal et qui a décidé de suivre cette politique inspirée du Président Macky Sall. C’est une autre excellente nouvelle. Un grand ensemble de sociétés s’est lancé dans la production de riz.
Il y a trois ans de cela, j’ai visité le Brésil en compagnie des importateurs. Nous avons visité les rizières. Ce sont ceux-là qui m’avaient accompagné, qui sont allés acheter le matériel et les infrastructures et qui ont commencé la production locale. C’est donc une vision juste du chef de l’État pour l’émergence qui est en train de se matérialiser avec le programme d’autosuffisance en riz. Nous avons un riz de qualité, très apprécié par les consommateurs sénégalais. Nous avons amplifié le mouvement, aussi bien dans la production que dans la commercialisation afin que le Sénégal puisse atteindre les objectifs. Si l’Inde qui fait plus d’un milliard d’habitants a réussi à produire du riz, à en consommer et à en exporter, le Sénégal doit pouvoir le faire.
Quelle est la place que vous donnez au commerce pour l’émergence du Sénégal ?
Dans le monde d’aujourd’hui, il faut vendre avant de produire. Avant même de produire, il faut vendre. Cela veut dire que le commerce est au début et à la fin. Le commerce est au début de la construction d’un produit, il est aussi la finalité du produit. Si on vous dit que vous devez vendre avant de produire vous savez que le modèle de produit que vous allez concevoir doit être adapté aux besoins du client. Dans des grands pays comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Japon, le commerce est au cœur du dispositif des politiques publiques, car ce sont des pays qui n’ont pas beaucoup de ressources naturelles. C’est le cas de la Corée qui est aussi parmi les premiers pays exportateurs. Autrement dit, ils ont construit leur économie sur la base du commerce.
Aujourd’hui, nous sommes très heureux de constater que les exportations sénégalaises, depuis trois ans, ont progressé de manière significative, peut-être 15 % de croissance par rapport aux exportations de l’année dernière. Pour les produits horticoles, ce sont plus de 100.000 tonnes de produits. S’agissant des produits halieutiques, on est à plus de 200 milliards de FCfa d’exportation. Concernant les produits miniers comme l’or, les produits transformés (produits agroalimentaires), le Sénégal est positionné comme un pays exportateur net. Voici des évolutions et des performances réelles. Il faudra vraiment rendre hommage à notre secteur privé qui, essentiellement, exporte.
Le gouvernement du Sénégal accompagne le secteur privé à travers justement les politiques de production. Car comme vous savez, l’exportation et le commerce ne sont que le réceptacle et le reflet des politiques de production mises en place dans différentes filières, même dans le système de l’élevage où le Sénégal exporte des produits de manière assez extraordinaire à travers le monde. Pour l’industrie des perruques, notre pays fait des exportations de plus de 250 %. Je crois que cela démontre simplement le dynamisme de l’économie réelle et nous sommes dans cette voie d’accompagner davantage nos sociétés privées pour que l’objectif du plan émergent, qui est de multiplier par trois le niveau des exportations, puisse naturellement se réaliser dans de très bonnes conditions.
Quelle est l’importance de présenter le système Gaindé de dématérialisation des procédures du commerce extérieur à l’Omc ?
C’était important, car nous sommes de mise en œuvre de l’accord de facilitation d’échange qui est un processus qui vise la simplification, l’harmonisation et la modernisation des processus d’importation et d’exportation à travers le monde. Le Sénégal fait partie des pays qui l’ont ratifié. Cet accord, comme vous le savez, a été mis en place depuis le 22 février 2017. Il était donc important de montrer l’expérience sénégalaise avec des experts de la douane et de « Gaindé » pour dire justement que dans le cadre du commerce électronique, l’Afrique, en général, et le Sénégal, en particulier, a mis quelque chose sur la table pour qu’un débat constructif se mette en place dans le sens d’améliorer la force économique de nos pays.
Je signale également que ce débat important va se poser lors de la prochaine conférence économique de l’Omc à Buenos Aires, en Argentine, en décembre prochain. C’est donc vraiment une question intéressante et le Sénégal a eu l’honneur de faire cette présentation.
Que ressentez-vous à la suite de ce panel surtout quand on sait que le Kenya et le Burkina Faso ont demandé au Sénégal de leur transférer le système « Gaindé » ?
Vous savez, quand on exporte un produit à l’étranger, c’est également une certification par l’étranger ou par l’extérieur de la compétence ou de la qualité du produit issu du système sénégalais. Le mérite et l’honneur reviennent à tous nos ingénieurs et à nos experts qui ont conçu le système Gaindé qui est validé à travers le monde. Je crois que c’est vraiment quelque chose qu’il faudra saluer et naturellement le magnifier.
Propos recueillis, à Genève, par El Hadji Gorgui Wade NDOYE