La proposition faite par le leader du Parti espoir et modernité, Habib Sy, en perspective de l’élection présidentielle de 2019, peine à convaincre au sein de l’opposition sénégalaise où il lui est d’ailleurs reproché une démarche contradictoire.
Le pacte populaire que propose l’ancien ministre Habib Sy, pour battre Macky Sall en 2019, n’enchante pas trop l’opposition sénégalaise. Celle-ci, même si elle ne rejette pas en bloc les propositions contenues dans le document, semble être dubitative sur la question.
Dans un document largement publié avant-hier, l’ancien collaborateur d’Abdoulaye Wade, passé entre-temps chef du Parti espoir et modernité/ Yaakaaru Rewmi (PEM/YR), scrute la manière par laquelle l’opposition peut venir à bout du régime de Macky Sall en 2019. Malgré la débâcle aux élections législatives du 30 juillet 2017, Habib Sy ne désespère pas de voir l’opposition renaître de ses cendres, reprendre du poil de la bête et aller à l’assaut du pouvoir en rangs soudés en 2019.
Dans ce dessein, il préconise un pacte qui consistera en un engagement écrit et irrévocable de tous les partis politiques de l’opposition, des mouvements politiques de l’opposition et des organisations de la société civile prônant une troisième alternance. Ce pacte, selon lui et ses camarades, devra être authentifié devant notaire et ensuite soumis à un référendum organisé à l’intention des militants et sympathisants de l’opposition, dans des conditions définies d’un commun accord. Au cas où le Oui l’emporterait après le référendum, tous les leaders signataires devront, selon eux, ‘’prêter serment sur le Coran ou sur la Bible, de respecter toutes les stipulations du pacte’’.
Au fond, cet engagement consistera à faire accepter, par tous les leaders de l’opposition et de la société civile qui y souscriraient, à soutenir une candidature unique en 2019, seule gage de victoire devant le président Macky Sall.
‘’Démarche contradictoire’’
Cette proposition, venant de Habib Sy, pose déjà un problème de démarche au sein de son ancienne formation politique, le Parti démocratique sénégalais (PDS). Ici, l’on trouve qu’il y a un paradoxe entre les actes qui sont posés par l’ancien cacique libéral et la proposition mise sur la table. ‘’La logique veut que pour battre un adversaire, qu’on ne s’affaiblisse pas soi-même. Je pense que Habib Sy est libre de choisir son propre chemin, mais j’ai l’impression que sa proposition est contradictoire par rapport à sa démarche’’, assène le secrétaire national adjoint chargé des élections du PDS, par ailleurs membre du Comité directeur. Pour Maguette Sy, Habib Sy ne peut pas parler d’unité, alors qu’il vient de divorcer fraichement d’avec le parti de Me Wade. ‘’S’il se prononce en tant que chef de parti, il va falloir qu’il fasse une démarche allant dans ce sens-là’’, fait savoir M. Sy. Le secrétaire national adjoint chargé des élections du PDS se demande même si leur formation politique est concernée par cette proposition. Car, ’’depuis qu’il a quitté le parti, il y a deux mois, Habib Sy n’a encore posé aucun acte qui montre qu’il a envie de cheminer avec nous’’.
Outre les libéraux, leurs alliés de la Coalition gagnante Wattu Senegaal ne sont pas aussi très convaincus de la proposition de Habib Sy. Au niveau de Tekki, du nom de ce parti politique dirigé par Mamadou Lamine Diallo, ‘’cette proposition n’a aucune garantie’’. Selon Amadou Dieng, porte-parole dudit parti contacté hier par ‘’EnQuête’’, l’opposition a raté un moment important pour en finir avec Macky Sall, lors des dernières législatives. Et la faute, selon lui, incombe à des hommes politiques comme le leader du PEM/YR. ‘’Des personnalités comme Habib Sy avaient privilégié des considérations personnelles qui ont fait aujourd’hui que les élections n’ont pas pu être ce qu’elles devaient être. Ce qui a favorisé une fraude massive.
Chacun devait faire preuve de sacrifice, de dépassement et de grandeur. Il fait partie des premiers à avoir torpillé tout cela’’, rouspète le collaborateur de Mamadou Lamine Diallo. Il rappelle que son parti évolue dans la Coalition gagnante Wattu Senegaal et invite, par conséquent, Habib Sy à regagner les rangs de cette entité. ‘’Ils n’ont qu’à être humbles et venir nous rejoindre pour discuter dans un cadre beaucoup plus approprié et non par voie de presse’’, lance M. Dieng. Il est vite appuyé par Maguette Sy qui relève que le PDS est toujours favorable à la constitution d’une grande alliance de l’opposition, malgré l’expérience des dernières élections. Cela, même s’il impute la responsabilité de la débâcle des législatives à certains opposants qui, selon lui, ne voulaient pas de cette coalition pour des calculs personnels. ‘’Wade avait demandé la mise en place d’une grande coalition. Ceux qui ont contesté le leadership du PDS sont les grands responsables de ce qui s’est passé’’, a fait savoir le membre du PDS.
‘’La candidature unique, une utopie’’
L’une des propositions-phare contenues dans le pacte que propose Habib Sy aux autres partis de l’opposition, la candidature unique en 2019, apparait comme un vœu pieux. D’ailleurs, selon Maguette Sy du PDS, elle est tout simplement utopique. ‘’Notre candidat sera avec certains partis politiques en 2019 et s’il arrive au deuxième tour, nous serons certainement en coalition avec d’autres opposants pour faire partir Macky Sall. Au même moment, d’autres, qui ne veulent pas de Karim Wade, vont aller se ranger du côté de Macky Sall. Mais je ne pense pas à une candidature unique de l’opposition’’, déclare-t-il. Pour sa part, le porte-parole de Tekki, Amadou Dieng, pense qu’il faut plutôt travailler sur un programme commun à proposer aux Sénégalais et non sur une candidature unique qui risque d’amoindrir les chances de l’opposition de triompher de l’actuel locataire du palais présidentiel.